True Women For Sale a tout d’une confiserie locale qui risque de provoquer chez le spectateur un regain de force et d’énergie, rien de mieux parfois pour commencer la journée que de débuter au saut du lit par le visionnage d’un film dont on n’attend pratiquement rien si ce n’est de passer 90 minutes où l’on ne se prend absolument pas la tête. A vrai dire, le cinéaste nous a bien eu puisque derrière son apparence de film un peu vain se cache une œuvre d’une vraie sensibilité posant un regard lucide sur la société hongkongaise mais aussi chinoise, à travers le portrait de deux femmes aux méthodes de vie sensiblement opposées. L’une (Chung Chung) se prostitue pour gagner de quoi vivre et remettre ses dents en état qui visiblement font fuir les clients, l’unique scène où elle se donne à un client face caméra en masquant sa dentition annonce déjà en début de métrage la couleur sans que l’on sache réellement pourquoi, avant d’attendre la séquence « explicite » durant la garde à vue, l’autre (Lin Fa) s’occupe de sa gosse « pondue » par son défunt mari et doit toucher après son décès une certaine somme d’argent négociée avec Fu Yi Lau, un agent en assurance (Anthony Wong) un peu à côté de la plaque, naïf sans doute, mais ne lâchant rien. Herman Yau brasse alors les thématiques avec un recul intéressant, dans True Women For Sale est évoqué le statut des mères à Hongkong mais aussi en Chine où l’on sait à peu près tous que le quota d’enfants par famille pose problème, est évoqué aussi le combat quotidien des prostituées à gagner leur vie, entre les clients douteux et les agents de police en constante surveillance, mais aussi le fait que la société ne rechigne devant rien pour gagner de l’argent sur le dos des autres en exploitant leurs faiblesses et en chiffrant leur « valeur », en témoigne les fantaisies visuelles à l’écran lorsque Anthony Wong tente de trouver des clients qui peuvent rapporter gros. Son personnage n’est pas méchant, il est juste mené à la baguette par sa société. En travaillant avec Lin Fa, sa fonction diffère de plus en plus puisqu’il est amené à jouer l’assistant social durant des séquences au fort potentiel comique, comme cette première rencontre mémorable entre le personnage d'Anthony Wong et celui de Lin Fa.
L'intonation de leur voix, le regard de Race Wong et l’attitude d’Anthony Wong délivrent un pouvoir comique total. L’impact aurait été bien différent si la direction d’acteur n’était pas de qualité, car ce qui rend True Women For Sale par moment si drôle, ou si enlevé (c’est selon), c’est bien le côté braillard des acteurs et leur manière d’évoluer à l’écran. La dégaine nonchalante de Lin Fa, le côté coincé ou totalement opportuniste de Li Yau ou encore l’énergie déployée par Chung Chung confinent au métrage une vraie densité avec en filigrane un message social davantage poignant. Le combat de tous les instants livré par l’ensemble des personnages, même par celui du photographe dans un registre plus éloigné, est véritable et souligne que chaque problème social ou familial engendre quoiqu’il arrive des soucis : Chung Chung et sa mère ne peuvent plus se voir et son ex-mari est allé voir ailleurs, Lin Fa est enceinte depuis peu et se retrouve avec un gosse à sa charge tout en prenant son rôle de mère à la légère. Li Yau est un dragueur raté et un assureur maladroit, opportuniste, crève la dalle mais sans avoir un si mauvais fond. Il faut juste gagner des sous. Personne n’est parfait ici, mais l’on s’attache aux moindres personnages parce qu’ils sont plutôt consistants et ont chacun un bon fond. Le spectateur se familiarise donc avec les protagonistes mais aussi avec le lieu dans lequel ils évoluent, un quartier d’Hongkong tout ce qu’il y a de plus basique, mais dont la caméra d’Herman Yau s’attarde parfois sur certaines enseignes, certains recoins gorgés de caractères colorés. On n’est pas dans le registre de l’autopsie, mais le souci du détail du cinéaste nous permet de nous plonger dans des rues pleines de vie. La mise en scène de facture classique étonne par son naturel et sa faculté à ne pas défier les personnages du regard ou de les rabaisser parce qu’ils sont « rejetables » (la peur d’être touché par une prostituée sans doute « contaminée » par exemple, phobie des personnages d’Anthony et Race Wong). L’utilisation de la musique est aussi intéressante parce qu’elle désamorce toute forme de dramatisation, le but est de sortir de la projection avec le sourire aux lèvres, pas la larmichette au coin de la joue (malgré la belle chanson de Prudence Liew, star de la canto-pop avant d’être actrice). Soucieux du combat permanent des femmes à faire valoir leurs droits de mère ou leurs droits à « travailler » comme beaucoup d’entre elles dans la difficulté, Herman Yau réalise un petit film sans prétention, sincère dans son approche et intéressant dans son discours, mêlant humour et réalisme social, interprété par un casting gueulard mais particulièrement attachant. Oui, True Women For Sale est tout simplement « attachant ».
Plutôt très bien fait, le jeu des acteurs colle bien au ton du film (humour sur sujet social sérieux) et surtout rend les personnages "très vrais" : c'est bien là l'essentiel.
La critique de Happy résume bien ce que je pense du film. Pour moi, Herman YAU réussit là ou Ann HUI échouait ("the way we are"). Le film se suit sans peine et il aborde pas mal de thèmes sociaux sur la société chinoise actuelle. TRUE WOMAN FOR SALE fait partie des bons films d'Herman YAU et c'est un gage de qualité.
Herman Yau revient à ce qu'il sait indéniablement faire de mieux: raconter l'histoire des petits gens de Hong Kong.
Plus connu pour ses exubérantes catégories 3 ("Taxi Hunter", "Ebola Syndrome" ou – plus récemment "Gong Tau") ou pour ses films d'horreur (la bien trop longue série des "Troublesome Nights"), il n'aura pourtant jamais aussi bon réalisateur que dans ses projets plus personnels. "From the queen to the chief executive" est incontestablement l'un de mes films HK préférés de tous les temps et son récent "Whispers and moans" était un cas vraiment à part dans l'actuelle cinématographie hongkongaise. Plongée hypra sombre dans le monde des prostituées hongkongaises, Yau avait le sentiment de ne pas encore avoir fait le tour de toute la qustion.
Il s'attache donc une nouvelle fois à l'histoire particulière d'une prostituée (communément appéllée "Chicken" dans le langage courant HK…une "Chicken", qui s'occupe d'ailleurs d'un poulailler et de ses petits "chickens"), mais aussi d'une jeune veuve et d'un employé des assurances; mais contrairement à son précédent film, il choisit de ne pas traiter des histoires parfois assez terribles sur un ton mélodramatique, mais celui d'une petite comédie enlevée.
En résulte une vraie petite comédie dramatique, portée à bout de bras par l'ensemble du casting (Race Wong et Anthony Wong en tête), mais qui se moque gentiment du malheur des gens – un peu à la manière des meilleures comédies italiennes des années 1960 et 1970 du genre de "Affreux, sales, bêtes et méchants". Ou comment il faut toujours garder rire et optimisme, même dans la pire des situations.
Une vraie réussite, Herman Yau – au même titre qu'Ann Hui dans un style pourtant radicalement différent avec son "The way we are" – sait capter la vie ordinaire de ses congénères simples comme personne.