Scout toujours prêt
Scout Man est le quatrième long-métrage du quadragénaire Masato Ishioka, spécialisé auparavant dans l’Adult Video (film pornographique vidéo) à la suite d’une « formation » auprès de Tadashi Yoyogi, le Joe d’Amato nippon. On doit notamment à ce dernier des films avec Kyoko Aizome, une reine du film érotique et porno (le mythique
Daydream de Tetsuji Takechi, et Traci Takes Tokyo !), elle-même passée à la réalisation avec des films comme
Lesbian Wives...
De par sa « spécialisation » (doublée d’une formation dans le documentaire, dont on retrouve d’amples traces dans
Scout Man), Masato Ishioka connaît donc bien le monde de l’AV, dont les « scout men » sont en quelque sorte les « piliers des rues ».
Si vous avez vu
Bounce Kogals de Masato Harada, votre mémoire vous donnera probablement une image assez précise de ces intrigants chasseurs postés aux grandes artères des quartiers les plus fréquentés de Tokyo et des grandes villes japonaises, en quête de jeunes femmes aux physiques attrayants disposées à devenir de petites reines du porno. Ni sympathiques, ni antipathiques, les scoutmen sont des stakhanovistes du repérage instantané et s’apparentent assez à des troubadours des rues quand ils se piquent d’enjôler la fille sur laquelle ils ont jeté leur dévolu (Masato Harada nous montrait d’ailleurs un jeune scout man très chevalier servant dans son
Bounce Kogals). Masato Oshioka choisit de ne pas juger « ses » scout men, il nous donne simplement à voir leur persévérance obstinée et souvent tragicomique, et nous fait entendre leur franc réalisme mâtiné de cynisme (« ces filles stupides qui feraient n’importe quoi pour de l’argent » remarque l’un deux d’un ton péremptoire).
Depuis les années 80, l’industrie du film AV est extrêmement florissante au Japon. Rien qu’à la fin des années 80, un inventaire faisait état de 4000 vidéos érotiques réalisées par an, produites par 70 boîtes de production. Pas étonnant dans ces conditions que cette industrie fasse une consommation terrible de jeunes ingénues, dévorées des yeux un jour et consignées à l’oubli le lendemain (certaines durent néanmoins plus longtemps, comme Kyoko Aizome, ou Kaoru Kuroki, connue pour son refus de se raser les aisselles !) Certains réalisateurs d’AV, tels Toru Muranishi, avaient été arrêtés dans les années 80 pour avoir enrôlé des actrices mineures (on connaît la fascination des hommes japonais âgés pour les écolières à longues chaussettes). Dans
Scout Man, le gérant de l’agence Memory est décrit comme un ancien scout man qui ne respecte plus les règles et finit par soumettre à un casting très malsain une mineure de 15 ans. Malaise assuré à la vision de cette scène tournée au camescope pour en renforcer le réalisme.
La seconde trame du film concerne l’enjo kosai, cette prostitution adolescente, féminine ou masculine (
Petite Fièvre des Vingt Ans), soft ou hard, encouragée par une véritable boulimie consumériste. Là encore, Masato Harada a fait un film référence en la matière, il suffit de se rappeler l’odyssée de ses lycéennes et de leurs rencontres successives. Cependant,
Bounce... se révèle beaucoup plus stylisé et irréaliste que
Scout Man, tourné en majeure partie comme un documentaire avec des personnes réelles. Le constat d’Ishioka est ainsi plus naturaliste que chez Harada, chez qui le style l’emporte souvent sur le contenu. Au passage, Ishioka nous donne à voir certaines déclinaisons de l’enjo kosai, du soft (les bars à karaoké) au hard (Mari finit par coucher avec un salary man après les supplications de ce dernier). Rien de bien glamour dans cet univers interlope où l’on nous montre avant tout l’emprise de la rue sur des fugueuses échouant dans la prostitution ou partageant l’argent de ventes de tickets avec des yakuza. En ce sens, les événements décrits ne sont pas très éloignés de ceux du film d’Harada. (Il faut savoir qu’au Japon, l’Enjo Kosai a été souvent glamourisé et excite de ce fait la curiosité de nombreuses adolescentes. La plupart du temps - mais cela est fonction des enquêtes et des sondages - ces dernières n’y trouvent d’ailleurs rien à redire, décidées à assumer jusqu’au bout leur pulsions matérialistes).
