Le salaire de la peur
Devant ce film sulfureux qui dénonce avec virulence l’envers du décor du « miracle économique chinois », devant le traitement abrupt, pertinent et quasi-clandestin d’un sujet d'actualité dont on entend fréquemment parler dans les journaux (les milliers de morts, probablement 30 000 par an, qui jonchent les mines de charbon chinoises), et surtout face à ce postulat de départ violent qu’on ose à peine imaginer vrai (des mineurs choisissent une jeune proie à la recherche d’un boulot, l’entraînent dans une mine, le tuent et viennent demander des compensations à un patron qui veut au maximum étouffer l’affaire par peur des autorités), on est tenté d’écrire un pamphlet outré contre une société hyper capitaliste dont le seul mot d’ordre est « Enrichissez-vous par tous les moyens » et qui transforme de pauvres bougres des campagnes en impitoyables serial killers assoiffés d’argent dans un monde sans foi ni loi où l’être humain ne vaut plus rien.
Mais quand j’ai revu l’autre jour Le bon, la brute et le truand, j’ai été frappé par le nombre de similitudes inattendues avec Blind Shaft : un pays en plein développement, une ruée vers l’or, des chasseurs de primes à tous les coins de rue, des femmes exploitées sexuellement, une loi du plus fort irréversible. Alors, Song et Tang sont-ils les nouveaux Tuco et Sentenza des temps modernes, les nouveaux cowboys de l’Est rouge ? On peut le penser. Certaines choses changent, d’autres ne changent pas, disait je ne sais plus qui dans Matrix. Seule différence notable : le contexte social et mondial a considérablement évolué, et cette course toujours plus grande au profit, cette grande fuite en avant collective dans lequel s’invite aujourd’hui le pays le plus peuplé de la planète va décidément beaucoup, beaucoup trop vite et, non seulement n’est pas prête de s’arrêter (la pénurie de pétrole dans les années à venir poussera sans doute la Chine à investir massivement dans le CTL – procédé de transformation du charbon en pétrole), mais risque également de nous conduire tout droit dans le mur (ce n’est pas moi qui le dit, mais les dirigeants chinois eux-mêmes qui osent regarder le monde avec lucidité sur le moyen terme).
Au milieu de toute cette fureur, le courageux Li Yang brandit sa caméra comme un drapeau blanc en pleine bataille. Il a énormément de mérite, et on lui tire notre chapeau pour avoir tourné ce film au péril de sa vie. Mais qui prendra le temps de l’écouter vraiment ?
un film social chinois non dépourvu de qualités mais pas à la hauteur de la hype
Blind Shaft décrit au quotidien les conditions de travail des ouvriers chinois à la mine, le monde de la prostitution et une certaine désillusion vis à vis du régime communiste. Dès lors pas étonnant que le film ait été censuré en Chine. Si le film s'inscrit dans la mouvance récente d'obédience néoréaliste du cinéma chinois indépendant qui offre une alternative bienvenue aux fresques signées Yimou ou Kaige, reste néanmoins que mis à part le fait que son moteur narratif soit lié au polar il ne distingue pas vraiment à l'intérieur de cette mouvance. Outre que le film n'apporte rien de nouveau sur certains thèmes par rapport au cinéma de Jia Zhang Ke (l'ennui de la Chine industrielle, la description de la marge et d'une Chine tiraillée entre matérialisme et restes du communisme), le film alterne une approche contemplative et une approche documentaire: ce choix de mise en scène rappelle le Plaisir Inconnus récemment sorti en salles mais là où Jia Zhang Ke réussit par ce choix à exprimer une tension entre des personnages inertes et un monde en changement perpétuel les moments contemplatifs et les moments documentaires sont placés de façon plus arbitraire ici. On me dira que ce film a été probablement tourné dans des conditions d'urgence mais ici contrairement aux films de Jia Zhang Ke cela n'aboutit pas à la création d'un style cohérent et personnel. Les bonnes prestations des acteurs ainsi qu'un scénario écrit arrivent néanmoins à compenser ce dernier point. Au final, le film se laisse regarder sans déplaisir (surtout si le film vu juste avant à la Panasia était médiocre) sans pour autant etre une grosse claque. Néanmoins, il a été accueilli par la critique française comme la Nouvelle Révélation Asiatique: le film n'est certes pas inintéréssant mais aurait-il été porté aux nues s'il était sorti dans les années 90 à l'époque de l'explosion des Kitano, HHH, Edward Yang, Wong Kar Wai etc? J'en viens à faire l'hypothèse que le film a bénéficié du fait d'être présenté dans deux festivals (Berlin, Deauville) où de l'avis général les films (et pas qu'asiatiques pour Berlin) en compétition n'étaient pas d'un niveau fameux.
Caricature sarcastique des poncifs du cinéma d'auteur
Le trimard des deux paumés, comme le voyage initiatique de l'ado naïf, ne sont que des aller-retour d'enfer à enfer, et le happy end, méchants punis et jeune méritant sauvé, aboutit à la cheminée du four crématoire. Chapeau.
Taupes topées
Un film aussi noir que le charbon. Un incroyable tour de force d'avoir ainsi clandestinement pu tourner dans des décors réels impressionnants (on se croirait revenu cinquante ans en arrière) et même de montrer des scènes "d'amour"a avec des seins à l'air - les Censeurs ont dû tomber de leurs chaises en découvrant l'existence de ce film !!!
