Traitement trop léger malgré la bonne performance d'actrices
Drôle de sentiment après s'être plongé dans l'univers de ces deux jeunes femmes. Spider Lilies ne marquera sûrement pas au fer rouge le cinéma d'auteur homosexuel ni même la comédie dramatique Taïwanaise. Le problème posé ici, c'est son manque de profondeur dans ses thèmes abordés, la relation entre Takeko et Jade ne parvient jamais à aller de l'avant quand bien même la réalisatrice nous assène de flash-back pour poser le récit et orienter le spectateur, le thème de l'homosexualité se voit aussi traité de manière encore plus sous-jacente, sous-jacente à l'intrigue du tremblement de Terre et ses conséquences d'un point de vu économique et social et sous-jacente au boulot underground de Jade, donneuse de shows érotiques sur son site internet. Le plus intéressant dans l'oeuvre de Zero Choun c'est justement le portrait de Jade (géniale et pétillante Rainie Yang, récente chanteuse de Mandopop et actrice de dramas tv), et si sa place occupe le devant de l'intrigue générale du métrage, elle n'est que l'aboutissement d'une certaine cohérence narrative puisque son travail la rapprochera, en quelque sorte, de celle qu'elle aime, Takeko, tatoueur professionnelle ne sachant plus très bien où se placer entre son frère atteint de troubles mentaux et son ami Ah-Dong, petite frappe des quartiers de Taipei.
On sent la réalisatrice touchée et concernée par le tremblement de Terre de 1999, et c'est aussi là où elle trouve ses limites : la succession de flash-back visuellement ratés, les petites histoires de Jade enfant, les récits tragiques de Takeko, l'ensemble est envoyé à la figure avec peut-être le manque de finesse qui aurait fait de Spider Lilies un métrage plus consistant et marquant. Certains personnages, comme Ah-Dong ou le père de Takeko, semblent être là pour faire jolis puisqu'ils n'apportent rien au récit. La réalisatrice tire aussi la sonnette d'alarme en donnant clairement son point de vu sur le marché sexuel de l'Internet, traité comme une sorte de prostitution à part entière. Mais son sentiment face à cette pratique manque là aussi de clarté. On ne sait pas vraiment si elle le défend (à vrai dire, Jade ne fait rien d'abjecte) ou si elle souhaite la fermeture de cette quantité de shows Live "one on one" pour le bien des personnes qui les pratiquent. Mais qu'importe, elle délivre ici quelques moments de cinéma de qualité et donne ainsi l'occasion à Rainie Yang d'être touchante derrière sa webcam malgré le manque d'épaisseur du policier, inutilement bégayeur, sensé tout faire pour la dissuader de continuer. Ceci étant, ces quelques "éclairs" ne masquent pas la pauvreté du visuel, lissé à outrance, et la symbolique extrêmement lourde du tatouage, des fleurs, de la perruque et du souvenir. Malgré l'interprétation très juste du duo Rainie Yang/Isabelle Leung, Spider Lilies reste anecdotique.
N.B : Il semblerait que certains rushs "osés" montrant Rainie Yang et Isabella Leung entrain de s'embrasser ne figurent pas dans le montage final de Spider Lilies ou dans l'édition DVD proposée par Deltamac.
L'homosexualité comme fil directeur d'un message social plus profond
Étonnamment, Spider Lillies ne parle pas spécialement d'homosexualité. En tout cas, aucune morale quelconque ne vient perturber l'orientation sexuelle des deux filles, même si elles ne le crient évidemment pas sur les toits. Il est vrai que je m'attendais à voir un film sur les relations homosexuelles, les problèmes que cela pose, un peu à l'instar dur film HK Butterfly de 2004, qui en parlait bien en profondeur. Cependant, le sujet étant devenu tellement à la mode à Taiwan (de l'avis d'une Taiwanaise, je n'ai personnellement pas vu assez de film taiwanais pour avoir une telle affirmation), on comprend que finalement, une relation homosexuelle dans un film peut être utilisé ("enfin" pourrait-on dire) à la même valeur qu'une histoire d'amour hétéro, même si on est tout de même bien loin de vivre dans une société mondiale où la différence n'est pas une anomalie sociale.
Spider Lillies traite en fait du tremblement de terre de 1999, qui a ravagé Taiwan, tant en dégâts matériels et humains, qu'en perte de structure sociale stable. En effet, ce film décrit, tout en évitant au maximum de montrer le séisme lui-même, la cassure dans les relations familiales, ainsi que dans les différents groupes sociaux. Les deux filles sont perturbées, l'une parce que les événements l'ont empêchée de grandir dans une bulle familiale, la laissant se perdre à la solitude et à imaginer un monde virtuel (un peu à la Amélie Poulain) où elle est heureuse et aimée par sa mère (qui l'a abandonnée) ; l'autre parce que le jour du séisme, son frère a vu son père mourir sous l'écroulement de sa maison, et que depuis, il souffre de trouble mentaux et ne reconnait plus sa soeur, qui n'était pas là lors de l'accident. Au final, tous ces éléments se rassemblent sur le symbole du tatouage, qui dégage le besoin de la personne qui veut se le faire graver sur la peau. Ces tatouages marquent surtout le besoin des membres d'une structure éclatée de se retrouver enfin, des années après le drame.
