Historique : un Ghibli décevant
Objet de toutes les attentes quand on connaît qui est le père, Les contes de Terremer est le premier film de Miyazaki Goro, alors jeune novice dans le domaine de l'animation. On est en droit de se demander qu'est-ce qui a poussé le studio Ghibli à confier un tel projet à une personne qui débute, et surtout, qui passe après tout un tas de chefs d'oeuvre absolus de l'animation, récents ou datés. Car a vrai dire, Ghibli n'a pour ainsi dire jamais raté une seule marche en enchaînant les productions inoubliables et universelles, merci Miyazaki Hayao et Takahata Isao. Il fallait bien que Ghibli se plante après plus de vingt ans d'existence et même si l'atterrissage est raté, la balade était quand même cool non?
Les contes de Terremer est un film d'animation absolument paradoxal. Imaginez un peu, ça a l'odeur d'un Miyazaki père, le visuel d'un Miyazaki père (avec 20 piges dans le ventre, semble-t-il), l'esprit légèrement mièvre d'un Miyazaki père période Kiki, pourtant a aucun moment Les contes de Terremer n'a ce qui faisait, fait et fera la force de Hayao : sa créativité et son imagination. L'oeuvre de Goro récite comme il faut ses références, jusqu'à pomper de manière opportuniste certaines images cultes du chef d'oeuvre de l'animation Le Voyage de Chihiro (son dragon volant, entre autre) et emprunte par la même occasion une trame vue et revue aussi bien dans l'univers de l'animation que du jeu vidéo. De plus, à aucun moment Les contes de Terremer ne prend des risques, le film démarrant comme un bon gros pétard qui fait du bruit (un meurtre, une échappée), continue sur une lancée tranquille avec le jeune héros qui reprend ses marques sous la tutelle d'un magicien (une bonne heure), pour terminer dans un duel final avec le grand méchant monstre de l'histoire (il en fallait un) plus pathétique que foncièrement méchant (Ghibli oblige).
Il n'y a pratiquement aucun retournement de situation, pas même l'once d'une surprise, là où Hayao excelle en toute objectivité. Les créations du père ont servi de modèle au fils, qui n'a su que les réciter partiellement sans en tirer un gramme de saveur. Comme dit précédemment, Les contes de Terremer est un produit piège, surtout pour le jeune public habitué à voir ces personnages rondouillets, ses couleurs pastels. Qu'ils se détrompent, Miyazaki fils nous a bel et bien piégé sur la marchandise : rythme quasi inexistant, superficialité des personnages (pourtant un personnage comme Haitaka (Epervier en français!) est un personnage crucial, qui plus est doublé par Sugawara Bunta, monstre de charisme) et suspense tout sauf accrocheur car proprement inexistant. Les contes de Terremer est comme une rivière dans le midi, portée par un léger courant, régulier mais jamais excitant. Le spectateur amateur des productions Ghibli y trouvera peut-être son compte, ce studio n'ayant jamais produit de mauvais films. Simplement, il faudra tenir compte du fait qu'à aucun moment la magie n'opère. Si Le Voyage de Chihiro sidère dans ce dernier quart d'heure où Chihiro annonce à Haku son véritable nom, ici il n'en est rien, malgré le parallèle évident entre les deux oeuvres (deux personnages presque amoureux, la présence du dragon, mêmes envolées musicales). En fait il est difficile de juger l'oeuvre de Miyazaki Goro uniquement sur son manque d'énergie et de surprises, car si elle ne fait pas montre de qualités évidentes, on y décèle quelques très belles séquences, qui plus est bien accompagnées par une bande-son travaillée dont une fantastique chanson finale interprétée par la jeune et décidément talentueuse Teshima Aoi (aussi doubleuse de Theru). Pas forcément mauvais et très au-dessus des productions US Disney, Les contes de Terremer demeure cependant une relative déception.
Esthétique : 2.5/5 - En comparaison, Nausicaä semble plus détaillé.
Musique : 4/5 - Classique mais jolie, vaut surtout pour la superbe chanson de fin.
Scénario : 2/5 - Aucune prise de risques, références citées sans originalité, trame banale et convenue. Une pincée de belles séquences.
