Bande annonce
Tampopo ne fait pas réellement dans le théâtre de l’absurde, il utilise les codes de la comédie populaire, du western ou encore du polar pour mieux asséner son propos avec une vigueur telle qu’elle coûtera, au dire des légendes, la vie du cinéaste une dizaine d’années plus tard : ridiculiser les mœurs, les us et coutumes, la société nippone à grands coups d’images loufoques, de personnages gros comme des camions, au visage si pur qu’il cache en fait l’entourloupe de taille, celle de la fausseté la plus absolue. Pourtant, Tampopo fait davantage figure d’aparté réussi que de brûlot délicieusement hilarant ou joyeusement effrayant. Vous voyez le truc ? En plaçant son récit dans un Japon moderne, Itami Juzo trouve néanmoins l’occasion de s’amuser avec les codes du western, du polar et de l’érotisme pour former un tout difficilement identifiable : l’introduction, décalée, comme toutes les séquences tournant autour du couple Yakusho Koji/Kuroda Fukumi, sont là pour démontrer s’il le fallait encore combien Itami Juzo développe son sujet de manière très personnelle. Car en orientant sa trame principale, celle d’un routier acceptant d’aider une quadragénaire dans l’élaboration d’une cuisine de nouilles plus performante, le cinéaste glisse ça et là des intermèdes de séquences de sexe fétichistes avec de la nourriture, au pouvoir érotisme certain, à la limite de la provocation. Mais on est bien loin des orgies insoutenables de La Grande bouffe. Ces scénettes, très chorégraphiées, apportent ce vent de fraîcheur utile au film pour qu’il ne soit pas linéaire ni répétitif, comme cette conclusion s’apparentant à celle d’A Bout de souffle, basculant dans une déclaration d’amour à la nourriture en parfait décalage avec son sujet, le polar. Rien à redire sur l’esthétique du métrage, aux lumières presque écarlates, ni même sur les notes d’humour déjà vues mais bien agencées : le premier entraînement de Tampopo, digne d’une sportive, la séquence des spaghetti ou encore l’art de déguster une soupe de nouilles avec méthode. Itami Juzo aura offert pour son second film un plat de résistance copieux après son excellente entrée des Funérailles.
Tampopo est pure jubilation. Déjà, le film s'ouvre sur un couple de gangsters dans une salle de cinéma interpellant le spectateur et menaçant toute personne faisant du bruit en mangeant dans la salle: formidable mise en abime du film.
Ensuite, le film utilise tout l'attirail du western pour raconter son récit culinaire: tenue de cow-boys des héros, restaurant cadré comme un saloon, arrivée des personnages digne des 7 mercenaires, cadrages rapprochés, froideur à la John Wayne du héros, tension crée par l'attente du face à face (entre personnages ou cusinière attendant anxieusement le point de vue des personnages sur son plat). De ce point vue, Tampopo écrase toutes les comédies françaises de ces 20 dernières années: Itami est conscient que le comique des situations et les numéros d'acteurs ne sont rien sans une vraie mise en scène. On a aussi droit à de belles parodies du film noir qui montrent les personnages ayant besoin de s'adonner au plaisir de la bouffe avant de mourir ou d'etre incarcéré.
Mais le film rivalise avec la Grande Bouffe de Ferreri quand il montre le caractère indéniablement érotique du plaisir de la table: on y fait l'amour avec un partenaire enduit de sel, s'y fait passer un jaune d'oeuf d'une bouche à l'autre; la cuisinière Tampopo cachée dans une armoire y observe les secrets culinaires des concurrents avec un plaisir voyeur. Tampopo prépare d'ailleurs ses plats avec une jouissance non feinte et jette à ses clients des regards pleins de sous-entendus.
Mission accomplie pour Itami: Tampopo satisfera jusqu'aux plus fins palets des amateurs de comédies culinaires.
Tout amateur de bouffe, tout bon vivant, tout cinéphile adepte de bizarreries filmiques, ou les 3 à la fois, se retrouvera dans cette œuvre culinaire signée Itami Juzo. Pas vraiment de scénario, ni d'intrigue à proprement parler, juste un enjeu fondamental : la quadragénaire Tampopo réussira-t-elle à maîtriser la préparation des nouilles au ramen pour son nouveau restaurant à l’aide de ses formateurs et de ses goûteurs ? Une succession de scènes aussi enjouées que parodiques découlent alors de ce pari, en mettant littéralement l’eau à la bouche et le sourire aux lèvres. La galerie de personnages que réunit ici Itami est pour beaucoup dans la bonne humeur communicative de ce long métrage que ne se prend pas au sérieux : grand sage du bien manger, cow-boy missionnaire ou patron de resto susceptible, tous sont sur la même longueur d’onde, celle de la pure et franche comédie.
Tampopo conjugue la légèreté et la coquinerie d’un réalisateur comme Imamura sur un sujet commun à 2 autres grands films, La grande bouffe et Le Festin Chinois. Seul petit défaut, la répétition des scènes culinaires provoque un petit passage à vide vers le milieu du film, avant que l’intérêt ne reparte de plus belle jusqu’à la fin ; mais ne nous plaignons pas, le tout est tellement plus jouissif qu’une recette de cuisine sur Gourmet TV !
Ce film ultra-célèbre dans le monde mais finalement moins diffusé ici bas que La Grande Vadrouille (une fois tous les 10 ans sur Arte) mérite amplement de s'y attarder et d'être archi-visionné.
Cette oeuvre bouillonnante est un véritable régal. Filmée comme un pur western (voir les confrontations entre les chefs de nouilles et les fast-foods aux allures de saloon), voire comme un chambara, cette comédie véritablement drôle (et c'est rare) au sujet aux premiers abords léger (des nouilles, toujours des nouilles) fait un parallèle délicieux avec le 7e art à travers de nombreux clins d'oeil que les cinéphiles ne rateront pas de relever (et beaucoup plus finauds que ceux que Leslie Nielsen peut faire).
Se démarquant des ténors de la comédie (de Cukor à Hung, en passant par Hui et Ramis), Juzo Itami signe là un film atypique, pas vulgaire pour un ravioli, aux ramifications aussi entremêlées qu'un plat de spaghettis, plus gouteux qu'un steack-frites chez Flunch.