The Shonen Merikensack arrive comme l’une des plus belles réponses à celles et ceux qui se posent encore des questions sur le chemin que prend le cinéma japonais depuis un petit moment. Encore tout jeune réalisateur mais scénariste et acteur averti, Kudo Kankuro a déjà tout compris. Sa dernière comédie est l’une des plus réjouissantes que l’on ait pu voir depuis un bon moment, simplement parce que la synergie entre les différents personnages –que bien des choses opposent- est superbe, donnant au film un souffle jamais contrarié par ces instants les plus neuneus qui eux, dégoulinent d’une délicieuse moquerie sans être abrutissants. On ne ressort pas forcément plus intelligent de ce beau portrait de papys punks, mais la sensation d’avoir parcouru une véritable aventure est, elle, bien réelle.
The Shonen Merikensack est un pur film de mouvements, dans tous les sens du terme : Kanna, une employée de maison de disque, multiplie les allers-retours pour débusquer les musiciens du fameux groupe punk découvert sur internet et dont le potentiel commercial semble ravir son patron, amusé et nostalgique par cette redécouverte en tant qu’ancien punk. L’écriture ne délaisse pas non plus l’importance du mini-van qui transportera tout ce beau monde à travers différentes villes de l’archipel, un confort loin des limousines et des cars luxueux, symbole des ambitions revues à la baisse du groupe sur la voie d’un succès loin d’être encore acquis. Le véhicule, à l’instar des différents voyages, est également prétexte à nombre de gags bien négociés, même les plus graveleux, simplement parce Kudo Kankuro utilise un langage soigné : la mise en scène et le montage offrent un compromis astucieux entre hystérie communicative et nostalgie douce-amère, pour un résultat aussi décoiffant que sensible. Preuve d’un humour parfaitement maîtrisé, les silences sont hilarants, comme en témoigne l’affreux résultat de la première répétition du groupe, laissant Kanna plus que circonspecte. Et quel manager ! Miyazaki Aoi montre une fois de plus l’immensité de son talent, celle que l’on pensait condamnée à faire la moue irradie le film dans toute sa longueur, toute sa largeur. Alors bien sûr son personnage est fantasque, éreintant à force d’enchaîner tous les faciès possibles et inimaginables pour le plus grand bonheur de ses fans. Mais son registre plus dramatique, plus sombre, même employé ici à de très rares instants, est un don. Une telle générosité sera toujours défendue en ces lieux.
L’ensemble du casting est tout aussi généreux, Sato Koichi en brute épaisse, infecte déchet renaissant de ses cendres tel un phénix de la scène punk, Kimura Yuichi en être sage amoureux de ses vaches et adepte du coup de boule décroisé, Miyake Hiroki et son art de jouer sur son bazar qui lui sert de batterie et enfin Taguchi Tomorowo pas plus convaincant en tétraplégique que moi en curé, tous tentent de retourner sur scène à une époque où les jeunots monopolisent les ondes par leurs chansons mièvres. Une reconversion, d'innombrables doigts d'honneur adressés à la musique pop, une histoire musicale qui se répète étrangement même après 25 ans, The Shonen Merikensack est certes un combat perdu d’avance mais ses principaux acteurs ont le mérite de ne jamais baisser les bras. Toujours entre le clin d’œil amusé et la caricature acérée, l’industrie de la musique est montrée sous un jour des plus grotesques notamment à travers le traitement des futurs talents et le culte de ses valeurs sûres à l’instar de la pop star Telya, plus proche d’un Gackt que d’un David Bowie, préférant son image à tout autre chose. Son interview à sens unique sur une chaîne de télévision figure parmi l’un des moments les plus hilarants du film. The Shonen Merikensack adopte dans son ensemble une attitude formidable et plus que jamais décomplexée, sans jamais utiliser la dérision comme un moyen de prendre sa thématique à la légère. Sa plus grande qualité est d’ailleurs cette distance et ce regard jamais trop moqueurs, son attachement pour cette bande de loosers convaincus (mais rarement convaincants) que le retour sur le devant de la scène est encore possible, même vingt-cinq ans après leur split. C’est toute cette dimension d’utopie qui donne un charme fou au film de Kudo Kankuro. Sacré(s) morceau(x)!
Comment? Un film sur un groupe de punk remis au goût du jour dans un Japon monopolisé par la pop à deux balles? Autant dire qu'il n'a pas fallu me prier pour que je me jette sur ce film! Et je dois dire que rarement un film japonais ne m'avait autant fait rire.