Un Ghibli mineur
Alors que Miyazaki père déclare vouloir prendre sa retraite depuis plusieurs années, voici venir le premier film de Miyazaki fils : Les Contes de Terremer. Ainsi, c’est finalement le jeune Goro, paysagiste de formation, qui adapte le roman que son père avait souhaité porter sur grand écran vingt ans plus tôt.
La relation prétendument houleuse entre les deux hommes ne parviendra pas à éclipser les inévitables doutes quant à la légitimité de confier le poste de réalisateur sur un tel film à une personne n’ayant aucune expérience dans le domaine de l’animation. Au contraire, cette position d’héritier qu’acquiert potentiellement l’ancien directeur du musée Ghibli en ayant de telles responsabilités ne peut qu’inciter à espérer trouver dans son travail les preuves attestant de son talent. Malheureusement, l’émerveillement n’est pas au rendez-vous.
Miyazaki fils ne nous offre pas l’épopée à laquelle on pouvait s’attendre à juste titre. Adaptant très librement une infime partie du cycle de Terremer, il se concentre principalement sur l’errance du jeune Arren, prince en fuite après avoir tué son père pour des raisons que nous ne serons pas amenés à connaître. Loin d’adopter une tonalité épique, Goro Miyazaki nous fait simplement suivre les aventures relativement fades d’un personnage manquant cruellement de charisme. Le profond sentiment de vide lors de la première heure du film est accentué par de sérieux problèmes de rythme, la faute à une narration linéaire s’égarant parfois dans certaines longueurs aussi inutiles que lassantes. Si le dernier tiers du film est l’occasion de réveiller le spectateur en lui permettant d’assister à quelques moments de bravoure convenus, Les Contes de Terremer sombre surtout dans la balourdise avec son message simpliste exposé sans subtilité aucune.
Au niveau de la réalisation, si les décors sont particulièrement soignés et l’animation réussie, le graphisme ne se distingue pas vraiment de celui des précédentes productions et la musique appuie trop lourdement le propos. L’ensemble n’est mis en valeur par aucune poésie particulière, ce qui déçoit naturellement dans ce contexte.
Loin de convaincre, le film de Goro Miyazaki ne peut que faire tomber dans l’apathie le spectateur bercé par les films de Miyazaki père. Manquant fortement de dynamisme et d’ampleur, Les Contes de Terremer peine à marquer les esprits et n’est finalement rien de plus qu’un Ghibli mineur.
Les comptes de fils & père...
Les Contes de Terremer doit sans doute poser un sacré problème de communication chez Disney/Buena Vista. Vendu comme le film du "fils de" avec son lot de promesses d'émerveillements induites, qui plus est projet d'adaptation longtemps attaché au nom du père, Les Contes de Terremer est loin de la dose de dépaysement minimum qui va généralement avec le patronyme MIYAZAKI. Un peu comme si, selon ce bon vieux "principe" populaire à géométrie variable (un pléonasme) des vases communicants, la magie et l'émerveillement que le "patriarche" a insufflé dans son oeuvre s'était fait au détriment du fils. A ce titre, on ne peut considérer ce premier film de Gorô sans tenir compte du contexte particulier que constitue sa filiation (1), et qui pose à nouveau, sous un angle inédit et fascinant, l'éternelle question de la relève au sein de Ghibli.
Au-delà de ratages et insuffisances évidentes, le film de MIYAZAKI Gorô semblait ainsi rétrospectivement condamné à prendre le parfait contre-pied, sous des apparences communes, de la démarche paternelle. Approche formelle épurée - simplifiée, voire simpliste seraient tentés de dire certains - quand l'oeuvre du père tend vers une densité visuelle toujours plus grande, et narration introspective à forte tonalité dépressive en opposition aux feux d'artifices paternels. Ainsi, si MIYAZAKI Gorô n’a pas pour lui l’expérience directe de l’animation qui est la marque des grandes vocations, il n’en propose pas moins, avec son film, une démarche particulière en opposition à la tendance à « l’hypertrophie visuelle » caractérisant non seulement les dernières œuvres de son père, mais également tout un pan de la production récente (GITS Innocence, Steamboy, Paprika....). Intention peut-être louable dans sa volonté de remise en cause, ou rébellion « adolescente » tardive, mais résultat discutable. En effet, l’univers proposé ne manque pas seulement de couleurs et de moments d’animation « bravaches », mais de fait, il en vient surtout à manquer de relief, d’un sentiment de vie, d’une anima. Malgré une mise en forme plus qu’honorable, Les Contes de Terremer est donc loin des standards artistiques « ghibliens ». La raison dans la posture adoptée par Gorô, forcément, mais aussi sans doute dans une production beaucoup plus ramassée – et le budget en proportion probablement - que d’habitude (8 mois contre le double, voir trois fois plus, sur les derniers films du père) et qui ne facilite pas les prouesses techniques et artistiques.
