Moi je trouve ça beau, et une femme réalisatrice, c'est tellement rare au Japon...
Il faut de tout pour faire un Cinémasie... moi je garde un excellent souvenir de Moe No Suzaku. le film est il est vrai très lent, parfois abscons, maladroit et ne tenant à pas grand chose. Il manque surtout de cohérence. Mais on sent dans ces images une envie, une urgence, une passion de filmer assez incroyable. Naomi Kawase laisse les gens et la nature vivre. Certaines images (comme celle du père dans le tunnel) sont magnifiques. Je l'ai vu il y a longtemps mais j'en garde un souvenir fort.
Rappelons que la réalisatrice n'avait que 20 ans au moment de faire ce premier film et qu'une femme à la caméra, au Japon, c'est un évènement. Ce pays qui filme tant les femmes a moins de réalisatrices que l'Iran ou la Chine (pareil en politique, d'ailleurs), pourtant pas des pays particulièrement féministes. Naomi Kawase est une exception, d'ailleurs son film a visblement été fait sans aucun moyens. Quand à juger son prochain film par avance... voyez le parcours de Suwa qui, en deux films, a déjà dérouté tout le monde, ou celui de Miike. Il vaut mieux attendre avec curiosité.
Quelques longueurs parsemées de purs moments de grâce
Constamment imprégné d'une aura quasi mystique l'élevant parmi les sommets du cinéma japonais de la fin des années 90, Suzaku est le premier long métrage d'une réalisatrice bien seule dans son paysage. Elle parvient néanmoins à tenir la dragée haute à quelques sensei autoproclamés : en partant de rien (et avec rien), Kawase Naomi filme une famille reformée (entre cousins) lors d'une période de vie relativement courte (l'enfance puis la jeunesse, la maturité et la vieillesse), un épisode d'une vie passé au crible avec un recul suffisamment ample pour ne jamais froisser ses protagonistes. Il est pourtant question d'amour, d'amour interdit (on frôle l'inceste) avec Michiru, une jeune écolière amoureuse de son cousin Eisuke, qui de son côté semble davantage s'attacher à sa tante malade. Pourtant jamais l'aspect tabou de cette relation de proximité ne saute aux yeux tant l'oeuvre de Kawase est très souvent sublimée par la grâce, entre quelques temps morts. Mais cette ode à la contemplation, métronome d'une vie, use de son aura mystique (inexplicable) pour ne jamais ennuyer son audience, et si l'ensemble manque de vigueur et de souffle, son onctuosité purement visuelle (bien que lourde, la symbolique du pont, du tunnel et de la nature s'imposent comme un véritable travail d'orfèvre) rattrape la donne, à Kawase alors d'alterner les plans fixes, travellings, plans séquence et caméra embarquée pour soutenir l'action.
Les longues balades en scooter représentent ainsi les quelques rares moments de liberté d'une famille en proie à la répétition et la solitude, perchée le haut de leur colline. Mais si Kawase rate parfois le coche par son accumulation de séquences répétitives (les ballades, les symboliques citées plus haut), culmine alors la grâce : les shoots vidéo de Kozo (Kunimura Jun, le seul acteur professionnel de l'équipe) rappellent ainsi ce que Kitano entreprenait dans A Scene at the Sea, ou comment de simples personnes qui posent exprès devant la caméra, sourire aux lèvres, peuvent toucher à ce point. La nostalgie et l'amour que l'on porte pour les siens (d'où cet humanisme palpable) sont des thèmes simples mais puissants, tout comme ce formidable rapport avec la nature. Et ce n'est pas cette mélodie lancinante au piano, dramatique et infiniment nostalgique qui nous poussera à dire le contraire, Suzaku est un moment de cinéma des plus superbe.
un début prometteur finalement...
Suzaku n'est pas un film facile. Et il est vrai qu'au premier visionnage on est surtout sensible à ses défauts. Effectivement, Suzaku est parfois maladroit, de la maladresse exaspérante de celle qui veut trop bien faire. Parmi ces aspects, on a la répétition assez pénible de certains motifs: celui du tunnel et celui du pont en forme de métaphores à la légèreté d'une enclume (ou du Kurosawa Kiyoshi des mauvais jours au choix). Ce martèlement pourrait passer dans le cadre d'un mélodrame, ce genre du "plus c'est lourd mieux ça passe", mais dans un film totalement dédramatisé beaucoup moins. Sinon, on peut aussi constater que la mise en scène synthètise les deux aspects du parcours de Kawase: d'un coté des éléments contemplatifs hérités de ses études de photographie, de l'autre par moments un filmage plus heurté, caméra à l'épaule,hérité en droite ligne de ses oeuvres documentaires.
