S’il y a bien un cinéaste depuis les années 2000 apte à réaliser des films pouvant rivaliser avec les meilleures productions « classiques » du patrimoine cinématographique nippon, c’est bien Yamada Yoji. Fort de ses quarante années de bons et loyaux services pour la Shochiku, il n’est plus surprenant de s’apercevoir aujourd’hui combien son œuvre porte la marque des grands studios d’époque. Le plus intéressant avec Le Samouraï du crépuscule est de voir comment le cinéaste de la saga des Tora-san allait pouvoir s’en sortir avec le jidai geki, et comment il arriverait à moderniser ce bel écrin renfermant des grands classiques. A croire que le jidai geki classique avait la cote à l’époque, un cinéaste comme Miike Takashi réalisait par exemple l’honnête Sabu, pas mémorable mais fort d’un classicisme appliqué à la manière de Yamada Yoji sur ce film-ci. Sauf que chez Yamada, le scénario très écrit malgré son apparente simplicité offre des instants intenses de cinéma à la fois contemplatifs et bruts. Une bénédiction pour l’amateur de productions carrées proposant néanmoins d’intéressantes nouveautés, un tour de force dans la mesure où le genre fut incroyablement abordé au cours de plusieurs décennies de cinéma épique sans forcément en changer les codes. Si on retrouve ici une critique de l’inégalité sociale durant l’époque féodale avec le personnage de Seibei, samouraï paysan mal fagoté et repoussant de puanteur selon ses supérieurs, elle rentre comme il se doit dans l’optique de Yamada d’utiliser un pleutre –efficace au sabre- pour au mieux mettre fin à un massacre d’hommes orchestré par un Yogo Zenemon diabolique, au pire s’en servir comme chair à saucisses. Prétexte également à montrer combien les suzerains utilisent leurs sous-fifres comme bon leur semble, imposant leur autorité au travers de propositions de contrat, qui si déclinées, passent aux menaces. Seibei en fera les frais malgré son humanisme.
L’autre force du film, au-delà de son écriture de qualité, c’est sa mise en place. Longue et prenant des airs d’inquiétante plongée dans les ténèbres avec l’apparition furtive mais marquante d’un certain Yogo Zenemon, interprété par l’inconnu Tanaka Min qui trouvait ici son premier rôle au cinéma à près de soixante ans, on y voit le labeur quotidien de Seibei, sa famille, ses retrouvailles avec la belle Tomoe pour qui il tombe sans l’assumer réellement. Seibei est un homme qui se cherche, à l’image des personnages qui ont fait le succès des films de Yamada Yoji. Leurs faiblesses sont paradoxalement des qualités qui en font des hommes attachants. Si la place de la femme dans les films de Yamada est moins forte que celle des hommes, ces dernières ont un rôle de pivot qui permet aux hommes d’être stables et réfléchis. La première vraie déclaration d’amour à la gente féminine sera faite avec le sublime Kabei : notre mère, boudé dans notre pays pour d’obscures et incompréhensibles raisons. Grand film d’hommes alors, que ce Samouraï du crépuscule ? Pas sûr, tant la famille de Seibei (ses deux filles et son amie Tomoe) est l’élément qui motivera le paysan à redevenir le sabreur qu’il était auparavant, tout simplement pour leur bien être. Mais cette motivation découle de pressions extérieures, en résulte un régime fonctionnant aux menaces et aux intimidations. L’autre facteur intéressant est l’insécurité permanente durant l’époque féodale, parfaitement retranscrite par Yamada par l’intermédiaire de querelles entre un homme ivre et Seibei qui se solderont par un duel au sabre. Comme si froisser la personne d’en face pourrait déboucher à un duel à mort. Marche ou crève.
Faux film de sabres, belle page d’un homme qui vécu dans l’ombre de ses supérieurs malgré son talent de sabreur reconnu, Le Samouraï dus crépuscule est autant une réussite du jidai geki qu’un gros morceau de suspense culminant vers un climax de fin surprenant : la confrontation entre Seibei et l’étrange Yogo Zenemon (sans doute est-ce lui, le véritable homme tapis dans l’ombre) est l’une des plus spectaculaires que l’on ait pu voir dans le cinéma japonais depuis une dizaine d’années. Duel de mots, attitudes en changement permanent, humanisme contre bestialité, l’étrange personnage devenu fou est aussi fascinant que repoussant. Ce duel très théâtral est rendu presque mystique par le maquillage d’outre-tombe que porte Yogo Zenemon sur son visage d’homme au bord du gouffre, tout en restant dangereux à plus d’un titre. Filmé dans une baraque close et étouffante, la séquence démontre combien Yamada sait maîtriser les espaces tout en faisant preuve d’un sens du cadre surprenant de précision et de beauté. On reste loin de l'image pépère et très populaire du cinéaste de la saga des Tora-san, qui par le biais de petites histoires sans cesse renouvelées réussissait à combler les faiblesses d'une mise en scène appliquée sans réelle saveur. On a la confirmation ici d’un touche-à-tout qui aura livré tout au long de sa carrière des films de commande, des portraits d’hommes touchants (on pense au beau My Sons réalisé en 1991) ou d’autres biens plus personnels. Sans crainte aucune d’avancer pareille donne, Yamada Yoji reste l’un des plus grands cinéastes japonais en activité, si ce n’est le seul à pouvoir encore livrer des films au doux parfum "classique", sans tomber dans le film de musée poussiéreux.