A ces déceptions artistiques et techniques il faut donc ajouter une narration déficiente pleine de longueurs malgré quelques moments intéressants. Sans entrer dans le débat de la pertinence de l’adaptation par rapport à sa source, question somme toute secondaire, Les Contes de Terremer ne souffre pas tant de la faiblesse de son propos - le scénario est relativement cohérent et l’histoire présente un intérêt « intrinsèque » - que d’un déséquilibre dans le traitement, celui du pathos au détriment de l’entertainment et surtout d'une linéarité parfois somnolente. Gorô, contrairement à son père, semble ici avoir oublié le plaisir des spectateurs. Il aurait pu ainsi raconter la même histoire, rester dans la même posture d’épure formelle, tout en ménageant une narration un peu plus trépidante et une petite dose d’action (pas nécessairement de combats) supplémentaire. La morale de l’histoire n’en aurait pas été bouleversée. La tentative de "déconstruction" d'un genre (la fantasy) exploré de fond en comble par l'oeuvre d'Hayao n'est pas ici en cause, mais la distance que tente d'instaurer Gorô dans son traitement souffre de l'inconsistance de la réalisation. TAKAHATA Isao, dans la même posture "d'opposition à sa majesté" quant au traitement narratif (2), n'en propose pas moins une mise en scène aux rythmes variés. Si le scénario ne manque donc pas de drame, la mise en scène fait elle preuve d'un manque de sens dramatique certain et traduit probablement la jeunesse en tant que réalisateur de MIYAZAKI fils.
En l’état, ce n’est du reste clairement pas dans le message délivré que se situe l’intérêt premier du récit, mais plutôt dans la façon dont le scénario, au-delà des problèmes de mise en scène, se fait l’écho d’enjeux bien plus intimes pour le réalisateur : commençant par un parricide, celui d’un roi, l’histoire explore ensuite les relations entre des personnages sur le mode du noyau familial où la ferme et ses occupants - lieu central où prend part une bonne partie de l’intrigue et qui confère à la narration son rythme « paysan » - esquissent une forme de vision rurale idéalisée de la famille recomposée... On n’ira pas plus avant dans ce registre, mais il est indéniable que ce qui se joue entre le père et le fils est venu s’immiscer dans l’affaire. Le contraire, étant donné l’histoire de la relation et la place/poids de MIYAZAKI père, eut été étonnant. Dans son blog de production, tenu pendant la réalisation du film, MIYAZAKI Gorô signalait que pendant son enfance il regardait également les films de son père pour entretenir une forme de dialogue qu’il n’avait pas au quotidien avec lui. Les Contes de Terremer, malgré ses faiblesses et l’ennui qu’il génère, reste un objet cinématographique et animé fascinant où se déploie une tentative de dialogue par œuvre interposée. Et si on en croit les premiers éléments disponibles sur le nouveau projet en cours du père (3), le message a été reçu...
Un Ghibli mineur, à moitié loupé, mais une œuvre pourtant incontournable en raison de son statut particulier et, quoi qu’il en soit, un film qui ne mérite pas la sévérité critique (un « razzie award » japonais du plus mauvais film 2006) dont il a été l’objet. La démarche est honnête et au-delà du résultat, un réel projet de cinéma, si ce n'est d'animation, sous-tend le tout. Le premier essais n'est peut-être donc pas concluant, mais il vaut avant-tout par la double et dialectique nécessité de s'affirmer artistiquement face au gourou créatif, et de s'affirmer "existentiellement" face à la figure paternelle. SUZUKI Toshio, qui se débat avec la question de la relève au sein de Ghibli depuis de nombreuses années et doit compter avec la difficulté de l'emergeance de personnalités assez fortes pour tenir tête à MIYAZAKI Hayao, semble avoir machiaveliquement mené sa barque en amenant le fils à la réalisation. Car s'il n'assure pas pour autant la relève avec ce "coup" , le nouveau terme de l'équation qu'est Gorô élargit néanmoins les options et apporte un indéniable coup de fouet à la dynamique du studio. Dans une perspective de transmission d'un savoir-faire irremplaçable et de formation d'une jeune génération, Les Contes de Terremer permet ainsi à de jeunes animateurs (nombre de membres d'importancedu staff , sont de "jeunes animateurs") de s'affirmer en accumulant de l'expérience.
