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Triangle

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les avis de Cinemasie

8 critiques: 2.5/5

vos avis

41 critiques: 3.18/5



Anel 3.5
Elise 3.5 Plutôt réussi dans l'ensemble
Arno Ching-wan 3.25 Quand le défi devient trefi. A quatre feuilles.
Xavier Chanoine 3 Inégal et confus, Triangle vaut pour son dernier tiers jouissif
François 2 Concept intéressant, résultat plutôt commun
Tenebres83 2
Ordell Robbie 1.5 Maitres HK en méforme artistique et cohérence narrative aux abonnés absents.
Ghost Dog 1.25 "Tout ça pour ça. Tout ça pour rien. Rentrons chez nous."
Sonatine 1
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Plutôt réussi dans l'ensemble

Triangle est un film plutôt particulier dans la mesure où chaque partie est réalisé par une personne différente. Ringo Lam, Tsui Hark et Johnnie To doivent donc raconter un passage d'une seule histoire, sans se concerter. Exercice difficile, puisque cela peut entraîner des contradictions ou des oublis. On pourrait imaginer un des réalisateurs qui omet un détail important qu'un autre met en valeur plus tard, perdant ainsi son efficacité. Bref, ici, nos 3 compères racontent l'hitoire d'une bande de gars cherchant à mettre la main sur un trésor antique. Alors qu'ils réussissent à l'avoir, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas les seuls à vouloir s'en saisir. S'en suit alors un jeu de cache-cache et de fusillades entre les différents protagonistes.

Avant de voir le film, je n'étais pas au courant de l'ordre dans lequel passaient les réalisateurs. Et d'ailleurs, je n'en suis toujours pas sûr. Il est néanmoins possible de faire des suppositions au niveau du style employé (en fait je ne sais même pas si l'ordre est volontairement inconnu ou si c'est juste moi qui ne suit pas au courant). La première partie est plutôt confuse, racontant plein de choses sans vraiment approfondir. Cela sur fond de montage rapide qui perturbe malgré un désir artistique évident. Les personnages se croisent sans vraiment que l'on ne sache pourquoi et on finit embrouillé sans savoir ce qu'on cherche à nous montrer. Le genre de style qui se rapproche bizarrement de Time and Tide, où il faut plusieurs visions avant de comprendre correctement l'enchaînement des actions. Même dans les scènes d'actions, on sent la patte de Tsui Hark. A la première transition, on sent nettement la différence. On supprime toute la confusion et on se concentre plus sur les personnages que sur l'histoire ; en particulier Simon Yam et sa femme, qui pense que son mari veut la tuer ; ce qui paraît très probable de son point de vue. L'histoire suit toujours son cours à travers les tourments de cette femme qui finalement n'est pas si lucide que l'on croit. Peu de scènes d'action ici, cette partie est plus axée drame psychologique et s'en démèle plutôt bien malgré un certain ennui. Enfin le final est là pour réveiller ceux qui se sont endormi au milieu, avec le bon vieux gunfight final, sans doute signé Johnnie To, vu la manière dont il nous pond sa machine. Ce n'est pas la fusillade à tombeau ouvert jusqu'à épuisement des munitions (quand elles s'épuisent) caractéristique de beaucoup de films (bourrin) d'action mais un cache-cache malin et intelligent dans lequel les protagonistes ne tirent pas bètement n'importe où mais attendent le bon moment pour sortir à découvert, minimisant les risques. Cela donne lieu à de courtes séquences de fusillades, rythmées par des moments de suspense où tout le monde se cherche, hésitant. Pour ceux qui ont vu The Mission ou Exilé, c'est bien le reflet de ce genre de séquence. Bref, trois parties collant finalement plutôt bien les unes aux autres, malgré les nombreuses ouvertures laissées vierges et les facilités pour coller en fin de compte avec la conclusion.

Coté personnages, il est intéressant de voir que même après les transitions, chacun reste cohérent. Les acteurs ont apparemment eu assez de liberté pour faire évoluer leur personnage tout le long du film sans avoir à souffrir d'une direction trop ridige de la part des réalisateurs. On notera que les habitués des films de Johnnie To sont au rendez-vous, ce qui permet non seulement un certain label de qualité mais aussi une bonne cohésion avec le réalisateur dans la dernière partie (si je ne me suis pas trompé). Finalement, le concept semble viable, même si on peut trouver certaines incohérences et un style trop particulier pour chaque partie. En revanche les acteurs s'en sortent très bien de ce film à vues multiples.