En bon artisan du cinéma japonais depuis plus de 30 ans, YAMADA Yoji s’est construit au fil du temps un petit monde à lui, s’est forgé des convictions de narrateur et de metteur en scène qui rendent son Samourai du Crépuscule à la fois solide et rafraichissant, loin de la nouvelle vague nippone des Azumi, Samourai Fiction ou Gojoe.
Sa vision du temps des samouraïs est en effet une vision sereine, lucide et désenchantée, à l’image de son personnage principal, Iguchi Seibei, incarné par un magnifique Sanada Hiroyuki qui est lui aussi un « artisan acteur » en quelque sorte, tant il a touché à tout au sein de l’industrie cinématographique. Au beau milieu d’une société rigide dont les codes subtils et ancestraux (mariage arrangé, interdiction pour une femme de parler à un homme dans la rue, soumission au shogunat, peur du qu’en dira-t-on,…) asservissent plus qu’ils ne libèrent, Iguchi, samourai veuf avec 2 fillettes et une mère sénile à charge, tente de surnager en adoptant une posture limite rebelle qui lui permet de continuer à profiter de la vie à sa manière, une posture désintéressée et épicurienne consacrée exclusivement au bien-être de ses proches et à la culture de son potager, complètement déconnectée des usages, des ambitions et des mondanités. De nombreuses scènes donnent un visage très humaniste au film : des sourires complices de petites filles, des non-dits douloureux ou grandes déclarations qui font un flop, la grimace d’un vieux dignitaire pour faire rire un enfant, et même un duel au sabre presque contre-nature précédé d’un long échange sur les difficultés de la vie entre le rebelle et son bourreau.
Au final, Yamada parvient à brosser un hymne à la simplicité et aux petits bonheurs de la vie sensible et touchant, ce qui est toujours bon à prendre par les temps qui courent.
Avec The Twilight Samurai, Yamada Yoji s'offre une incursion hors du cinéma de série (les Tora San dont la longévité fit de lui une caricature de ce qu'avait pu etre une industrie cinématographique nipponne demandant à un cinéaste de reproduire à l'infini une formule à succès et la série en cours des A Class To Remember) et signe une oeuvre convaincante malgré quelques défauts, un jidaigeki en forme de vestige des films pas forcément renversants mais jamais inintéréssants que le cinéma japonais produisait du temps où le terme d'industrie cinématographique avait encore un sens dans l'Archipel.
Yamada ne révolutionne pas le jidaigeki mais les qualités du film -interprétation, mise en scène, écriture scénaristique- sont assez rafraichissantes en ces temps où le samourai est revisité par le cinéma japonais à coup de second degré peu inspiré et de style clippeux. En terme de travail formel, Yamada n'est pas aussi novateur qu'un Ishii Sogo mais il exécute en artisan consciencieux une mise en scène faite de cadrages bien pensés et d'une lenteur rythmique dont le mariage avec la discrétion classique des mouvements de caméra fait écho à la sérennité de Seibei face au désordre du monde qui l'entoure. C'est l'oeuvre d'un cinéaste de métier qui ne cherche nullement le coup d'éclat, la stylisation visible et du coup le choix formel fonctionne. Question acteurs, Sanada Hiroyuki et Miyazawa Rie font leur travail avec un vrai sens de la retenue faisant écho à leurs personnages d'etres aux tourments intériorisés mais gardant toujours leur sang froid au milieu d'un monde aux principes moins stricts que les leurs. Mais la grande force du film est son écriture scénaristique. Sans révolutionner la représentation du samourai à l'écran, Yamada apporte sa touche personnelle: si un Kobayashi montrait des samourais dans la misère, solitaires, aux principes moraux supérieurs à ceux de leurs chefs, il héroisait quand meme leurs personnages. Ce que ne fait pas Yamada qui montre un personnage méprisé pour son manque d'hygiène mais ne cherchant jamais le coup d'éclat, que ce soit pour faire respecter les grands principes moraux ou pour essayer d'atteindre le sommet, un etre qui ne cherche qu'à etre fidèle à lui-meme. Son humanisme est bien mis en évidence dans le premier duel où il refuse de se battre avec une arme tranchante parce qu'il connait sa force, scène qui fait écho au combat du "samourai sans nom" avec un sabre fourré dans Sanjuro. Durant toute la première partie du film, on est toujours à deux doigts de tomber dans l'exçès de bons sentiments. La