Notes
1) Sans s’étendre sur la question, il est plus que légitime de considérer le film de Gorô sous la perspective de son histoire familiale. Il ne se prive d’ailleurs pas d’évoquer lui-même publiquement, à plusieurs reprises et de façon très claire, les relations difficiles qu’il entretient avec son père dont l’absence a marqué son enfance. Pour plus de détails se reporter notamment à son blog dont une traduction en anglais est disponible sur le site de fans www.nausicaa.net.
2) Sa "majesté" étant bien entendu son compère Hayao, la façon dont TAKAHATA Isao aborde la mise en scène se démarque frontalement de celle de son compère et constitue de fait une alternative vivifiante pour Ghibli. TAKAHATA lui-même, lorsqu'il définit son travail sur ce plan, se positionne en opposition à ce dernier : Ce qu’il y également d’important pour moi dans Horus réside dans une posture qui consiste à maintenir le spectateur dans sa position (ndr- à distance) et non à le saisir et à l’euphoriser comme dans le travail de Mr MIYAZAKI. (...) Notre ambition était de raconter une histoire réaliste, crédible, et dans ce cadre créer une certaine distance. (...) Ce qui reste de plus marquant réside dans le personnage principal de Hilda. (...) On a réussi à créer des personnages porteurs d’une dose de complexité et dotés d’une profondeur dans les contrastes psychologiques. (...) Par rapport à la force d’immersion des récits classiques où on se perd dans des constructions emplies de tours de force plus ébouriffants les uns que les autres (on oublie les enjeux pour les sensations, au moyen du montage), il s’agissait pour moi d’établir une forme de continuité, de dégager la cohérence de la mise en scène." (Conférence sur Horus Prince du Soleil de 2003 à l'occasion du Festival Nouvelles Images du Japon).
3) Le producteur “gourou” de Ghibli, l’intriguant SUZUKI Toshio (Toshio l’intriguant même), déjà responsable de l’entrée de Gorô en animation contre l’avis du père, rapporte récemment à ce propos l’impact que Les Contes de Terremer semble avoir eu sur Hayao et la façon dont ça se retranscrit dans le nouveau film de ce dernier : "According to Toshio Suzuki, Hayao Miyazaki reflected seriously about his relationship with his son Goro. The elder Miyazaki thinks Goro's debut as a director is a "resistance" to him and was caused because he was busy and did not care about Goro when he was a child. So, the 5 year old Goro became the model for Sosuke. A sense of closeness between a parent and child is also a theme for the film." (source : www.nausicaa.net)
Parricide la sortie !
Ces Contes de Terremer ont-ils fait se taire père ? Voilà en tout cas un conte à dormir couché très vite ! Concernant l’intérêt de la filiation Miyazakienne, on ne peut que trouver des plus hasardeux ce combat pôpa / fiston n’ayant à ce point aucune raison d’être que « fils de » utilise tous les outils de Ghibli - y compris surtout les dessins originaux et originels du pater - pour se construire. Aller de l’avant en conservant un bagage pareil, c’est impossible, et le parricide survenant d’entrée de métrage en devient alors le caprice bêta (rien à voir avec la V7 de Cinemasie) d'un gosse de riche complètement à côté de ses pompes.