C'est dans les premiers passages que se situent les défauts vu qu'ils sont parfois étirés un peu trop longuement. Les choix de cadrages et la photographie peuvent également rebuter: si le choix de filmer en été aboutit à des alternances de sur et sous-expositions qui peuvent frustrer le spectateur qui aime voir l'émotion se lire sur les visages des acteurs, il aboutit à ce que l'on a l'impression que les personnages fusionnent dans le plan avec les éléments naturels, ce qui reflète du coup le mode de vie paysan synchrone des changements naturels. Et si les cadrages sont souvent approximatifs, c'est parce que faire du "beau" cadre, du "beau" plan n'est pas le souci de Kawase. Son seul souci, c'est d'etre attentive à ce qui l'entoure. Les moments les plus forts du film sont ainsi ceux où Kawase saisit caméra à l'épaule un visage, une émotion, regarde en tremblottant le soleil, les moments où la caméra se déplace lentement pour finalement déboucher sur une large perspective de la nature -le beau moment où elle passe du visage de la grand-mère aux toits de la maison puis au paysage par exemple-, celui de la disparition progressive d'un personnage dans un sombre tunnel ou encore la scène d'adieux finale. Dans tous ces moments, on sent l'amour de Kawase pour ses personnages et leur environnement. Et en leur étant attentive la cinéaste offre quelques petits moments de grâce.
Sauf que le film aurait pu être beaucoup plus poignant. Suzaku fut en son temps salué comme un film-phare d'un cinéma fondé sur le sensoriel plus que sur la narration classique à l'instar d'un Eureka, d'un M/Other, d'un Millenium Mambo ou d'un Gerry. Mais ces derniers films, s'ils ne progressent pas de façon narrative classique, ont quand meme un film conducteur: le désir de recomposer une famille chez les deux grands cinéastes japonais et le Taïwanais (les rescapés comme famille recomposée chez Aoyama, la famille recomposée classique chez Suwa, les compagnons de virée nocturne comme famille d'après l'explosion de la tradition chez Hou), la quête de la Nouvelle Frontière chez Gus Van Sant.
Or ici il n'y en a pas vraiment et la volonté d'utiliser une narration de type journal intime dans la fiction héritée d'un certain cinéma expérimental -Jonas Mekas entre autres- aboutit à noyer les thèmes forts du film -la disparition du Japon paysan que Kawase veut immortaliser, les rapports monde urbain/monde rural symbolisés par le chemin de fer, les émois adolescents au milieu de la nature- dans des éléments de chronique quotidienne - les scènes de dîner entre autres- qui amoindrissent l'impact du film en créant des temps morts. Au lieu de la belle chronique du Japon paysan espérée, on a donc un premier film assez inégal mais qui contient assez de beaux moments de cinéma pour confirmer les éléments intéréssants entrevus dans ses courts métrages. Depuis, Kawase a fait du chemin et ses documentaires ont prolongé de façon plus convaincante cette intrusion dans la fiction.
En attendant, s'il est assez inégal, Suzaku est une première fiction prometteuse et un témoignage du foisonnement du cinéma d'auteur japonais du milieu des années 90 malheureusement un peu interrompu depuis par la chute de la compagnie de Mr Kawase, Sento Takenori.
A la campagne, on se fait vraiment chier !
Suzaku fait partie de ces films auteuristes sans vie que je ne peux pas digérer. Il ne s’y passe strictement rien, tout semble fonctionner au ralenti ; les gens parlent lentement, réfléchissent lentement, marchent lentement, comme si un terrible mal (le mal de l’escargot sans doute ?) s’était répandu sur la population du village où se situe l’action. Ajoutez à cela des plans qui s’éparpillent n’importe où (Kawase est quand même formidable, il faut le faire pour filmer un balai en gros plan !!), donnant à la structure narrative du film un aspect décousu fort peu appréciable, et aucun doute qu’un ennui profond vous gagnera rapidement.