Note : cette critique a été initialement écrite fin octobre 2007, après la projection du film au festival de Pusan. C'est la raison pour laquelle certaines questions (ordre de réalisation) paraissent bizarres vu que les réponses sont largement connues.



03 avril 2008
par Elise




Quand le défi devient trefi. A quatre feuilles.

Avez vous déjà goûté à une soirée improvisation au théâtre ? De celles où deux équipes d’acteurs s’opposent et jouent, le temps de 3 à 8 minutes, une scène en total free style avec pour seule base un thème balancé par un arbitre quelques secondes avant le top départ et avant une scène suivante qui s'enchaîne tout aussi rapidement ? L’intérêt pour l’artiste y est de provoquer sa créativité immédiate. Il se teste, se met en danger, va jusqu’au bout de lui-même et s’améliore sur tous les plans. Le "sans filet" est une bonne école. Le grand gagnant de ce type de concours y est la plupart du temps une grande gueule plus charismatique que d’autres, sur un registre régulièrement comique. Un exercice que certains puristes méprisent parfois, paraît-il. Et l’intérêt du spectateur, quel est-il ? Aller au devant de l’inconnu, avoir l'envie d’être enchanté, diverti. « Surprenez-moi » a t’il envie de dire une fois tranquillement assis dans son fauteuil. Tout en ayant le plaisir d’être juge d’un travail accompli. Il connaît les règles et l’enjeu, il jauge… Il participe et l’interactivité est palpable. Le voyeur attend aussi du "sans filet" qu'un artiste s'écrase sous ses yeux, avouons-le. Il s'agit là, d'ailleurs, des mêmes arguments propres aux magiciens, concept magistralement décrit dans Le Prestige de Christopher Nolan.

Comme pour la scène théâtrale - et la magie -, le cinéma revêt bien des aspects. A Hong-Kong, qu’il s’agisse d’une opération triangulaire de ce type ou d’un film dit « normal » avec un seul réalisateur - du moins sur l’affiche -, on est souvent satisfait question divertissement. Au détriment d’une certaine cohésion, c’est vrai, assez rare au bout du compte : combien de films HK a t’on vu passer d’un drame atroce à une comédie burlesque, un mélo guimauve ou autre passage érotique complètement décalé ? C’est du cinéma ça ? Si tant est qu’on ait passé un agréable moment en à peu près une heure trente de film, oui. Est-ce qu’on aura envie de revoir le film et d’avoir l’édition collector sur son étagère pour autant ? Pas forcément. Mais du divertissement jetable de ce type, on en redemande.

En réalité, combien de films devraient avoir plusieurs noms de réalisateurs sur leurs affiches ? Combien de réalisateurs se sont excessivement appuyés sur leur chef op’ pour pondre leur commande commerciale du jour ? Sur Triangle, on a Soi Cheng en renfort chez Tsui Hark. Ca fait quatre, non ? Parlons de quadrilatère plutôt que de carré dans ce cas, chaque segment y étant différent d'un autre. Et le père Tsui nous en a déjà pondu en paquet de « Deux-angles »... Ils sont si nuls que ça ces films régulièrement dits «bancals » ? On a toujours eu matière à tergiverser, il n’empêche qu’on s’est souvent bien marrés. Les imperfections sont nombreuses dans ce Tri-angle (trois vues, trois visions d’artistes, une seule scène), mais il est franchement jubilatoire de voir nos trois loustics – façon de parler – se plier à l’exercice. Exceptée une brève et violente altercation dans une ruelle, le premier morceau de Tsui Hark n’est pas mémorable mais a le mérite d’entamer la chose. A son rythme, c’est à dire à cent à l’heure. On imagine aisément notre génie en train de poser ses pièges pour ses camarades, ricanant en pensant à ce qu’ils vont bien pouvoir pondre après ça. Au bout d’une demi-heure, Ringo Lam débarque et tempère la chose le temps d’une bien jolie mélodie en sous-sol. Son traitement est magistral. Lam se permet même une once de poésie avec cette photo souvenir prise avec un téléphone portable, la photo d’une femme qui, sans raison, se met à danser, un couteau à la main, devant l’objectif. Peu importe la situation : quand une femme est filmée, tout le reste s’envole. Ne compte plus alors pour elle que la pose, l’apparence. Joli. Beaucoup trouveront que le troisième morceau est le plus réussi avec l’arrivée en fanfare de Lam Suet - à n’en pas douter un monstre dans n’importe quelle soirée improvisation celui-là ! – et le climax. On peut cependant regretter que Johnnie To renie à ce point le chemin suivi par Lam, préférant se servir du burlesque comme transition (efficace mais) facile pour mieux coller son recyclage d’un passage d’Exilé en bout de course : de l’or convoité, l’arrivée comme un cheveu sur la soupe d’un nouveau personnage - le flic - suivi d’un gunfight de bonzommes cachés dans de hautes herbes. Remember Richie Ren et sa scène de sniper.

