L’idée du film à sketchs donne souvent lieu à de belles surprises, variées sur le plan de la mise en scène, variées dans le ton employé ou encore dans l’approche du genre. On a bien vu ce qu’un Trois extrêmes pouvait apporter dans l’approche de l’épouvante, le pari est plus facile quand de vrais cinéastes sont derrière de tels projets. Ici, Park Seong-Hun est seul aux manettes (comme l’était par exemple Edmond Pang pour son correct Trivial Matters) et prouve qu’en dehors d’accumuler des tas et des tas de poncifs de mise en scène issus du clip du premier tâcheron venu, son regard d’auteur ne dépasse pas celui du fanboy qui a appris ses gammes devant les séries B américaines et les films de kung-fu qu’un Tarantino aura ressorti du placard avec trois fois plus d’énergie et de talent. Divisé en trois parties navrantes, Sunday Seoul (on se demande encore où est-ce qu’ils sont allés chercher un titre pareil) mêle la comédie, l’épouvante et le film martial comique sans la moindre once de cohérence, tout juste les épisodes ont comme transition des inserts de bande-dessinés sympathiques et la présence de livreurs fainéants. On regrettera que le deuxième sketch passe le relais au troisième par l’intermédiaire d’un poste de télévision, rien de telle comme facilité. Le cinéaste joue d’ailleurs de cette facilité tout au long de ses segments. Dans le premier, Bong Tae-Gyu campe le rôle d’un adolescent moqué par ses camarades de classe, jusqu’au jour où il découvre qu’il est en fait un loup-garou. Dès lors, il restera toujours le bouc-émissaire de la classe, ira se cacher dans les toilettes vomis aux lèvres et verra la fille qui l’aime et qui l’ignorait jusque là sa future promise, avant de se découvrir bad guy à son tour. Aucun intérêt, cadré avec les panards, le segment n’est pas drôle et porte un regard d’une bêtise sans nom sur son personnage humilié de toute part. Pauvre Bong Tae-Gyu, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il sera dirigé comme il se doit, se conférer au Tale of Legendary Libido de triste mémoire. Deuxième opus plus recherché sur le plan visuel, quelques traces de cinéma ne font pas de mal dans ce qui s’annonce –et sera- un naufrage à tous les niveaux.
Un malade mental qui assassine tout ce qui passe sous sa main trouve refuge dans une maison, sa voiture ayant rendu l’âme. Il fait la connaissance d’une jeune fille silencieuse, la poignarde et la laisse pour morte. Manque de pot, le petit frère rentre de l’école. Il en prendra pour son grade aussi, mais tous deux ne sont pas humains et vont le faire payer cher au serial killer. Con, complaisant et faussement sombre (photo pastichant 2 soeurs, valse à la Oldboy), ce sketch rappelle que Park Seong-Hun n’a toujours pas son mot à dire sur ce qu’il met en scène : point de chute, point d’explications quelconques sur le comportement du serial killer, juste un huit-clos avec des meurtres et une famille qui cache bien son jeu. Les Contes de la crypte ont tablé dans le même style de narration alambiquée au revirement de situation de dernière minute, Sunday Seoul y fait de la contrefaçon. Enfin, et sans doute le pire de tous, le dernier sketch atrocement long cumule les gaffes de mise en scène alors qu’il se croit drôle : le personnage qui veut venger son père est l’archétype même du mauvais combattant qui pastiche ses héros (dont un triste clin d’œil à Tony Leung dans Hero) et le cinéaste recourt à des tics visuels qu’un Tarantino a déjà repris lui aussi pour son Kill Billsous références : les ombres animées, les split-screen pour dynamiser l’action, le moine « cool » sucette à la bouche, la pluie de feuilles d’automne comme pour évoquer la rage du personnage, l’écran de cinéma, tout coïncide avec un vrai esprit de cinéphile et d’hommage, mais l’absence de talent de Park Seong-Hun fait que l’ensemble des clins d’œil tient plus d’un Tongan Ninja que d’un Kill Bill. Et en guise de couvercle, une petite dose de romantisme. Terminant les débats avec une improbable rencontre avec des extraterrestres, Sunday Seoul touche le fond et laisse le spectateur dans le flou le plus total, ne sachant pas vraiment ce qu'il vient de voir et ne comprenant surtout pas là où le cinéaste a voulu en venir. Filmer sans rien proposer ne peut que faire naître l'ennui. L’horreur sous toutes ses formes, rien n’est à sauver de cette bobine interprétée avec les chevilles, filmée avec les rotules et mise en musique avec les tibias (entre k-pop mal faite et hardcore impersonnel).
Sunday Seoul ne raconte pas une histoire, mais trois complètement indépendantes, si ce ne sont les deux livreurs qui reviennent à chaque fois pour marquer les transitions. Tout d'abord on suit le sort d'un lycéen bouc-émissaire qui tombe amoureux de la nouvelle de la classe, puis on assiste à l'épopée d'un tueur en série, pour enfin finir sur le jeune homme qui cherche à venger son père et tombe sur une vendeuse de station service.
Les trois histoires sont taillées directement dans le comique brut et massif. C'est loin d'être fin, mais c'est efficace. Cependant certaines scènes du second passages perdent beaucoup en intérêt, ayant pour effet de faire sortir pas mal de spectateurs de la salle ; en effet, beaucoup d'effets sonores sont agaçants voire très gênant pour l'oreille. Par ailleurs, après un générique qui donne un ton nerveux d'entrée au film, on est un peu déçu que le rythme retombe au début du premier acte. mais pour ceux qui sont restés (la plupart quand même), la suite s'avère être de très bonne facture, en alliant les gags à une intrigue sentimentale inattendue. Les acteurs n'ont pas vraiment de rôle très long, à cause de la découpe du film en trois, et ils s'en sortent bien.
Trois histoires où l'humour simple et efficace est omniprésent, assez étonnant dans le traitement du rythme et dans le choix des musiques, qui se laisse regarder simplement sans en attendre des miracles.