Comble du tout, l’image est constamment surexposée par la lumière du jour, rendant les sous-titres blancs forcément illisibles (bravo aux sous-titreurs…). Mais de toute façon, il n’y a pratiquement pas de dialogues, et comme il ne se passe rien, cela achève de rendre la communication impossible, et ce n’est pas les 3 notes de piano d’une mélodie minimaliste qui relèveront le tout. Reste qu’on peut se poser une question : pourquoi ce film, et surtout pourquoi une Caméra d’Or à Cannes 97 pour moi totalement injustifiée ? Je n’ai pas de réponses à la seconde, mais sur la première, je crois avoir compris que notre Naomi voulait décrire la vie quotidienne d’un petit village, en nous rappelant que le temps passe vite même s’il passe parfois pas vite. Eh bien croyez-moi, les citadins ont vraiment de la chance.
PS: Le film suivant de Naomi Kawase s'appelle Hotaru et m'a l'air tout aussi pénible. Sauf que là, il ne fait plus 1H35 mais 2H45!...
Dommage , j'ai l'impression d'etre passé devant un grand film ...
Mais cela n'est qu'une impression malheureusement .
ZZZZZZZZZZZZZZZZZ... c profond, y a pas a dire...
Alors, les 7 premières minutes de ce film sont très droles. Je m'explique. Vous vous souvenez de surprise surprise? La fois où Christine Bravo se faisait prendre au piège: elle arrivait dans un cinéma pour une projection d'un film aux multiples prix. Le film commence, pendant 10 minutes, on voit un gars passer l'aspirateur, puis pendant 15 minutes, on le voit manger des pates avec sa femme, etc...
Resultat, elle s'endort pendant la projection alors que tout le monde a l'air passionné.
Je me croyais à sa place. Sauf que, connaissant la blague, ça m'a bien fait rire. Une suite de plans que j'ai trouvé sans intérêt personellement, qui ne montrent rien et sont vraiment inutiles. J4voue qu'il y a 3 plans très beaux dans le film : les 2 plans dans le tunnel, et celui ou la mere va chercher sa fille à l'école et rencontre Eisuke, ils marchent sous un arbre, de dos, éclairés par le soleil. En dehors de ça... à vous de voir.
Puis ça m'a rappele un très mauvais souvenir. J'ai "travaillé" sur une pièce d'un auteur norvegien (avec un pseudo comedien qui se croit bourre de talent que je deteste... grrr, c'est vrai qu'il est bete celui là! lol). C'est un gars qui va avec sa copine rencontrer sa belle famille... ben les dialogues se ressemblent... ah c'est beau, il y a pas à dire... alors certains diront "oui, mais c'est plein de sens (il croyait qu'on avait pas compris la "profondeur" des dialogues... quel cretin ce gars) ça révèle comme les gens sont des paumés et comme ils ne savent pas quoi faire de leur vie... blablabla" Mon oeil. Des paumés, on en voit tous les jours. Moi ce que je cherche souvent dans le cinéma, c'est qu'on me fasse rêver, pas qu'on me dise "t'as vu, c'est moche la vie, y a que de spaumés, et impossible de s'en sortir... bla bla" (c'est également ce que je reprochais à Yiyi d'une certaine façon, qui au moins possédait quelques personnages assez interessants, le petit garçon et le japonais, et c tt, mais c deja plus lol)
Alors oui, c'est vrai, ce cote là y est, mais presente-t-il réellement un intérêt? Pour moi non en tout cas. La vision d'un tel film (ou de cette fameuse piece norvegienne) ne m'avance à rien, aucune reflexion que je n'ai deja eu dans un autre contexte, aucune emotion, aucune implication. Je ne crierai pas au génie devant un tel film. Il y a certes des idées, quelques plans sympathiques, mais je ne trouve pas ça suffisant pour en faire un bon film, voir un film tout court.
C'est une suite de plans pas toujours au top, et surtout très longs (des plans sequences qui n'en finissent plus) avec des gens au milieu qui font pot de fleur, ça se veut dénonciateur, mais qu'est-ce que ça dénonce? Dans la campagne, les gens font moins de trucs que nous, et puis ils arrivent pas à communiquer... mouais, je suis pas sur qu'en ville on communique beaucoup plus (on parle plus en tt cas lol). Bon bref j'ai vraiment pas accrocher, parce que tant qu'à voir des paumés, autant donner une approche originale au sujet, un peu d'identité, de l'émotion bon sang!!! Ils sont dejà morts ou quoi? On pourrait croire, et nous avec! Si au moins on pouvait en rire... mais non, juste dormir!
expérience intime
Ce film me bouleverse profondément, et ce bien au-delà de ses visions répétées.
On a cru bon d'affilier le premier long-métrage de fiction de Naomi Kawase au cinéma de Yasujiro Ozu, parce que Suzaku se concentre avec pudeur sur une cellule familiale. On ne saurait être plus à côté du sujet. Il ne s'agit pas de la même expérience et donc pas du même cinéma.