La dramaturgie joue au yo-yo, la cohésion est en effet assez foireuse et les personnages, par la force des choses, ne sont qu'esquissés. L'un d'eux devient soudain "ancien champion de rallye" pour les besoins d'une poursuite, un autre se transforme en "ancien soldat" un peu plus tard histoire de savoir manier le revolver lors de la grande finale... La non prise de risque de To est rédhibitoire, sur le fond, malgré une forme amusante, et Louis Koo ne s’est manifestement toujours pas remis du Jack Sparrow de Johnnie Depp, qu’il plagie honteusement et mal. Histoire d’annoncer The Sparrow d’un certain Johnnie To? "La marque To" a encore frappé ? Lam, Hark, To plutôt, c’est de circonstance ici. Pour ma part, le formidable score de Guy Zerafa, un Simon Yam impressionnant de flexibilité, Ringo Lam en grande forme et une dimension ludique indéniable qui pousse – et glorifie - la créativité font de ce Triangle un divertissement fort réjouissant. Sans compter le plaisir d’avoir assisté à une construction née d’une déconstruction (relative), celle de l’égo de chacun des réalisateurs composant avec celui des autres. Tous trois étant d'ignobles tyrans réputés, ceci s'effectue plus ou moins bien. Certes. Mais ce Triangle était clairement inconcevable il y a un peu plus d’une dizaine d’années. 

21 janvier 2008
par Arno Ching-wan




Inégal et confus, Triangle vaut pour son dernier tiers jouissif

Fruit d'un projet ambitieux de trois vieux potes, Triangle remet à la mode le temps de 90 minutes le film à sketchs sans lien logique, normal dans la mesure où les trois compères ne connaissaient rien du travail de chacun, ou si peu qu'il est impossible de lier les trois segments pour en faire un tout cohérent. Quiconque recherchant un scénario cousu de main de maître peut déjà aller voir ailleurs, Triangle n'apporte pas grand chose au film de triade traditionnel où le seul but est de mettre la main sur un trésor ancestral. On voit déjà le mauvais élève au fond de la classe lever le doigt et pester contre cette idée, qui sur le papier peut faire naître de sacrées craintes, mais dans l'ensemble les trois cinéastes s'en sortent bien sans pour autant marquer. Logique, pitch de film super populaire, on rassemble trois gus autour d'une table, on cache le trésor dans un placard fermé à double tour, on amène deux trois vilains copains désireux de mettre la main sur le butin, on fait naître tension sur tension pour faire capoter le tout, et ce ne serait rien sans la présence d'un flic solitaire et d'un garagiste allumé, non, Triangle est un film qui vit de ses élans grotesques et ses ruptures de ton flagrantes, séparant de manière plus ou moins directe les trois segments un par un. On démarre avec Tsui Hark, chef de file dont la responsabilité est assez gigantesque : poser le récit, présenter les personnages, mettre les compteurs à zéro. Rien de bien difficile pour ce génial réalisateur, l'un des plus importants de la nouvelle vague Hongkongaise, lequel parvient à marquer les esprits par son rythme effréné, son manque cinglant de lisibilité qui fait sa force et son pouvoir fascinant et enfin cette sensation de toujours être dans le danger. En démarrant avec son segment, Tsui Hark prend en revanche un risque : casser la dynamique d'ensemble parce qu'il est extrêmement nerveux et parce qu'il sera difficile de faire plus enlevé pour les deux autres. On doit ce départ en trombe grâce à un montage cut, marque de fabrique du cinéaste explosif.