Les acteurs de
Scout Man sont en grande majorité des personnes prises dans leurs environnements réels. Les trois acteurs principaux, Yuka Fujimoto, Miku Matsumoto et Hideo Nakaizumi, sont de jeunes débutants (respectivement 16, 19 et 25 ans) assez prometteurs, tandis que les scout men sont de véritables pros du mêtier jouant leurs propres rôles dans le film - à l’exception d’un seul, joué par un débutant lui aussi charismatique, Akihiko Yoshiie, 27 ans. Le gérant de l’agence Memory est quant à lui interprété par Shiro Shimomoto, acteur pink très connu des années 80 (
High Noon Ripper,
Abused Slave Girl). L’une des actrices AV (celle qui emmène le personnage d’Atsushi dans un love hotel) est interprétée par Yuri Komuro, une véritable « AVidole » de la fin des années 90.
Le tournage de
Scout Man s’est effectué du 14 mars au 10 avril 2000 dans le quartier très commerçant d’Ikebukuro (Tokyo nord). Le film fut ensuite projeté au Festival de Venise dans la Semaine de la Critique, puis à Toronto, Honk Kong, Montréal, Copenhague et Singapour. Lassé de l’industrie du sexe, Masato Ishioka annonçait au festival de Singapour 2001 l’intention de changer de registre avec une histoire de délinquants juvéniles. Il sera certainement intéressant de comparer ce prochain film à ceux de Takahisa Zeze, spécialiste du genre.
Dommage .
L'occasion de decouvrir l'univers AV ( "Adult Video" ) sous un autre angle semblait fort interessante , malheureusement il n'en est rien .
La realisation est tres moyenne et l'intrigue sans aucun rebondissement , le jeu des jeunes acteurs est neanmoins fort appreciable et mention speciale pour les fameux "Scout Men" jouant parfaitement leurs roles , mais un film à voir par curiosité tout de meme .
Attachant.
Traîtant de l'univers des "koga-ru" (lycéennes jap qui se "prostituent" à un degré variable pour pouvoir s'acheter les dernières chaussures à la mode), Scoutman, à l'inverse de son concurrent Bounce Ko-Gals, joue à fond la carte du réalisme sale et sans gêne.
Prenez deux jeunes paumés venus dans la capitale pour se faire un peu de thunes, faîtes les entrer sans qu'ils ne sachent pourquoi dans un réseau fun au départ mais flippant sur la durée, et filmez le tout sans concessions. Bien que; si Masato Ishiyoka ne joue pas la carte de la censure, c'est parce qu'il a habilement joué les prudes sans le montrer. On ne voit rien du tout; mais là n'est pas l'important: l'important réside dans Tokyo, fascinant, brut et brutal, dans lequel se débattent comme ils peuvent "elle", petite boule indécise et sans malice, et "lui", jeune con sans passion hésitant juste par civisme à rentrer dans un monde dont il sait qu'on ne sort pas indemne.
Cela dit, point de pathos lourd; rien n'est fait pour nous arracher une larme, mais presque le contraire: nos deux héros, s'ils s'en prennent quelques unes dans la gueule, ne gémissent jamais, et l'ambiance chez les scoutmen est plutôt fun; on pourrait croire à de la complaisance, mais il n'en est rien; il s'agit simplement de réalisme, car dans la réalité, ces hommes et ces femmes se sont fait une raison, puis on fini par accepter avec le sourire leurs amusantes histoires...
A propos de ces acteurs, en dehors des deux jeunes, qui sont tous deux à suivre (lui, qui fait preuve d'une maturité bienvenue elle même si elle n'est pas très jolie :) ), il faut savoir que les acteurs qui jouent les scoutmen le sont dans la vie... normal qu'on les trouve naturels.
Filmé assez subtilement sous des accents de docus bordélique, "Scoutman" est un film intéressant sur un univers qui ne nous est pas si lointain, sur des gens qui pourraient nous être familiers; et si le côté "neutralité morale aux antipodes du lyrisme" peut en agacer certains, certaines scènes originales viennent apporter un semblant de fiction attendue à un tableau si... sobre.
En définitive, un film simplement attachant.