Notre Miyazaki junior n’est pas aidé non plus, car même si aucune inventivité dans les interactions ne vient jamais entretenir la flamme de ce « Seigneur des anneaux meets les Ingalls » (
"Eh, Aragorn, tu viens m’aider à tendre le linge ?"), beaucoup de scènes sont d’une mocheté à vomir. Elles se voient tirées vers le bas par la composition anecdotique d'un
Tamiya Terashima qui arrive n’importe quand n’importe comment avec des badaboums tonitruants pendant les (nombreux) moments calmes et du rien qui perdure quand il faudrait justement un petit quelque chose. Avouons que la narration saccadée n’aide pas non plus à l’instauration d’un quelconque rythme musical. Tous ces bavardages incessants primant sur la magie des regards sont d’un épuisant... A qui doit on imputer quoi ? Difficile de le savoir depuis notre lointaine fenêtre, l'histoire n'est pas non plus des plus intéressantes et l'on n'a pas plus que ça l'envie d'aller zieuter des bouquins qui n'en méritent peut être pas tant, car très terre-à-terre sont ces Conte de Terremer.
" - Pffff, je m'ennuie... " dit le petit homme.
" - Oh que oui ! C'est tellement rasant que je me suis coupé ce matin. D'habitude, ça m'occupe de me tailler le bouc, mais là il va falloir que je trouve un autre truc à faire. Oh, regarde, le nuage là-bas ! Il bouge... Ah tiens, non, il ne bouge pas. J'aurais pourtant juré qu'il avait bougé. Par contre, si on bouge rapidement ta tête de gauche à droite, on a l'impression qu'il bouge."
" - Mmm..."
Bien pour un premier essai.
Animation correcte, design à l'ancienne et un peu long.
Domage au niveau de l'histoire de n'avoir pas poussé le concept beaucoup plus loin étant donné le potentiel des romans de Ursula Le Guin.
Pauvre Ursula LeGuin !
Un film plutôt joli, mais au scénario quelconque et très manichéen ; vite oublié aussitôt la projection terminée.
Il y avait TANT à faire avec roman pareil !
Hélas, cent fois hélas, je ne peut être impartial dans sa notation, car j'ai lu et adoré le roman d' Ursula LeGuin dont est censé être tiré ce film.
Le Guin, c'est, la poésie, le lyrisme, la qualité d'écriture, et des univers qui posent la question de la place de l'Homme dans la société d'hier ou de demain. Ursula LeGuin est Antropologue de formation et ses romans décrivent des civilisations imaginaires mais plus vraies que nature.
A voir le film de Goro, on ne peut pas dire qu'il ait tiré grand chose (ou alors à bout portant) de L'Ultime Rivage, et de Tehanu, troisième et quatrième romans de Terremer, qui semblent être les modèles de base du scénario.
Bon, ce genre de faute existe aussi chez Miyazaki père : il suffit de comparer le Chateau Ambulant avec le roman dont il est tiré pour comprendre que Hayao a tout autant massacré son modèle de base.
Ces derniers temps, en quelque sorte, c'est de famille...
Donc, tout ça pour dire que : il ne faut pas que ça vous empèche d'ouvrir Terremer, le bouquin d'origine, qui lui est excellent !!
24 septembre 2010
par
GON
Back to the (very very) basics
Dernière production du Studio Ghibli, Gedo Senki (Chroniques de guerre de Gedo) est l' adaptation de l'un des volets d'une série de romans d’heroic fantasy d'Ursula Le Guin, Tales From Earthsea, que je n’avais pas l’honneur de connaître, et que le prospectus de présentation du film compare aux Narnia et autres Seigneur des Anneaux.
En tous les cas, alléché par le titre épique et les affiches du film (dont l’une semblant librement inspirée d’une toile de Turner - elle-même reprise d’une œuvre de Lorrain), j’étais aussi plutôt curieux de voir ce qu’allait donner le passage de relais du père au fils Miyazaki (Gorô), aux manettes sur cet opus.
Le rideau s’ouvre sur un texte « mythologique » à l’instar d’un bon vieux Seigneur des Anneaux : « Il fut un temps ou les hommes et les dragons vivaient en harmonie. Puis, les hommes choisirent l’eau et la terre, les dragons le vent et le feu, et les deux races furent à jamais séparées ».