                         Triangle 2      Triangle 1

L'idée de placer Ringo Lam en deuxième position permet de reprendre son souffle bien que son côté particulièrement malsain et étrange l'emporte sur la cohérence d'ensemble. Car si cette seconde partie (terme virtuel puisque le film est sensé former un tout) baisse de rythme de manière flagrante, il est peut-être le plus important des trois sur le papier, le seul à faire bifurquer les idées extrêmement speed de Tsui Hark pour les rediriger par la suite dans un monde comme parallèle : la longue séquence du parking est ainsi un modèle de flippe, tandis que Simon Yam est à deux doigts de descendre sa femme adultère, il se met subitement à la filmer entrain de danser sous une musique classique chinoise avant de la rejoindre pour entamer quelques pas de danse sous le regard médusé de leur invité tabassé, attaché à une poignée de porte. Pour une rupture de ton et de rythme, le pari est réussi. Malgré tout, c'est à partir de ce moment là que le film va perdre davantage de crédibilité. En premier lieu, il est assez hallucinant de voir que la femme de Simon Yam puisse courir le 100m après s'être fait percuter violemment par une berline. En second lieu, et bien que le trésor soit toujours au centre des attentions, il est étonnant de voir qu'il faille aller dans la cambrousse pour mettre les choses au clair, Johnnie To emmenant toute sa troupe dans les marécages alors que le film se passait jusque là dans un milieu sacrément urbain. Mais cette absence définitive de crédibilité rend Triangle diablement attachant : il y a d’abord cette séquence où la bande tourne autour d'un rond point le temps de réfléchir à leur prochaine destination non sans rappeler l'autre bande d'Exilé, autre grande réussite de Johnnie To, où le chemin se dessinait à coup de pile ou face. Dans le genre amuseur populaire, Johnnie To peut s'allumer un énième cigare tant son segment fait preuve d'un culot presque irritant, cette facilité à déboussoler le spectateur en l'emmenant là où il ne s'y attend pas forcément. Il y a cette rencontre avec un garagiste allumé shooté aux extas interprété par un Lam Suet qui se tape une nouvelle fois un drôle de second rôle, ces séquences barbares ressemblant à des jeux, cette utilisation de l'espace admirable et ces clins d'oeil côté humour : la responsable du restaurant entrain de cuisiner comme si de rien n'était pendant que les gangsters se défient, le jeux du "trouvons les pistolets dans le noir" furieusement jouissif, la bataille dans le marais ressemblant à une séance de tirs de fête foraine, Johnnie To livre un segment tellement décomplexé qu'il ne peut que faire du bien à un ensemble qui trouve, logiquement, ses limites du fait d'un concept casse-gueule, de personnages pas toujours bien cernables (entre un Simon Yam psychologiquement atteint et un Louis Koo apeuré...) et d'une narration confuse. Malgré tout, Triangle reste une curiosité.



20 janvier 2008
par Xavier Chanoine




Concept intéressant, résultat plutôt commun

Sur la papier, Triangle avait tout pour être un projet potentiellement jouissif, avec trois réalisateurs très différents se passant la main sur une même histoire. On aurait pu espérer un film peu cohérent mais délirant, passant complètement du coq à l'âne en fonction des envies des trois personnalités, sans qu'elles cherchent vraiment à savoir ce qu'ont fait les deux autres. Mais hélas le résultat est beaucoup moins excitant. Tout est ici trop sage, trop commun, trop banal pour vraiment marquer. Sorti de son concept, quoi de neuf dans Triangle? Hélas, rien de bien intéressant.

Tsui Hark confirme hélas en ouverture ce qu'on constate depuis plusieurs années, le maître Hong Kongais n'est plus ce qu'il a été, à l'image de son confrère John Woo. Son tiers est bien loin des qualités de ses grands films et surtout n'apporte rien de neuf. Ringo Lam, autre grand réalisateur des années 80-90, poursuit sans apporter non plus rien de fondamentalement intéressant à une histoire pas vraiment passionnante et beaucoup trop sage. Johnnie To confirme en clotûre qu'il est bien le réalisateur Hong Kongais en forme du moment, même si sa contribution rappelle "simplement" ses précédents films. L'humour du dernier tiers apporte une légèreté presque burlesque bienvenue dans un récit autrement assez morose et peu passionnant. Le fait qu'il conclut le film aide à mieux faire la pilule mais ne peut changer la donne: Triangle vaut pour les trois noms sur son poster et la qualité habituelle du segment de Johnnie To, mais c'est bien tout. Le reste est forcément très décevant.

Pouvait-on en attendre mieux? 1+1+1 n'est pas forcément égal à 3, comme pourrait l'expliquer Jean Claude, et à raison. L'ajout de talents ne fait pas forcément un meilleur film, et le résultat le confirme. Une approche un peu plus osée aurait peut-être tiré plus de cette idée intéressante.

25 juin 2008
par François


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