La comédie de la vie
Comédien à l'humour particulier, je suis un très grand client des frasques de Matsumoto Hitoshi. Alors que l'on pourrait facilement le reprocher de roublardise, je trouve que ses longs ciné cachent toujours un double-sens très profond, dont celui de 'interroger sur les mécaniques de faire rire dans "Scabbard Samourai", incontestablement le film le plus personnel de Matsumoto à ce jour.
Car qu'est-ce que raconte finalement l'histoire du film ? L'invention d'une blague et l'art de faire rire quelqu'un. Le "faux" samouraï doit inventer une trentaine de gags pour tenter de faire rire le fils du Seigneur et – avec la complicité de deux gardiens – va donner dans la surenchère de gags pour tester différentes pistes possibles.
Pas moyen d'y voir la progression de tout humoriste, obligé de toujours devoir se surpasser, voire toucher le plus grand public avec des gags à la fois plus sophistiqués (les trois complices vont inventer des mécaniques toujours plus importantes) et à la fois plus bêtes et surtout dangereuses pour le samouraï. En même temps, il attire une foule de plus en plus grande, qui le pousse à toujours aller plus loin dans son "délire".
C'est donc l'histoire de Matsumoto, comme Kitano à la tête de plusieurs émissions comiques, qui l'obligent à toujours devoir surenchérir pour faire de l'audimat, que cela lui plaise ou non.
Or, Matsumoto prouve, que ce n'est pas forcément les traits les plus gros, qui sont les plus amusants. Dans une fascinante séquence, il met son personnage face à un tournesol géant, qu'il est humainement impossible de faire bouger d'un simple souffle…Or c'est justement grâce à une "intervention divine", que le gag naît – et provoque moins le fou-rire, qu'un sentiment de bien-être généralisé devant la beauté de la simplicité de la chose, de la vie, tout simplement. Pas besoin de grosses ficelles, un peu d'effort et d'inspiration et le coup de main d'une "force supérieure" suffisent pour créer du pur bonheur; en cela, "Scabbard Samourai" rejoint évidemment le propos final de son précédent "Symbol".
L'autre aspect personnel, c'est évidemment la relation "père-fille". Que raconte "Scabbard Samourai" au fond ? Un homme, doutant de lui-même, se donnant des airs "importants" (il se fait passer pour un samouraï) de ce qu'il n'est pas, obligé au jour le jour de se dépasser pour faire rire autrui – et de se battre contre son propre "démon": un enfant (signe de pureté et d'innocence, à la différence de la "foule", qui suit un "mouvement" – le spectacle – et rit en cœur des choses, qui ne le sont pas forcément) impassible. La hantise de tout comique: ne pas faire rire un personnage. Tous les comiques le disent d'ailleurs: c'est moins les 1.000 personnes, qui rient à gorge déployée, qu'ils voient au cours d'un spectacle, plutôt que l'unique personne, qui ne réagit pas.
L'histoire d'un homme, qui doute de lui et qui est incapable de parler à son enfant. Or, cet enfant ne cesse de lui montrer à quel point elle est déçue par la médiocrité de son père et le pousse à réagir. Or, dans la vie personnelle de Matsumoto, il faut savoir, qu'il a toujours dit ne jamais vouloir d'enfants…Mais voilà, en 2010, il est devenu le papa d'une…petite fille…Or pour tout père (surtout d'une petite fille), il est EVIDENT, ce que Matsumoto tente d'exprimer: la peur primale d'un jeune père de ne pas "être à la hauteur" des espérances de son enfant. Ce film est entièrement basé sur le manque de confiance d'un individu face à lui-même, de son métier et de son enfant…Une réflexion personnelle magnifique sur la vie d'un artiste (comique), qui se termine à la fois tragiquement, mais également par un ultime tour de force, qui prouve que derrière tout ce désarroi, eh bien, l'artiste il croit quand même un tout petit peu en lui. Magnifique.
Pour plus d'informations sur le personnage principal et une bien belle critique, lisez également les pensées de l'excellent OLI:
http://blog.hkmania.com/?p=6707
et
http://echecetcinemat.wordpress.com/2011/06/16/saya-zamurai-matsumoto-hitoshi-2011/