Ma ci-thé va craquer...
Ce film semble une drôle de rencontre entre la vision artistique de son réalisateur - voulant explorer d'avantage une représentation de la couche sociale moyenne HK après son "Boxer de Shantung" - et le souci grandissant de la Shaw de coller d'avantage à des thèmes quotidiens de son public. Le film est donc d'un réalisme bien plus poussé que dans la plupart des autres sujets sortis à la même époque, mêlant tout de même des thèmes musicaux tous droits sortis des films de la blaxploitation américains et effleurant quelques sujets poncifs obligatoires pour l'époque.
En revanche, si l'on pouvait s'attendre à un nouveau film de streetfight de par son acteur principal et son réalisateur, les amateurs seront déçus : le sujet prime sur l'action et le film n'est traversé que par quelques rares combats sans grandes choréographies particulières.
Au départ, l'on ne sait pas trop où l'intrigue nous amène : plusieurs saynètes s'enchaînent à vive allure, sans autre lien, que celui que d'insister sur le fait, que les lois en vigueur à HK sont complètement dépassés : en effet, la loi protège des délinquants mineurs (- de 15 ans) même coupables d'homicide, alors qu'un adulte risque plusieurs mois de prison pour le simple fait que d'avoir craché dans la rue. Paradoxe lourdement illustré par une série de délits allant en s'aggravant et comis par de jeunes voyous. Le film est alors traversé d'un souffle absurdement anarchiste, annihilant toute bonté et innocence que l'on pourrait croire en un enfant. Un jeune attaque un couple d'amoureux au couteau, puis s'introduit dans une maison close, où il dépouille un riche fonctionnaire avant de s'attaquer à une bijouterie, où il détruira tout sur son passage. La suite n'est pas plus terne, un affrontement de nuit entre deux jeunes gangs tournant au drame, après qu'une innocente jeune fille se fasse écraser violemment par une voiture. Tout ceci n'aura que pour but d'illustrer donc l'absurdité des lois en vigueur et l'absolue nécessité des habitants d'un quartier à s'organiser eux-mêmes pour faire règner tant que mal la loi.
Ils sont menés dans leurs efforts par le jeune patron réfugié d'un salon de thé au passé quelque peu louche, mais au bon coeur. Mettant un point d'honneur à inculquer une certaine discipline, il n'hésitera pas jusqu'à s'opposer aux chefs de triades des quartiers environnants. Mal lui en prend, car ces affronts finiront par se retourner contre lui - et ironie du sort - c'est par la main de la police qu'il finira par tout perdre.
Ce film est une vraie découverte de par sa parfaite retranscription d'une époque pas si lointaine et ressemblant étrangement à bien des malheurs rencontrés encore de nos jours. Le récit est profondément pessimiste, à commencer par la déscription d'une jeunesse insouciante et pervertie jusque dans l'échec cuisant d'une réelle volonté d'instaurer le Bien par la main même de la (dite) justice.
Mises à part les quelques scènes quelque peu complaisantes, mais collant parfaitement au propos, du départ, l'intrigue tient en haleine de bout en bout et même si la fin semble inévitable, elle résonne d'autant plus durement lors de la finale.
L'on ne pourra regretter qu'un scénario par trop décousu, plein de rebondissements et de sous-intrigues inattendus et amplement suffisants à donner lieu à plusieurs autres films, mais pas assez bien reliés entre elles; notamment l'évocation d'un flash-back intéressant, mais arrivant tel un cheveu sur la soupe au cours de l'intrigue.
Le personnage de Brother Cheng n'est introduit que trop tardivement et les nombreuses zones d'ombres l'entourant agacent plus qu'elles ne donneraient un charisme satisfaisant. Personnage, qui sera exploité d'avantage dans une suite l'année d'après, donnant lieu à plus d'action, mais enlèvant également le charme naïf emanant du premier.
Très bon film néanmoins, qui aurait mérité un meilleur traitement de sa narration pour en faire un vrai classique instantané.