seconde partie, qui confronte les principes de Seibei au réel, évite un peu plus cet écueil: elle est marquée par son rapport à Tomoe, femme qu'il aurait pu et voulu épouser suite au duel, dont il refuse la proposition de mariage parce qu'il a peur des conséquences psychologiques pour elle d'une baisse de train de vie. Sauf que Seibei est tourmenté par ce refus par la suite et que les circonstances vont faire ressurgir ses sentiments: le dilemme entre son refus de la violence et le contrat qu'il veut exécuter pour les seigneurs par obéissance dans un contexte historique -guerre de clans, intrusion des armes à feu- que l'on connait bien grace à Kurosawa lui offre l'opportunité de donner un deuxième acte à sa vie, d'exécuter "un dernier coup" avant de se ranger. SPOILER Sauf que dans le superbe face à face final dans l'obscurité, il se voit renvoyé à sa propre condition face à un samourai qui lui ressemble, un etre qui comme lui a connu la misère et comme lui fait passer les principes avant le désir et qu'il manque laisser s'échapper meme si le devoir finira par triompher au terme d'un duel paradoxalement rendu intense par sa lenteur rythmique-.FIN SPOILER
Parmi les défauts qui empechent le film d'etre plus marquant: la photographie terne, le manque de contraste des choix chromatiques, une musique de téléfilm qui fait sombrer certaines scènes dans le mièvre, quelques longueurs rythmiques, une conclusion baclée. Et le fait que si des films moins classiques dans leur approche de l'univers des samourais comme Gojoe ou Zatoichi ont bien plus de gros défauts ils ont aussi une ambiance unique qui fait que l'on a plus volontiers envie de les revisionner.
Ce film raconte le quotidien d'un samouraï de bas rang, qui doit s'occuper seul des ses 2 jeunes filles ainsi que de ça mère sénile, après la disparition de son épouse morte de maladie. Donc il combine ses devoirs de samouraï et s'occupe également de ça petite famille, privilégiement même celle-ci. Etant complètement deconnect des usages habituel, ce qui lui vaut d'être la risée de certain de ses congénère. Car ce mode de vie et en marge de habitudes d’un homme de cette époque, préférant passer du bon temps avec ses proches et s’occuper de sont potager et foyer plutôt que du reste.
Par contre son quotidien va tout d'un coup être chamboulé par retour de sont amie d'enfance, qui après plusieurs événements vont l'amener au combat qui pourrait lui être fatal.
Donc un film simple mais touchants, qui sors un peu des sentiers battus, avec une Bo qui accompagne bien le récit, et un Sanada Hiroyuki très convaincant dans sont rôle.
Un film lent mais touchant qu'on oublie pas après l'avoir vu. Et Hiroyuki Sanada est absolument bouleversant dans son rôle de samourai fatigué (certainement un de ses meilleurs rôles).
Voilà ce que j'aime le plus dans le cinéma japonais, je me suis régalé !!!
SANADA Hiroyuki est particulièrement excellent, comme il l'a été dans son précédent film "The Last Samouraï". Le scénario est d'une simplicité telle qu'il est finalement à l'image de notre samourai. Sa conduite et son mode de vie est élémentaire : Le bonheur est toujours à portée de main, encore faut-il s'en apercevoir. L'histoire est racontée de façon curieuse et amusante, par la fille du samourai. Ce parfum de naiveté et d'authenticité qui font doucement émerger la sagesse m'a beaucoup rappelé "Après la Pluie" (qui est également très bon).
Bref, sans plus attendre, précipitez-vous aussi sur "Twilight Samurai" et laissez-vous charmer par ce naturel !
J'ai adoré ce film, on a vraiment l'impression de faire un saut dans le passé, et de voir la vie telle qu'elle était à cette époque.
L'histoire est superbe, et ce qui fait plaisir c'est ce réalisme dans les (2) affrontements aux sabres que l'ont peut voir dans ce film. L'ambiance sonore rajoute vraiment un plus à l'immersion dans le film, et ce qui m'a marqué aussi c'est ce côté graphique du film, avec des images bien composée un peu comme en photo.
En tout cas bravo.
Ce film nous montre un visage différent du samouraï que l'on a l'habitude de voir:
un homme avant toute choses qui s'attache plus à ses sentiments qu'au code d'honneur d'un guerrier.
Un film qui progressivement devient extremement attachant,une histoire simple mais douce sur la fin d'une époque au japon,celle ou les samourais n'ont plus de place au sein de la société japonaise.