Premier élément comique, les acteurs, et en premier plan, la jeune Aoi Miyazaki, et son contraste incroyable avec les membres du groupe, avec qui elle va pourtant s'associer. Je sais pas vous, mais moi je me souviens d'elle surtout pour son rôle dans Insecte Nuisible, qui ne prêtait pas trop à sourire. Ici, elle se lâche complètement, avec une hystérie époustouflante qui non seulement est supportable, mais se paie en plus le luxe d'être jouissive. Ses sorties sont énormes, tout comme ses réactions disproportionnées.
Puis il y a cette bande de rockers seniors bien rouillés tentant de garder leur punk-attitude. Eux aussi sont tout simplement exceptionnels, avec des mimiques et un timing dans leurs réparties qui font toujours mouche.
Puis il y a la réalisation, dévouée entièrement à l'humour et au rythme général de l'histoire. Certains gags prennent leur source directement dans des hiatus judicieux, des inserts d'interviews, des transitions qui jouent sur les oppositions, des flash-backs qui tranchent avec l'ambiance... On pourrait presque comparer ça à de la bande-dessinée, tant le temps cinématographique semble astucieusement découpé.
Et enfin, le clou du spectacle vient du paysage quasi complet de la musique japonaise que le film dépeint. Ceci, je le dois en partie à ma soeur qui s'est éclatée de rire devant le sosie de Gackt que l'on voit tellement dépendant de ses producteurs que ceux-ci sont même là pour lui indiquer où marcher. Et ça ne s'arrête pas là! Le boys-band au look ridicule pour adolescentes, l'archétype du chanteur-compositeur indépendant sans succès, l'industrie du disque dictée par les tendances éphémères, tout y passe et y perd des plumes. C'est follement jouissif.
Inutile de cacher son plaisir, ici c'est tout le plaisir d'une comédie diaboliquement efficace dont le concept-même n'est pas inintéressant. Probablement un des plus beaux hommages que l'on pouvait donner au punk rock.
Avec une affiche pareille, je ne vois vraiment pas comment ne pas aimer ce film. The Shonen Merikensack est tout simplement un petit bijou du cinéma japonais. Il y a bien longtemps que je n'avais pas ri de bon coeur devant un film ; voilà qui est fait. Le postulat est simple : une fille qui n'aime pas son travail dans une société d'édition musicale est sur le point de voir son contrat s'achever. Sa seule chance de le renouveler serait de trouver un groupe hors du commun, exceptionnel, qui accepte de signer un contrat. A son dernier jour de travail, elle tombe sur un groupe de punk, et pour miner toutes ses chances de garder son travail, le propose à son directeur. Mais contre toute attente, le directeur est un fan de punk, adore le groupe et envoie la fille en mission : trouver les membres et leur faire signer pour un album et une tournée. Elle qui hait le punk, elle se retrouve avec une bande quincagénaires qui ne savent plus faire de la musique, mais doit les accompagner dans une tournée où il se montre au mieux ridicule, et au pire désastreux.
Cette histoire est tenue en tête par Miyazaki Aoi, qui n'en finit pas de nous étonner par son talent. Ici, elle surjoue largement, mais dans un cadre strictement scénaristique. Ses expressions qui passent de la moue gentille et adorable à l'allure féroce sont à mourir de rire, et sa connectivité avec les autres interprètes est particulièrement bonne. Il y a une vraie harmonie dans le jeu des acteurs ; pas un rôle secondaire est mal exploité, et les interprètes s'en sortent tous merveilleusement. Coté scénario, tout est assez tordu ; le montage insère de fausses interviews (on ne sait même pas qui les prend), des flashbacks divers et posés là assez anarchiquement, tout en dévoilant une épopée de jeunes extraordinaire, mise en parallèle avec la nouvelle carrière ratée du groupe du musique. Certaines élipses sont tellement violentes qu'elles ressemblent à des flashback, particulièrement quand la fille, en route avec le groupe, se retrouve subitement dans son apartement à avoir une scène avec son copain.
D'ailleurs, la relation avec son copain est assez formidable tellement elle est loufoque dans son aspect trop parfait. Il joue de la musique, elle l'aime à la folie, il compose des chansons pour elle, tellement ridicules qu'elle ne s'en rend même pas compte. Et si son contrat est sur la scellette, c'est justement parce que tout ce qu'elle a recommandé à son directeur jusque là, ce sont les démos miéleuses de son copain ; la relation s'intensifie également au point d'en arriver plus tard à un clash (et un dénouement fabuleux que je ne révèlerai évidemment pas).
Cette histoire folle est issue de l'esprit d'un mec probablement normal, mais parlant de punk avec une attitude punk, ce qui rend ce film si magnifique.