S’ensuivent quelques considérations générales, notamment sur la rupture de l’équilibre du monde causée par l’avidité des hommes, puis le film proprement dit débute sur une scène de navire sous l’orage (Turner encore, mais là ca doit être mon imagination…). Deux dragons se battent dans le ciel, et le navire finit par arriver à bon port…
…Dans la capitale d’un pays qu’on devine en proie à la désertification (le bétail meurt dru, les habitants suivent…), dont le roi, brave homme au demeurant, cherche des solutions et interroge son Vieux Sage (marque déposée) sur la conduite à tenir, et sur l’étrange présage que constitue l’apparition des deux sauriens…
Dans un couloir sombre, un coup de poignard met un point final à ses réflexions. « Une ombre file dans la nuit, c’est un assassin qui s’enfuit… » etc, vous connaissez la suite. Noter cependant que l’assassin en question n’est autre que le jeune fils du roi, Allen, et que la structure narrative du film va dès lors se calquer étroitement sur celle de Mononoke Hime (ce qui n’était pas pour me déplaire) : tabou enfreint (le meutre oedipien pour Allen, celui du Tatarigami pour Ashitaka), départ nécessaire (fuite ou rituel à accomplir), les stigmates de la faute (l’Epée du Roi ou la cicatrice sur le bras)… Allen rencontre un mentor en la personne d’Aitaka, vieux magicien qui voyage de province en province pour des raisons inconnues (parallèle encore avec Ashitaka, guidé par l’espion du shogun), et s’engage sur la route de l’exil.
Le rythme est lent, plutôt majestueux, et le style graphique très classique, traditionnel : on a presque l’impression de voir un Ghibli des années 80, cette patte conférant au film un charme désuet qui va bien avec son atmosphère mélancolique, soutenue par une bande son malheureusement assez loin des compositions de Hisaishi (Terashima Tamiya à la baguette).
Le duo passe dans une mégalopole mélange d’architecture grecque et médiévale qui est avant tout une cristallisation des vices de la Cité moderne (drogues, pauvreté, crime, esclavagisme… Là encore, parallèle avec la ville d'Eboshi dans Mononoke Hime), dans laquelle Allen sauve Teru, une jeune fille au visage marqué - symbole des magiciens, caste impure dans cet univers -, mais est lui-même capturé par le Lapin, sbire sorti tout droit de Cagliostro à la solde de la Vilaine de l’histoire, la toute puissante sorcière Kumo (personnage typé Vador ou Palpatine).
Allen est délivré par son mentor en cours de route, et les deux se réfugient à la campagne, chez une vieille amie du magicien qu’elle appelle Gedo et non Aitaka.
L’explication du concept de Magie tel qu’il a cours dans cet univers faite alors par Gedo est assez intéressante : le pouvoir magique consiste ici à redonner aux choses leur vrai nom (incantations, donc), révélant ainsi leur véritable essence et pouvoir… J’ai pensé alors à cette injonction d’un jésuite à son élève tirée d’Underworld, sympathique roman de Don De Lillo :
« Tu ne voyais pas parce que tu ne sais pas regarder. Et tu ne sais pas regarder parce que tu ne connais pas les noms ».
Ce concept de magie comme force onomastique et vitaliste est d’ailleurs pour moi la trouvaille la plus sympathique du film..
Film dont nous atteignons alors la moitié, et dont la suite sera constituée d’allers retours entre la chaumière des héros et le château de la sorcière, jusqu’à la confrontation finale.
On apprend que celle-ci est à la recherche du Pouvoir Absolu qui lui confèrera la vie éternelle, pouvoir qu’elle propose à Allen – ou « Lebanenn » de son nom magique - de partager avec elle en sa qualité d’Elu (« rejoins-moi du côté obscur », et toute cette sorte de choses).
Bien sûr, ce pouvoir absolu menace l’équilibre du monde, par ailleurs déjà en cours de désagrégation..
