Hommage au kabuki
ICHIKAWA Kon est un cinéaste majeur mais méconnu ; dans son Vengeance d’un acteur, il multiplie pourtant les trouvailles visuelles et les rebondissements pour faire de son œuvre un grand et bon divertissement familial, avec notamment un Hasegawa Kazuo stupéfiant dans son double rôle d’acteur efféminé et de voleur à la Robin des Bois. Peu à l’aise pour filmer les scènes d’action, il choisit de les esquiver en plongeant les confrontations dans le noir ou en ne cadrant que les sabres qui s’entrechoquent, ce qui donne un aspect onirique particulier et inattendu. Mais Ichikawa ne s’arrête pas là : beaucoup plus ambitieux, son projet est d'abord de mener une réflexion sur l'utilité de la vengeance, et surtout de rendre hommage au kabuki, l’art théâtral typique du Japon, en adaptant sa mise en scène et ses dialogues à la tradition ; le résultat est très réussi, mais il rend du même coup l’œuvre un peu moins abordable pour le tout venant des spectateurs qui y trouvera quelques longueurs.
Fugace instant magique
Un théâtre. Une pièce de kabuki. Sur la scène, un homme interprète un rôle de femme de manière très raffinée dans un décor enneigé. La caméra se rapproche de ses yeux qui fixent obstinément dans le public des personnages tant haï qui apparaissent dans une bulle près de son visage. «
Ces gens, ce sont eux qui ont tué mon père, et ils osent se montrer en public à une de mes représentations » se répète-t-il dans son for intérieur. Vengeance !
un must du film d'aventures
Avec la Vengeance d'un acteur, Ichikawa transcende le script de sérial ordinaire d'un grand succès de Kinugasa et réussit un beau divertissement stylisé.
Tout d'abord, Ichikawa utilise son propre passé professionnel de peintre: il utilise le format cinémascope (format qui est celui d'une scène de théatre mais aussi celui d'un tableau de peinture) pour construire chacun de ses plans comme un tableau coloré. Les personnages sont ainsi entourés au gré des scènes par des fumées pastel, portent des habits aux tons clairs (ce qui a pour effet d'introduire une idée de décalage, d'ironie dans les situations mélodramatiques, les couleurs des vetements dans le mélodrame classique étant le plus souvent vives -cf Sirk, Almodovar- pour mieux refléter les sentiments intenses des personnages). Les scènes de nuit sont superbement éclairées à la lumière bleue. En outre, les scènes de film de sabre se déroulant de nuit abondent de plans isolant le sabre scintillant dans le noir ou montrant des personnages en tenue sombre, ce qui a pour effet de faire encore plus ressortir les visages dans la nuit. La caméra isole également certains détails ou personnages dans le plan en les entourant de noir ce qui fait que certains plans donnent l'impression d'etre vus au travers d'une serrure et le spectateur devient un témoin/voyeur des scènes.
Mais ce qui marque surtout dans le film est sa distanciation vis à vis du drame traditionnel japonais, distanciation qui évoque la désinvolture du western spaghetti de l'époque. Cette distance s'incarne à travers Kazuo Hasegawa qui incarne à la fois l'acteur de kabuki travesti et un bandit de grand chemin qui est son sosie, le suit en permanence et commente sa vengeance en en soulignant la construction théatrale, en applaudissant aux talents de comédien du héros. Le bandit de grand chemin est ainsi une véritable matérialisation de la voix off dans le film et assiste à une suite d'actes cruels en ayant en permanence le sourire au coin des lèvres, moque également les femmes qui tombent amoureuses de l'acteur de kabuki. Un autre aspect du décalage s'incarne dans l'alternance entre dramatisation théatrale et scènes de rue naturalistes ainsi que dans les scènes de combat filmées de loin ou du haut d'un toit. Le film dépeint le shogun comme un univers peuplé de personnages grotesques, incapables d'assumer leurs actes, faisant ainsi écho à la tendance parodique qui irriguait le polar nippon de l'époque (Fukasaku, Suzuki). A cela s'ajoute un score décalé plus proche des yakuzas eigas de son époque (percussions, folk, saxos jazzy) que de la musique japonaise traditionnelle. Et la fin où le héros joue sur scène sa revanche nous encourage à prendre le récit à la légère: toute la vengeance n'était que manipulation, mise en scène, rebondissements imprévus, en un mot du théatre. Ichikawa réfléchit ainsi sur la frontière théatre/réel avec une désinvolture, un souci permanent de faire rire -la morale du film pourrait etre "meme dans ses moments les plus cruels, la vie est un théatre comique"- qui tranche avec le pathétique de la plupart des films occidentaux traitant du sujet -Eve, Opening Night, Tout sur ma mère-.
