Ordell Robbie | 4 | Vague historique |
MLF | 4 | |
Anel | 3 |
Film emblématique de la Nouvelle Vague taiwanaise des années 80, Taipei Story l'est d'abord parce qu'il réunit ses deux cinéastes-clés. Edward Yang réalise tandis que Hou Hsiao Hsien joue (excellemment) le role de Long et a coécrit le scénario. Le film contient déjà les grands thèmes d'une oeuvre de Yang qui se déploiera dans des registres variés par la suite (polar avec The Terrorizer, film choral avec Yi Yi, comédie avec Confusion chez Confucius, grande fresque avec A Brighter Summerday, mélange des genres avec Mahjong). Ce qui se joue dans ce drame urbain, c'est la disparition d'un certain Taiwan progressivement remplaçé par le Taiwan urbanisé des années 80. Long incarne ainsi ce passé qui disparait car le poids de ce dernier va progressivement le mener à sa perte. Il doit encore vivre avec un pesant passé glorieux de joueur de base ball comme avec une idée bourrue, datée de la virilité qu'il incarne. Une discussion anodine et ce passé regretté peut à tout moment ressurgir... Et la recontre avec un ancien ami nommé Qin et ayant du mal à joindre les deux d'accentuer les regrets...
Cependant, Long est aussi fasciné par le hors Taiwan qu'il vient d'arpenter en voyage: le Japon symbole de l'occupation passée et une Amérique où existe désormais une diaspora taiwanaise ayant investi des quartiers autrefois repères de la bourgeoisie blanche US. Le désir d'Amérique, de cette Amérique aimée via Hollywood (cf. le poster de Marylin) lui semble etre le seul échappatoire possible, échappatoire qu'il ne pourra pas saisir. Zhen symbolise quant à elle le Taiwan moderne, celui de l'influence américaine, du monde du tertiaire de la flexibilité du travail. Ses verres larges lui permettent de masquer ses émotions. Zhen finira par s'intégrer à ce Taiwan moderne au moment où l'ayant quitté Long signe son destin tragique. Le tout exécuté par Edward Yang avec sobriété, en prenant le temps de regarder ses personnages et de les immerger dans des plans larges à la lenteur étirée faisant écho à l'immensité urbaine d'un Taipei morne et à sa lourdeur.
Edward Yang confirmera ensuite sa place à part dans le cinéma contemporain avec le polar The Terrorizer avant d'enchainer les réussites dans les années 90.