Joviale prise de tête
Entre les films "Patlabor" et sa suite, Mamoru Oshii réalisa deux films dits « live », Stray Dogs » et celui par lequel je commence, le dernier – logique -, Talking Head. Une tête qui parle, celle d’un avatar de Mamoru Oshii, et qui nous parle et se parle encore.
Micro tendu au sortir de la projection : comment fut l’expérience ?
A – Etouffante ?
B – Consternante ?
C - Autre ?
Complètement autre, oui, évidemment, pour le reste, étonnement la tonalité franchement déconneuse aide à ce que ce « métapensum » passe comme un transfert automatique fluide dans une banque Suisse. En utilisant un unique décor de théâtre/cinéma pour raconter son histoire frapadingue, le réalisateur de "L’œuf de l’ange" se rapproche de l’ultérieur "Dogville" de Lars Von Trier. Non pas théâtral sur son aspect puisque la mise en scène s’avère particulièrement distinguée, mobile. Les obsessions et tics de mise en image d'Oshii sont déjà là, avec une conversation dans une bagnole une nouvelle fois émaillée de jeux de lumière, un basset en carton posé dans un coin, la zic blues de Kenji Kawai - en forme ! - qu’il ressortira sur Ghost in the Shell – Innocence...
Joviale expérience – ce que n’est certainement pas ce dernier – parce que Mamoru fait des mamours aux humains et non aux pixels. Il déclare son amour à ses collègues et amis, à son monde, son microcosme fait de l’univers qui se trouve dans sa caboche et de salles d’animation pleines d’animateurs clefs, de dessinateurs etc. On découvre cette équipe comme on découvrirait des coiffeurs entassés au détour d’une ruelle dans Blade Runner ou des chinois bossant le textile au sous-sol caché du 13ième arrondissement. C’est mystérieux, bizarre, interdit. Plusieurs fois, Oshii avoue qu’un réalisateur a toutes les qualités requises pour être un tueur en série, un monstre, ce que d’autres comme Lynch ont également avoué. Le cinéma est un palliatif, il les empêche de commettre pire encore que ce qu’ils nous infligent déjà. Le défilé de ses collaborateurs, incarnés par des acteurs, laisse faire quelques pitreries absurdes de bon aloi, comme celle de son scénariste Kazunori Ito, grand moment de joyeux portnawak où au fur et à mesure qu’il parle – vous ai-je déjà dit que ça parlait vraiment beaucoup dans ce film ? – il s’ouvre le ventre, s’arrache la tête, se la pose entre les jambes, s’allume une clope etc . Le tout relève d’un délire auteurisant évident auquel beaucoup seront hermétiques mais sa tonalité amusante et son aspect slasher débile fait de morts qui évoquent carrément "Le collège fou, fou, fou" emportent sans peine mon adhésion. A bien rigolé le Nono ! Dès lors nous pouvons raisonnablement affirmer qu’à cette époque Oshii allait encore à peu près bien.
Encore un OFNI, moins convaincant que les autres
Dernier film live des "débuts" du réalisateur.
On sort de l'univers des Panzer Cops. Oshii nous sert encore un OFNI, sur la création cinématographique cette fois.
Je tente le résumé :
On appelle un réalisateur remplaçant pour un film d'animation intitulé Talking Head. Le réalisateur initial a disparu. Les délais sont serrés. Chaque poste clé nous est présenté, du directeur de l'animation au monteur (tous un peu timbrés), avant qu'ils ne meurent un par un, mystérieusement...
Pourquoi le réalisateur a-t-il disparu ? Vont-ils trouver le tueur ? Vont-ils arriver à finir le film ? ou au moins le trailer ?
Détail important : tout se passe dans un cinéma. Avec une scène.
Style très théâtral et complètement loufoque (à part quand le réal remplaçant se met à disserter sur le cinéma).
Difficile à imaginer mais même les scènes en voiture se déroulent dans le ciné (voiture, phares allumés, sur une scène au milieu de la salle).
On ne peut plus décalé.
Donc d'abord, une enquête, pour retrouver la clé du film, l'inspiration d'origine (il n'y a qu'une K7 pour la bande-son, leur point de départ) puis au fur et à mesure, essayer de trouver aussi le tueur avant qu'il ne massacre toute l'équipe...
Au programme, personnages étranges (l'écrivain démembré, les jumelles coloristes, le producteur zombie, etc...), ambiance théâtrale, réflexions sur le cinéma et grosses mises en abyme (et un fantôme en plus tiens ça fait pas de mal).
Gros problème technique sur le dvd z1 : le film est très bavard et les personnages parlent vite. Du coup les sta sont ultra rapides et il faut être sacrément concentré pour tout suivre. Je n'ai pas tout compris (la note en prend compte), j'allais pas faire des pauses toutes les 30 secondes non plus.
Pour conclure, c'est encore une fois très intéressant, très original, drôle et souvent bien vu, mais je n'ai pas été convaincu par quelques bonnes idées mal exploitées (souvent à cause de longs tunnels de dialogues) et par la fin... abyssale (j'ai pas compris le plan de fin par ex SPOILER le même qu'Avalon).
16 septembre 2005
par
2501