Belle adaptation
"Le grondement de la montagne" est avant tout un envoûtant roman de Yasunari Kawabata,ou à travers les non-dits et autres élipses chères au premier prix Nobel japonais de littérature,la relation d'un vieil homme avec sa belle fille est finement analysée et même sublimée.Précisons que le jeune fils trompe sa femme et que le vieux père ne ressent plus grand chose pour sa vieillle épouse.Le tableau est installé.
Le film de Naruse reste fidèle à ce canevas.L'amour platonique,intériorisé,de la brue pour le vieux beau-père en lieu et place d'un jeune mari finalement trop fade, tout cela reste au centre du scénario cinématographique.
Que l'on ne s'y trompe pas: si le sujet a tout du mélodrame de base, le traitement donne au final une oeuvre certes empreinte de lyrisme,mais toujours subtile et intelligente.
Les non-dits passent ici par des attitudes, des regards, des situations quotidiennes.
C'est aussi la confrontation d'un Japon traditionnel, déjà déclinant à l'époque et représenté par ce monsieur respectable,face à un pays résolument moderniste au détriment de son authenticité, personnifié par le fils.
Un thème central chez Kawabata,parfaitement retraduit sur l'écran.
La jeune femme se doit de suivre son époque, donc son époux,mais la présence de ce beau-père lui rappelle les racines, la culture,le "Japon d'avant".
Noir et blanc magnifique,interprétation irréprochable,ambiance mélancolique,poésie de l'ensemble,voilà un film placé sous le signe de la pudeur.Pudeur des gestes, des sentiments.Mais le feu couve à l'intérieur!Et la frustration n'est jamais loin.
Nous sommes bien chez Kawabata.
Yama no oto
Belle adaptation de Kawabata par Naruse. L'histoire est simple : un vieux couple est débordé par l'échec de la vie sentimentale de ses deux enfants : le fils multiplie les aventures; la fille a rompu avec son mari et se retrouve sans ressources avec ses deux enfants. C'est peu dire que la famille est dysfonctionnelle : on ne s'aime pas et on ne se fait pas de compliments.
Seule la bru, Setsuko Hara, amène un peu de liant mais elle va bientôt quitter le navire, au grand dam de son beau-père qui lui voue une affection ambigue et de la belle-mère, qui verra s'enfuir une main d'oeuvre corvéable à merci.
Tout est amené assez subtilement dans ce grand festival d'hypocrisies et d'ambuiguités. Une des bons Naruse, un peu écrasé par le matériau initial quand même.
Nous ne vieillirons pas ensemble
"
Se peut-il que l'intérieur d'une tête d'homme soit aussi beau qu'une fleur ?" s'interroge le beau-père de Setsuko Hara après avoir contemplé un tournesol en compagnie de sa bru. Les rires complices de celle-ci semblent répondre par l'affirmative en cette belle journée ensoleillée où tout semble aller pour le mieux chez la famille Ogata. Et pourtant, quand le tonnerre gronde, les langues se délient, l'allégresse fait place aux chaudes larmes et on réalise que le couple bat sérieusement de l'aile. C'est que Monsieur traite son épouse avec le plus grand mépris à la maison avant de s'en aller batifoler gaiement en compagnie de ses multiples conquêtes. La malheureuse Setsuko laisse couler tant bien que mal (de toute façon, elle n'aurait pas son mot à dire) et peut compter sur le réconfort de beau-papa qui fera tout pour comprendre les motivations de son goujat de fils, un pauvre type froid et égoïste dont l'indifférence dépasse tout entendement. Ces prémisses de mélo comme on en voit mille prennent une dimension bien plus ample devant la caméra de Naruse, où l'amour entre un homme d'âge mur et sa belle-fille nous est suggéré tout au long de l'intrigue avec une pudeur et une intensité allant de pair. D'une grande richesse thématique, superbement cadré et interprété,
Le Grondement de la Montagne est un film grave et poignant qui se compte parmi les réussites les plus achevées de son auteur.