D'un point de vue formel, Spider Lillies est plutôt ennuyeux. Le personnages du policier semble être de trop ; toutes ses scènes sont particulièrement inutiles sauf pour le quiproquo de la fin, qui aurait pu être orchestré autrement. Le film suit un rythme assez lent, et malgré une durée plutôt courte (1h34), on hésite de temps en temps à faire avance rapide. On pourrait noter également que Rainie Yeung surjoue un peu à certains moments, en particulier dans ses mimiques face à Takeko. Bref, le sujet est plutôt intéressant, mais le rythme n'étant pas très soutenu et pas assez bien régulé, on s'ennuie un peu en le visionnant. En tout cas, essai intéressant.
La pape est mort, sa fille est appelée Araignée...
Je sais pas vraiment ce que j'attendais de ce film, mais j'admets être très lesbian-friendly comme cinéphile (on a tous ses petits défauts). D'un autre coté, je sais pas non plus ce que j'en ai retiré.
C'est vrai, l'actrice est mimi comme tout, mais elle est pas forcément douée non plus. C'est un peu le cas du film dans son ensemble, qu'on voudrait bien aimer, mais qui finalement ne donne rien de consistant pour s'y raccrocher. Esthétisant sans être beau, pas ennuyeux sans être captivant, réalisé correctement mais sans éclat,
Spider Lilies semble pour ma part promis à un oubli à court terme.
19 juillet 2007
par
Epikt
La mémoire sur la peau
L'ancienne documentariste et homosexuelle affirmée, Zero Chou, met en scène une histoire imaginée et écrite par le réalisateur et scénariste Singing Chen ("God Man Dog"); peut-être est-ce pour cette raison, qu'elle manque de marquer de son empreinte une histoire qui aurait nécessité une vraie appropriation personnelle…
Peut-être est-ce également en raison de sa première collaboration avec de stars affirmées: Dans le rôle de la lolita infantile, Rainie Yang tente désespérément de prolonger son incroyable succès populaire de l'ancienne série culte pour ados, "Meteor Garden". Aussi pénible qu'une "Twins", elle maintient malheureusement un même jeu, que ce soit en professionnelle de la webcam ou dans sa vie plus personnelle.
Isabella Leong, au contraire, poursuit son petit bonhomme de chemin et tente courageusement de varier ses rôles et de tenter de s'imposer comme une icône autant du cinéma populaire ("Bug Me Not", "McDull, the Alumni"), que d'un certain cinéma d'auteur ("Isabella", et le présent "Spider Lilies"). Assez convaincante dans les premières minutes du film, l'affaire se corse par la suite, lorsqu'elle paraît plus âgée et mature lors des flash backs, que dans la vie présente et n'arrive pas à nuancer son jeu dans l'évolution naturelle de son personne face aux événements dramatiques.
Là blesse le second bât: le scénario tente vainement de démultiplier les intrigues parallèles et de dénouer le tout en un final hautement dramatique. La "lis araignée" du titre est une fleur qui est dite mener à l'Enfer; tel les personnes du scénario, tiraillées entre le Bien et le Mal (Jade entre enfant innocent et lolita allumeuse; le policier enquêtant sur des sites illégaux; le caïd puisant sa force dans ses inquiétants tatouages; etc).
La "lis araignée" contient un poison, qui efface la mémoire des gens; les tatouages permettent de conserver certains souvenirs. Une "lis tatouée" rappelle donc un moment douloureux. Tous les personnages gardent la trace d'un profond trauma – et la démultiplication des caractères du film permet l'évocation d'autant de drames; sauf qu'il aurait été plus judicieux de ne se focaliser que sur le malheur de certains de ces personnages, mais de l'explorer à fond. Au contraire, el film atteint malheureusement un trop-plein dans son dernier tiers et cherche à soutirer facilement compassion et larmes de son public.
Le ton n'est pas non plus le plus adapté. Film clairement destiné à un public adolescent, il est rageant de voir autant de thèmes sérieux balayés d'un simple revers de main sur fond de moues et de décors rose-bonbon. Sans forcément devoir donner dans le glauque et le racoleur, la première partie aurait très certainement mérité un traitement plus sombre, notamment dans son exploration de la double personnalité des personnages. Au contraire, la dernière partie plus sombre ne réussit donc plus à toucher, en raison de la légèreté du traitement des personnages et de son piétinement à choisir un ton juste.
Bref, un scénario inabouti pour un traitement non maîtrisé. Reste que l'intention reste louable, notamment dans l'actuel cinéma taïwanais, et qu'une fois de plus l'image est particulièrement soignée et belle.