D'une grande importance
Somai Shinji a prouvé qu'il était l'un des cinéastes les plus importants de sa génération avec l'un de ses films les plus connus, le sublime
Sailor Suit And Machine Gun, et le public japonais ne s'y est pas trompé puisque le réalisateur était l'un des plus appréciés à l'époque. Le style particulier de Somai, on le doit à d'innombrables longs plans-séquences qui enferment littéralement les personnages dans le cadre, efficace moyen de scruter au plus près -ou de très loin- l'âme humaine. Somai est un cinéaste du direct, de l'image pas forcément belle mais toujours captée et prise sur le vif, comme ce début de bagarre entre deux élèves en plein cours de classe filmée en dehors, derrière les maigres parois de bois, comme si le cinéaste voulait lui-même s'effacer face au chaos ambiant qui ne tardera pas à survenir de dehors et de l'intérieur. Ce chaos est matérialisé par le typhon, symbole de la rupture entre le monde des adultes et celui des adolescents. Le monde des adultes est clairement transparent, à peine représenté par un professeur de mathématiques scandalisé d'une telle classe. Somai s'attarde surtout sur les adolescents alors en perte -ou en manque- de repères, on les voit fumer tard le soir comme pour imiter les grands, faire l'amour pour deux d'entre elles, seules dans une pièce comme pour masquer une forme de honte, l'homosexualité étant un sujet tabou.
Lorsque le typhon est en route, créant cette rupture avec le monde des plus grands, les adolescents cherchent à se faire mal, comme cet élève parfois autiste, incapable de gérer ses pulsions sexuelles. Et lorsqu'ils ne se font pas mal, ils improvisent une danse au sein du gymnase alors abandonné. Confrontation de la joie et des douleurs le temps de quatre jours. Cette séquence musicale et visuellement superbe, démontre la liberté parfaitement assumée des élèves, qui pendant un instant possèdent le monde entre leurs mains, comme si il n'y avait plus de limite libertaire. Cette liberté est retranscrite par cette caméra éloignée -farouche- qui s'approche de plus en plus de la scène de danse comme pour vaincre ce sentiment de peur, de renfermement que l'on ressentait en début de métrage, une liberté imagée par le strip-tease intégrale des adolescents qui finissent d'achever leurs pas de danse sous la pluie, à l'air libre, véritable figure imagée pour souligner ce sentiment enfin acquis de liberté. Mais cela ne durera pas plus longtemps puisqu'une fois ce "rituel" terminé, l'un d'entre eux mettra fin à ses jours, fier de montrer à ses camarades qu'une nouvelle vie va débuter suite à sa mort, car comme il leur confiait juste avant "la mort est le prémisse de la vie". Somai crée donc en l'espace de deux heures, un chant funèbre absolument désopilant, sans optimisme aucun, comme si la mort était la seule source de liberté dans un monde ne tolérant plus rien. On aura bien vu quelques éclaircies, comme lorsque la jeune Rie entame une chanson sous la pluie, seule, livrée à elle-même, pour finalement tomber presque en sanglot. Mais la caméra de Somai ne s'attarde pas davantage sur elle et préfère revenir dans l'immédiat au sein de l'établissement scolaire filmer le rituel suicidaire, méticuleusement préparé par son acteur. A la fois comédie dramatique soufflante parfois proche du théâtre et constat amer d'une société négligente face à sa jeunesse montante, Typhoon Club reste dans tous les cas une oeuvre marquante indispensable pour tout amateur de cinéma japonais et même de cinéma tout court. Et Somai Shinji alors de s'imposer comme l'un des cinéastes majeurs de sa génération.