Au final, Ichikawa aura offert à part égale au spectateur divertissement, rire, spectacle bien exécuté, recherche formelle et réflexion sur la vie. Il montre que s'il n'est pas un auteur à la thématique fixe comme les Kurosawa, Mizoguchi ou Kobayashi, cela ne signifie pas que son cinéma manque d'ambition et que bien qu'artisan du cinéma de genre il n'en est pas moins un artiste de grand talent.
Une splendeur visuelle !
Jamais les mots de "metteur en scène" n'ont été mieux adaptés pour décrire le travail d'un cinéaste. Chaque plan est un enchantement construit selon une logique de mise en abyme ( le théatre dans le film, avec des cadres dans le cadre ) et une photographie qui force le respect ( des plans contrastés entre parties sombres et une unique couleur primaire ). Les rares combats sont dignes de Lady Snowblood ( le sang en moins) . Quant à l'interprétation, elle frôle la perfection : Kazuo Hasegawa s'en donne à coeur joix dans ce rôle qui multiplie les faux semblants. L'héroïne est ... "appetissante". Pour faire simple : CHEF D'OEUVRE !
Sublime
La Vengeance d'un acteur me semble à la frontière entre théâtre et cinéma contemporain, tradition et modernité notamment dans la forme sans se départir, très efficacement, de ses qualités de divertissement et en sachant faire "vibrer la corde sensible".
Le théâtre, de ce que j'en connais, par l'absence de décors naturels (l'histoire ne s'y prête pas vraiment) ou de plans d'ensemble d'un décor relativement grand comme une contre plongée sur une vaste rue ou quelque chose dans le genre.
La dimension narrative me paraît faire le grand écart entre ces deux moyens d'expression. Hasegawa Kazuo dans son rôle de Yukinojo Nakamura tout du moins, ne quittera jamais son "enveloppe" d'acteur de Kabuki. Il restera un artiste incarnant une femme fictive, comme sur scène alors qu'il s'agit d'un film.
Côté mise en scène, le travail sur la réalisation et la photographie sont fascinants. Notamment concernant les nombreux moments nocturnes ou en basses lumières, justes sublimes.
La musique, elle, n'a rien de traditionnelle et fait encore plus entrer le long-métrage dans une dynamique subtilement ouverte au monde (l'utilisation assez parcimonieuse du jazz entre autres).
Le transfert du combo dvd/blu ray Rimini éditions rend justice aux sublimes qualités esthétiques de l'œuvre et les bonus s'avèrent passionnants. Bastian Meiresonne, délivre de façon claire et précise, en 30 minutes, un nombre substantiel d'informations éclairantes. Le documentaire de Nagisa Oshima n'est pas en reste.
Bel hommage au théâtre
Au théâtre en général, et pas seulement au théâtre japonais. Film ambitieux, réussi pour la beauté des plans, l'interprétation bouleversante de Katsuo Hasegawa (admirablement mise en valeur par l'interprétation figée des autres personnages, comiques de théâtre ou tyrans de chambara) et la finesse ; moins réussi pour le scénario, qui ne transcende pas les conventions, et il arrive qu'on s'ennuie un peu.
