Hong Sang Soo fait partie des cinéastes favoris de la critique coréenne qui lui offre régulièrement une place de choix dans ses bilans de fin d'année. Il s'est désormais fait une place dans les grands festivals internationaux où ses films n'ont laissé personne indifférent.
Né à Séoul en 1960, Hong Sang Soo étudie le cinéma à l'université de Chungang avant de partir pour les Etats-Unis où il reçoit un BFA du Collège Californien des Arts et Métiers et un MFA de l'Institut d'Art de Chicago. De retour en Corée, il travaille pour la télévision comme réalisateur. En parallèle à ses cours de scénario à l'Institut Coréen d'Arts, il commence à réaliser des films. Son premier film, Le Jour où le cochon est tombé dans le Puits, commence à le faire remarquer dans les festivals internationaux: le film est primé à Vancouver en 1996 et à Rotterdam en 1997. Le film sera aussi sélectionné dans la section Forum du Festival de Berlin. Beaucoup de critiques coréens en font leur film favori des années 90. En 1998, Le Pouvoir de la province du Kangwon est présenté à Cannes dans la section "Un Certain Regard" où il reçoit une Mention Spéciale. Mais le cinéaste explose véritablement en 2000 avec La vierge mise à nu par ses prétendants dont le dispositif narratif qui présente de multiples versions de la rencontre amoureuse ne laisse personne indifférent. En 2002, The Turning Gate, film plus léger et accessible que ses précédents, a fait le tour des Festivals et a obtenu le Prix de la Mise en Scène au Festival d'Asie Pacifique. En France, ses quatre premiers films ont été présentés par le Festival d'Automne des Cahiers du Cinéma. Après des années de non-distribution pour cause de droits trop élevés, ses trois premiers films bénéficient enfin en 2003 d'une sortie salles en France. En 2004, son nouveau film, La femme est l'avenir de l'homme est présenté en sélection officielle à Cannes et sort en France dans la foulée. Il continue à tourner à un rythme régulier: Conte de cinéma (2005) présenté à Cannes en Sélection Officielle et Woman on the Beach (2006).
source: Festival de Thessalonique
Son cinéma est au départ d'un pessimisme foncier sur les relations de couple: le Jour où le Cochon est Tombé dans le Puits est un portrait au vitriol des relations humaines dans une Corée désillusionnée où l'engagement politique a perdu son sens et une virulente dénonciation de l'égoïsme et de la violence du mâle coréen dans les relations de couple; dans le Pouvoir de la Province de Kangwon, les personnages voient dans l'adultère un échappatoire à leur solitude mais cela échoue parce qu'ils n'ont pas fait l'effort de se montrer attentif à l'autre. Ce constat triste sur l'incommunicabilité hommes/femmes n'est pas sans évoquer Antonioni ou Tsai Ming Liang. Cette idée trouve un aboutissement heureux dans le dispositif de La Vierge mise à nu par ses prétendants où la seconde moitié du film "rejoue" sa première partie en inversant les points de vue: d'un côté, la rencontre vécue côté masculin avec le jeune homme s'imaginant en conquérant et de l'autre les mêmes scènes où l'on voit bien Soo-Jung sûre d'elle, véritable instigatrice qui fait tomber le jeune homme dans ses filets. Ce virage optimiste se confirme avec un the Turning Gate où les personnages prennent le parti de regarder leurs échec avec un vrai sens de la dérision.
Si Hong Sang Soo partage avec un Rohmer dont il revendique l'influence un intérêt pour les situations de marivaudage, son cinéma est beaucoup moins littéraire et cérébral que celui du grand cinéaste français. L'aspect plus physique voire charnel de son cinéma est porté par une utilisation de la durée qui le distingue des autres auteurs asiatiques: elle peut communiquer le malaise des personnages à la manière d'un Tsai Ming Liang (ses deux premiers films) comme porter le vertige de l'attente amoureuse (La Vierge mise à nu par ses prétendants). The Turning Gate semble faire une synthèse des deux approches qui fait écho à un univers devenu plus léger et serein. Une différence avec les Taïwanais cependant: Hong Sang Soo ne se met pas systématiquement à distance de ses personnages, ce qui peut contribuer à communiquer au spectateur leur malaise (les scènes de sexualité de ses deux premiers films). Son cinéma se caractérise aussi par ses dispositifs narratifs très élaborés (La Vierge mise à nu par ses prétendants en est l'exemple le plus visible) et depuis deux films par l'usage du chapitrage (les titres de saynètes dans la Vierge..., les numéros dans the Turning Gate) qui donne à son cinéma une certaine théâtralité.
Ordell Robbie