Le propos est une très, très violente dénonciation de l'actuel régime communiste - les hommes se transforment en véritables bêtes pour tenter de s'en sortir. Si l'on peut évidemment isoler la cruauté de deux individus au sein d'un peuple entier, aucun des personnages n'est réellement sympathique, tous ne pensent qu'à leur propre survie, sauf - bien sûr - les victimes candides.
Les piques envers le système se font également par touches plus habiles, telle la jeune victime naïve, ayant délaissé l'école, parce qu'il n'avait plus d'argent pour se payer ses études; qui lit un manuel d'histoire pour s'instruire - à la surprise de ses deux comparses qui lui disent que cela ne sert à rien (double-lecture : non seulement la Chine refoule le sens véridique de l'Histoire et inculque qu'elle ne sert à rien, se posant donc du côté des comparses; mais en plus les manuels d'histoires sont tronqués et établis à la gloire de la Chine, pourrissant donc encore davantage le jeune homme); de portraits de femmes déshabillés sont planqués derrière du papier journal (qui se décolle régulièrement pour faire saliver les hommes avant de se coucher).
Quant à l'intrigue en elle-même, elle est cruelle et étouffante, les derniers jours de la vie de la victime prenant un sale arrière-goût sachant sa fin proche (ou pas...).
Parfait petit film comme il devrait en exister bien d'autres !!!
le meilleur film de la 6eme génération
il y aurait beaucoup de choses à dire sur Blind Shaft, avec le recul il prend un aspect très émotionnel car les personnages sont attachants et l'histoire touchante.
la réalisation de type docu colle parfaitement au propos du film (censuré donc), et même si le film n'est pas haletant il règne une certaine tension d'un bout à l'autre, supportable grâce à un zeste d'humour bien senti dans la psychologie des personnages par exemple.
très fort, BLIND SHAFT constitue pour moi un film essentiel de la nouvelle vague chinoise, et j'aimerais en voir plus dans ce style.
Film noir mais bien réel
La dénonciation faite dans ce film est très forte. Le scénario fait réveler un grave sujet (tabou?) sur les conditions de travail en chine, en particulier ici dans l'activité des mines de charbons. A voir, et pourquoi pas... à débattre ;)
Noiceur,noirceur.
Voilà un film qui ne prime pas les jolies images et qui choisit au contraire un style semi-documentaire fort éloigné des oeuvres stylisées à l'extrême de pas mal de ses célèbres compatriotes, mais qui se révèle redoutablement efficace.
Adaptation fidèle d'un superbe roman de Liu Qingbang (Editions Bleu de Chîne) titré "Le puits", il ne s'en éloigne qu'un tout petit peu pour son final,mais l'esprit est complètement respecté.
Documentaire sur cette catégorie de citoyens de seconde zone, ici des mineurs de fond,il s'éloigne pourtant de la simple démonstration pour virer au polar et à la critique sociale:la Chîne présentée est affreuse,surpeuplée,aux cités impersonnelles et aux gens désabusés.Le constat est loin d'être nouveau y compris sur l'écran,mais il est asséné avec puissance,sans fioriture,c'est plutot le coup de poing que la suggestion.Mais sans manichéisme,les bourreaux se révélant tout autant victimes que leurs proies,et les moments d'émotion sont présents,par petite touche,pour confirmer ce constat.Ainsi pour l'un des deux compères qui téléphone dans son lointain village et s'inquiète pour les études de son fils,sa prochaine victime lui rappelant ensuite ce dernier.
Aucun relâchement dans la mise en scène,on est tenu en haleine pendant 1H30,et les moments savoureux alternent avec les scènes crues.L'interprétation est remarquable de sobriété, les deux accolytes vraiment crédibles dans ces rôles de mineurs cyniques et cruels,mais pas complètement détestables.
Par son propos aussi noir que les profondeurs minières qu'il explore,"Blind shaft" déborde de son constat purement chînois pour toucher à l'universel.Cela n'est pas trés folichon mais terriblement révélateur des comportements humains.
UN FILM QUI FAIT PEUR
Une oeuvre dure, effrayante, consternante et surtout réaliste qui fait froid dans le dos censurée en Chine.
Portrait pas très reluisant de la Chine actuelle
Ce film a le mérite d'avoir été réalisé sans passer par la case consultation/censure des autorités chinoises et donne une image nettement plus réaliste de la situation actuelle comparé à celle véhiculée par les films estampillés PC Chinois.
Le film révèle l'état d'esprit d'une partie de la Chine qui bien qu'attachée à ses racines (l'argent gagné qui profite à la famille, élément récurrent du film) se précipite dans le vide (meurtre, mensonge, prostitution, délabrement des mines), appatée par l'argent facile.
Le film est bien interprété et les moyens limités qui s'affichent à l'écran collent bien avec la rudesse des conditions et la pauvreté vécues par les protagonistes du film.
Petit clin d'oeil, lorsque les deux personnages principaux déambulent dans les rues, ils passent devant un cinéma et l'affiche de Full Time Killer, un des personnages dit que le cinéma c'est trop cher (clin d'oeil aux budgets comparés des deux films?)