Vengeance réussie
Magnifique chef-d’œuvre, débordant d'inventivité et d'audaces visuelles.
La lumière est magistrale et son utilisation du noir - renvoyant à une représentation du kabuki au sein même du film - est tout simplement inédite et génialement pensée.
L'histoire loufoque est parfaitement écrite et de nombreux rebondissements et retournements tiennent le spectateur en haleine de bout en bout.
Un très grand classique, qui devrait être bien plus connu !
Un film hybride, raffiné et subtil.
Comme son héros, Yukinojo, "La Vengeance d’un acteur" est un film hybride, raffiné et subtil.
L’acteur vedette, Kazuo Hasegawa, y est remarquable(le générique annonce que c’est son 300ème film !!!) dans le double rôle de l’acteur travesti « Yukinojo » et du bandit « Yamitaro », comme le sont aussi l’ensemble de ses partenaires (très bonne distribution, qui réunit quelques-uns des meilleurs acteurs du cinéma japonais du début des années 1960).
Sur un scénario mélodramatique à souhait, le cinéaste Kon Ichikawa compose un film étonnant, qui utilise intelligemment le format cinémascope et la couleur, et mêle habilement les genres, tant dans la mise en scène quedans l’accompagnement musical et sonore du film. Au final, l’œuvre offerte peut être vue comme une nouvelle forme de kabuki, cinématographique celui-là, et d’autant plus troublant que le héros de l’histoire se trouve être lui-même un acteur de kabuki, à l’époque où Tokyo s’appelait encore Edo (c’est-à-dire avant 1868).
Le film de 1963 est en fait le remake d’un premier film réalisé en trois parties par l’un des vétérans du cinéma japonais, Teinosuke Kinugasa, presque trente ans plus tôt (en 1935-36), avec le même acteur vedette, Kazuo Hasegawa (!!!).Pour mémoire, Kon Ichikawa a débuté comme assistant réalisateur à la Toho en 1944-45 et réalisé son premier film en 1948. Il a été le réalisateur de "Tokyo Olympiades", le (très beau) film officiel des Jeux Olympiques de 1964 à Tokyo, ainsi que du film "Errances" (Matatabi) remarqué par le public occidental en 1973.
En bref, "La Vengeance d’un acteur" (version 1963) mérite, à n’en pas douter, l’attention des amateurs de cinéma.
Le faux et la tentation du vide
Qu'y-a-t-il vraiment dans Yukinojo Henge pour nourrir la substance du drame? rien, le rien, et un brodage indéterminablement prolongeable sur ce vide. La trame même du film de Ishikawa est rongée par son hybridité, sa théatralité. C'est aussi là-dessus qu'elle se construit: elle ne fonctionne que par une série de mécanismes qui sont arbritrairement importé dans un language cinématographique et implémentés dans un vide spatial. Dans le fond, "La vengeance d'un acteur" est probablement plus proche du cinéma de série et de Goyokin que du Jidai Geki et de Kurosawa. Il a avec Goyokin (en particulier, mais on pourrait aussi parler de Okamoto) une même façon de surfer sur la fascination du vide, du néant moral et filmique, de créer du plein avec du vide, de l'événement avec du rien, du beau avec du trivial, du film avec du cliché. Tout ca ne rime à rien, n'a fondamontalement aucun sens, donc autant faire joli. Pourquoi pas? Le kabuki, tout le monde adore, s'accorde à dire que c'est génial même s'il n'y connait rien: pourquoi pas faire du kabuki au cinéma? Faire jouer plusieurs rôles par un même acteur? Les Monthy Pythons le font. Pourquoi pas?
un chef d'oeuvre méconnu....
grand film.
déja,le film est vraiment splendide visuellement.ensuite,il est riche en thématiques diverses ce qui en fait un film ou l'on se plait a en découvrir toutes les facettes au fil des visions.
et puis,le cinéma de ichikawa est une merveille d'ironie,de distanciation critique,que c'est difficile de resister.
jubilatoire!