Ordell Robbie | 3.5 | un Uchida mineur... mais important |
Le problème du Théatre de la vie n'est pas la banalité de ses thèmes et de son scénario. Certes, on a déjà vu mille fois ces récits de gangsters qui sortent de prison et découvrent que tout a changé. Certes, l'idée du trio amoureux n'est pas non plus spécialement fraiche dans le cinéma de genre, de meme que celle du piège de la fatalité se refermant sur les personnages. Mais ces idées n'étaient pas non plus vraiment neuves quand d'autres cinéastes s'en sont emparés: Fukasaku Kinji réalisera d'ailleurs le Caid de Yokohama un an plus tard sur le premier thème (avec Tsuruta Koji dans le meme type de role), on sait ce qu'un John Woo a fait du second à l'époque très lointaine de son état de grace ou un Patrick Yau du troisième au cours d'une très longue nuit. Le point commun entre ces trois cinéastes: une originalité formelle indéniable permettant de faire du neuf avec du réchauffé (ce qui s'appelle l'art du recyclage). Et justement, la puissance formelle est précisément ce qui fait défaut ici. Certes, Uchida utilise toujours très bien la profondeur de champ et cadre toujours de façon très théatrale. Mais on retrouve ni l'ampleur classique de ses films des années 50 ni le culot formel de sa fin de carrière.
Malgré tout, tout n'est pas fade dans ce théatre du déjà vu: l'idée du personnage de l'écrivain raté ami des yakuzas est belle mais ne suffit pas à donner du rythme au récit, le duo Tsuruta Koji/Takakura Ken est égal à lui-meme, c'est à dire excellent, la scène du début où le parrain apprend à son fils à tirer sur un arbre est une belle illustration de la fatalité (grand thème d'Uchida), le fait que le père veuille dans ses dernières volontés ne pas etre enterré avant que son fils se soit fait un nom exprime l'idée que ce dernier ne sera pas en paix avant que son père soit mort une seconde fois (ce double meurtre symbolique annonce la belle idée narrative de Nos Funérailles d'Abel Ferrara). Mais surtout Uchida confirme son génie de la réalisation des duels au sabre: le premier combat est comme toujours chez Uchida d'une grande ampleur avec un nombre énorme de figurants annonçants les outrances de la Shaw; le combat final est filmé en noir et blanc (ce qui le rend irréel) et la prolifération de caméras portées y fait écho à la folie vengeresse du héros. Pour ne rien gacher, la scène s'achève par un départ assez surprenant (je n'en dis pas plus) du vainqueur réhaussé à coup d'éclairages multicolores dignes d'un Mario Bava. Ce final est d'autant plus frustrant qu'il donne l'impression que la Uchida's touch s'est révéillée un peu tardivement. Meme si ce petit polar enfonce une grande partie de la production hongkongaise récente. Ce qui est loin d'etre une référence...