Une nouvelle fois, un justicier a été adapté pour les écrans de cinéma. Et dans le cas de The Crow, ce n'était pas la première fois. Il existe au moins deux films et une série télé et je pense pouvoir le dire sans trop me tromper le personnage joué par Brandon Lee est probablement le mieux rendu.
L'histoire en elle-même n'est pas mal du tout non plus. Bien sûr le fond du scénario est très sombre et teinté d'une grande violence. Toutefois le film n'est pas non plus rempli de scènes de combat. Certes, il y en a, mais elles sont le plus souvent relativement courtes. C'est d'ailleurs même surprenant parce qu'on pourrait vraiment s'attendre à des corps à corps plus étoffés. Mais pourquoi pas après tout.
Pour finir, un mot sur la bande musicale dans le style mélo rock. Je ne suis pas sûr de l'écouter comme ça à mes temps perdus, mais elle est tout à fait en harmonie avec le film et son déroulement.
A l'image de son héros, qui meurt mais prend vie une deuxième fois, The Crow est le symbole d'une chute et d'une naissance. Chute d'un acteur né star, qui parvenait enfin à se débarasser un peu de son nom un peu trop célèbre. Naissance d'un réalisateur intéressant, qui concrétisera ensuite les espoirs fondés en lui avec le superbe Dark City. Certes, The Crow n'est pas un chef d'oeuvre, et ses suites ont terni l'image d'une série qui commençait pourtant bien à la manière d'un Rocky ou Rambo.
Gothique, rock and roll, noir et très BD, le film est efficace et habité par une vraie ambiance. Brandon Lee y trouve un vrai personnage qu'il saisit à bras le corps, et Alex Proyas démontre d'un clipeur sait aussi faire des films. Les scènes d'action se montre plutôt efficace même si elles ne révolutionnent pas le genre. Ce sont plutôt les scènes tragiques qui donnent au film sa vraie force. Evidemment, le culte qui entoure le film provient autant de ses qualités même que de la mort tragique de Brandon lors du tournage. Mais on ne dira pas vraiment "tel père tel fils" ici. Le Jeu de la Mort était une vraie honte pour la profession, alors que The Crow n'avait pas besoin de ce drame pour exister de lui-même. Mais il est évident que cet incident tragique confère au film une aura qu'il n'aurait sûrement jamais gagné tout seul.
Bien que le concept de départ soit simpliste (je suis assassiné, je reviens pour me venger), et que le scénario n’offre que peu de rebondissements, le film du talentueux Alex Proyas (Dark City) fonctionne pourtant. Comment ? Tout d’abord, en s’engageant dans une voie jusqu’alors peu exploitée par le Septième Art, à savoir le conte urbain tendance gothique métal. Evoluant à 95% du temps durant la nuit, les personnages doivent également composer avec un décor sinistre composé d’une forêt de buildings où le moindre brin d’herbe ferait office d’intrus. Du côté de l’esthétique, l’univers de la Bande Dessinée est idéalement respecté pour le plus grand plaisir des yeux, qu’on ne cesse paradoxalement d’éjecter de leurs orbites ou de crever durant le film. Les survols de la ville par le corbeau sont des modèles de créativité et d’imagination qui font aimer au premier instant cette ville que n’aurait pas reniée Fritz Lang, malgré son côté extrêmement malsain.
Ce côté malsain, outre les décors, est restitué efficacement par des personnages tous plus barrés les uns que les autres : drogués, prostituées, mères indignes, assassins, frères et sœurs incestueux et avocats véreux hantent cet univers cauchemardesque dont on ne ressort pas indemne. Le personnage du policier noir et celui de la petite fille abandonnée représentent les seuls symboles d’espérance pour l’espèce humaine, avec bien sûr Eric Draven (Brandon LEE Kwok-Ho) qui, étrangement, fait admettre son rôle de justicier sanguinaire comme le seul comportement possible. Mais avant tout, The Crow est une jolie histoire d’amour d’outre-tombe où Brandon, qui s’est donné à fond, apporte une touche féline incomparable et trouve de très loin son meilleur rôle à l’écran. Peu d’acteurs cloîtrés comme lui dans le genre « film d’action musclé » ont eu l’opportunité de changer radicalement de registre comme ici. Un petit lot de consolation quand on songe à la fin tragique qui fut la sienne.