Mais lors de la confrontation finale, au cours de laquelle la jeune fille sauvée plus tôt par le héros aura un rôle prépondérant (comme presque toujours chez Ghibli, on a un jeune couple de héros : fertilité, perspectives d’avenir de la jeunesse, etc) , les ambitions de la sorcière sont stigmatisées dans une dialectique humaniste simple (qui a dit « simplette » ?) qui permettra aux héros d’embrayer sur la morale générale du film : le désir de vie éternelle (de la sorcière) ou de mort (d’Allen, qui a tué son père sous l’emprise d’un mal de vivre digne d'Akutagawa et sa « vague inquiétude ») sont deux aspects d’une même maladie, à savoir la peur de la vie et surtout de sa finitude, qui est pourtant la condition même qui lui donne toute sa valeur…
Et sur ces belles paroles, le film s’achève sur des scènes de vie quotidienne campagnarde : labours, repas « en famille » dans la chaumière, etc… (Il y a encore une autre scène, mais j’essaie de ne rien « spoiler » d’essentiel)
On peut peut-être trouver dans cette succession de scènes d’Epinal la morale cachée du film : au diable l’heroic fantasy, les dragons, les rois, les sorcières et les chroniques de guerre épiques ; rien ne vaut les joies simples du quotidien ! La soupe ! Le travail manuel ! Le bon air de la campagne !
Ce qui expliquerait peut être pourquoi le film laisse à l’abandon la plupart des éléments qu’il a d’abord présentés comme constituants de son univers d’heroic fantasy, pourtant prometteurs d’un récit épique à la Nausicaa ou Mononoke Hime qu’on pressentait dans les premières minutes : la question de l’ « équilibre du monde » en péril ne sera finalement évoquée que quelques secondes comme élément-tabou dans la quête de pouvoir de la sorcière, les dragons enluminent l’incipit et la conclusion, et le reste est rapidement effleuré puis relégué dans le décor (la Ville, ainsi, qui semblait proposer un enjeu narratif fort, est expédiée en quelques minutes et ne servira que de contraste à la pureté de la Campagne).
La contradiction entre l’ampleur épique de l’univers et de sa mythologie présentés et ce que nous montre et nous dit finalement le film, cantonné à une échelle minuscule (pas plus, par exemple, qu’une dizaine de personnages actants), ajoutée à la langueur du rythme narratif, interpelle le spectateur : ou est passé le script ? Est-ce une introduction, une conclusion ? Le film n’adapte, il est vrai, qu’un seul volume sur les six que compte l’œuvre originelle.
Son titre lui-même évoquait une « chronique de guerre », on n’aura finalement qu’une petite querelle de magiciens, mais le réalisateur avait vendu la mèche dans la note d’intention qu’on pouvait lire sur le prospectus de promo du film : pour lui, les scènes les plus importantes sont les - nombreux - dialogues entre Allen et Aitaka (transmission de la « sagesse des anciens » aux « jeunes générations »), et l’ univers d’ heroic fantasy n’est donc qu’un enrobage, prétexte à une historiette qu’on pourrait rapprocher des « anecdotes édifiantes » de la tradition bouddhique japonaise, qui vise ici avant tout à faire réfléchir les dites « jeunes générations » sur les problèmes de l’Epoque, leur identité, leurs valeurs et celle de la vie en particulier. Le bon vieux refrain du « retour à l’essentiel », ou plus généreusement, une petite ode à la vie.
(Ce trop-plein d'explicite me rappelait ces mots lapidaires de Barthes sur la musique pompière : "l'art bourgeois veut toujours prendre ses consommateurs pour des naïfs à qui il faut macher le travail et surindiquer l'intention de peur qu'elle ne soit suffisamment saisie")
Mais en sortant du cinéma, un coup de téléphone de l’autre bout du monde : me voilà tonton, comme Mitterrand.
Difficile de descendre ce film aux si belles intentions dans ces conditions…
Mais tout de même, sacrifier tout ce qui aurait pu en faire la grande fresque épique que tout semblait annoncer pour délivrer finalement une histoire et un message si simples, c’est un pari qui ne passera sans doute pas pour de nombreux spectateurs.
Certes, cette simplicité et cette fraicheur sont agréables après l’hystérie essoufflée (boursouflée ?) d’un Château Ambulant, mais comment ne pas s’interroger sur un hyatus aussi énorme ?
Il fallait ainsi retourner le slogan du film : « Mienu mono koso » (Ces choses qu’on ne peut voir [sont les plus importantes]) : on ne parle pas ici de magie, de dragons et de sombres pouvoirs invisibles à l’œil profane, mais de l’importance des petites choses de la vie, et bien sûr de la vie elle-même.
L’intention est louable, mais le message survivra t-il à la déception du spectateur dont l’œuvre n’aura suscité les attentes de grandeur épique que pour mieux les trahir ensuite ? Rien n’est moins sûr.