Le cinéma de Naomi Kawase est justement un cinéma de l'expérience, plus précisément de l'expérience totale du monde à travers le spectre intime. C'est un cinéma de la réminiscence, mais pas comme nostalgie du passé ou reconstruction du souvenir (dire que Suzaku est un film sur la nostalgie est un contre-sens malheureux) : au contraire Naomi Kawase filme toujours l'ici et maintenant, dans la perception affective qui rattache le présent de tout un chacun à sa culture émotionnelle. Cette perception superposée (présent-passé) qu'on a de la réalité, elle ne la filme pas de manière décalée (dans une alternance passé-présent habituelle au cinéma), mais confondue, ce qui se traduit dans la partie documentaire expérimentale de son oeuvre (qu'il est absurde de séparer de la partie fictionnelle) par des images superposées, en surimpression, technique qu'on retrouve chez le grand Jonas Mekas (avec qui Naomi Kawase partage une certaine sensibilité, plus qu'avec tout autre cinéaste japonais), et dont elle se passe la plupart du temps, comme dans Suzaku où la sensualité de la photo et la longueur des plans ont quelque chose de proustien (j'ai parlé de réminiscences), et sont à même d'embrasser le monde (notamment, mais pas uniquement, la nature intense qui entoure le village de montagne où se déroule le film), dans sa force de création comme d'(auto-)destruction (mort du père, dépérissement du village), ce qui va autant à l'encontre d'une vision trop idyllique que trop pessimiste. Il y a dans Suzaku une scène qui éclaire avec limpidité les recherches cinématographiques de Naomi Kawase, c'est celle où la famille visionne le film qu'a tourné le père (qui est ici le double de la cinéaste) avant sa disparition : il (elle) a simplement filmé les villageois en plans fixes, quelques plans de la vie quotidienne, à travers lesquels éclate tout son amour du monde : le souvenir que laisse de lui le père à sa famille est un enregistrement documentaire de l'ici et maintenant. Présent et passé (mémoire) sont intimement liés dans l'expérience vitale.
De ce fait, le plan chez Naomi Kawase n'a pas la même signification que chez Ozu : celui-ci inscrivait ses personnages dans une cadre strictement délimité, celui du quotidien, tandis que Naomi Kawase filme en même temps le réel et le hors-champ (hors limite) de sa perception affective*, et se situe par là-même à l'essence de ce qui constitue l'expérience de la vie. Suzaku, qui s'inscrit naturellement dans l'ensemble de son oeuvre, et un film qui transmet -magnifiquement- cette expérience, préoccupation somme toute rare au cinéma, et qui constitue pour moi l'une des raisons essentielles d'en faire et d'en voir (Guy Debord constatait l'échec du cinéma, incapable selon lui de transmettre la moindre expérience, mais avait-il vu le cinéma de Jonas Mekas?). Elle transmet cette expérience de manière tellement convaincante, pour moi, que Suzaku revêt autant d'importance affective que ma propre expérience intime.
On est donc loin ici de la simple chronique douce-amère et "bon teint" dénoncée par des critiques aveugles à ce qui définit le rapport au monde et au cinéma (l'un n'allant pas sans l'autre chez Naomi Kawase) passionnant de cette artiste, comme on est loin, dans ses essais autobiographiques, du simple exercice nombriliste.
*pour autant, la dimension politique n'est pas absente de Suzaku, qui présente un village de montagne littéralement oublié par le progrès technologique du Japon, quand la majeure partie du cinéma japonais actuel est un cinéma urbain.
Un très joli film tout simplement
Le film raconte la vie d'une famille dans un village japonais montagneux, en proie à l'exode rural. Par le biais de l'évolution de celle-ci , on voit l'évolution du japon moderne, la relation à la nature, les relations familiales et plein d'autres choses.
C'est filmé avec beaucoup de grâce, c'est simple et poétique, les images sont magnifiques.. La nostalgie et l'émotion m'ont gagné très rapidement. On s'attache aux personnages; c'est beau, assez triste, et plutôt universel mine de rien.
Dur d'expliquer ce qui m'a accroché dans ce film malgré le sujet qui ne m'intéressait pas de prime abord, mais l'alchimie fonctionne parfaitement. C'est tout simplement un beau film, reposant, profond et très touchant. Un petit chef d'oeuvre assez méconnu et que je conseille absolument.