Une belle réussite où Nakahira délaisse les films sur la passion pour une veine plus sociale sans pour autant complétement tourner le dos à la sexualité qui tient tout de même une place conséquente ici (viol, maitresse par intérêt, égoïsme etc...).
C'est une nouvelle fois une peinture très pessimiste du Japon avec cet hommes d'affaire capitaliste sans pitié assimilé immédiatement à des yakuzas et qui travaille en plus sous les ordres de politiques qui tirent les ficelles dans l'ombre (évoqué en une ligne de dialogue glaçante). Évidement, la peinture n'est vraiment pas subtile avec ce business man qui suinte le mépris et le cynisme par tous les pores. Son activité préférée est par exemple de tirer sur un chat avec un pistolet à plomb (outre humilier les gens bien-sûr). Ce portrait aurait mérité sans doute plus de nuance car on est parfois vraiment pas loin de la caricature ridicule.
Mais le reste du film est beaucoup mieux écrit avec des personnages aux bords du désespoir qui se retrouvent face à un mur d'incompréhension et qui ne sont même pas aidé par les pouvoirs publics. Ils n'ont donc que l'entraide - qui ne suffit d'ailleurs même à faire face aux menaces, aux pressions voir tout simplement les passages à tabac. Ils ne leur restent donc eux aussi que la violence. Ca donne une dernière partie surprenante avec un cadavre sur les bras, de nombreux coupables hypothétiques mais aucune vrai meurtrier. Une sorte de cauchemar éveillé qui ne manque pas d'une ironie mordante, pas si éloigné de Kafka par moment. Cette impasse, qui aurait peut-être mérité à ne pas être résolu, questionne en tout cas directement l'engagement civique et la responsabilité de chacun dans la situation que traverse le pays.
Souvent passionnant mais pas toujours pertinent sur le traitement avec quelques sursaut déprimant de lucidité comme ces journalistes qui ré-écrivent la vérité pour qu'elle sonne plus vendeuse sans pour autant fâcher les autorités. Sinon la structure en flashbacks avec des transitions par de longs volets au noir est assez judicieuse.
Et puis la mise en scène est très inspirée avec une noir et blanc bien oppressant, un sens de cadre souvent claustrophobe en étant bouché ou obstrué. L'ouverture est à ce titre exemplaire avec un ample mouvement de grue qui descend d'un plan large pour se rapprocher de plus en plus du sol, des maisons sordides et des détritus avant qu'une série de travellings sinueux parcoure les ruelles de ce bidon-ville.
La fin d'ailleurs lui répond avec 2 très longs travellings qui avancent vers un service funéraire qui se fait lui dans l'ordre d'une respectabilité exagérée.