Détruire le passé
Avec
Still Life, Jia Zhang-ke poursuit sa minutieuse étude des mutations de la société chinoise actuelle. Posant sa caméra dans la région des Trois Gorges, le réalisateur suit tour à tour un homme et une femme. Lui est à la recherche de sa fille et de son ex-femme. Elle est à la recherche de son époux. Assistant à la destruction d’un passé par ceux même qui l’avaient construit, tous deux vont être les témoins muets de ce vaste mouvement qui est celui de la Chine contemporaine. Captant ces infimes instants de l’histoire du monde, Jai Zhang-ke nous donne à voir les transformations résultant du développement de la Chine et nous fait prendre conscience de la folle vitesse de ces changements.
Du mieux, mais çà n’est pas encore ça…
On ne peut pas dire que je sois fan de Jia Zhang-Ke. Mais ce Still Life, s’il comporte encore trop de tics auteuristes irritants, mérite cependant un détour. Le cinéaste chinois s’intéresse ici aux pharaoniques travaux du barrage des 3 Gorges qui, à terme, va faire augmenter le niveau du Yang Tse Kiang de près de 150 mètres et noyer sous les eaux des centaines de milliers d’habitations. Il filme avec brio un paysage fascinant, que l’on parvient difficilement à distinguer sous des brumes épaisses, ainsi qu’une ville en démolition qui se prépare, résignée, à se faire engloutir. Le spectacle visuel est assez bluffant et la tension liée à cette menace inexorable est très bien rendue.
Mais Jia Zhang-Ke se plante sur 2 points principaux à mon sens :
- Pour nourrir ses images marquantes d’une trame narrative, il a choisi deux histoires bien ternes : un homme et une femme cherchent chacun de leur côté des traces de leur passé, de gens qu’ils connaissaient dans la région et qui ont été contraints de quitter les lieux. L’artifice devient rapidement répétitif et tourne en rond, les plans durent alors inutilement et l’ennui gagne. Rien à voir avec la force d’un Getting Home, où le personnage principal échoue également dans la région des 3 Gorges, mais au bout d’une quête personnelle et généreuse tout sauf artificielle.
- Il base toute la tension dramatique de son film sur l’échéance annoncée de l’engloutissement de toute une région, de tout un passé. Sauf qu’on ne verra jamais cette grande vague déferler sur cette zone désolée. La durée des travaux est bien sûr en cause, mais on ressort de la projection avec un grand sentiment de frustration, comme si l’œuvre n’était pas achevée, comme si elle n’était pas allée jusqu’au bout de sa démonstration.
Le bilan est donc mitigé, mais Jia ZK signe enfin un film regardable, ce qui est déjà un progrès.
Destins croisés
Still Life, passé l'effet quasi documentaire de l'oeuvre, distille ses bons moments comme d'autres plus tristounets, la faute peut-être à une véritable dénonciation sociale (la condition des travailleurs) et politico-économique (le barrage des Trois Gorges semble passer au second plan). A vrai dire, le film de Jia Zhang Ke demeure surtout une romance à deux étages, reposant sur la recherche de personnes qui s'aiment à travers un village chinois. Le problème est que le spectateur reste uniquement passif face aux -belles- images présentées, il manque en effet une identité, une envie de dépasser les propres limites du cinéaste et de l'imaginaire qui en découle (seul élément fantastique, cette soucoupe volante mirage). Il reste quelques éléments peu farouches, comme ce jeune enfant fan de Chow Yun-Fat, n'hésitant pas à imiter son idole en ressortant un dialogue du célèbre Le syndicat du crime. L'enfant est d'ailleurs peut-être l'élément le plus touchant du film, notamment lors d'une scène où ce dernier échange les musiques de son portable avec un travailleur.
Au final il ne reste pas grand chose de très croustillant à se mettre sous la dent. Still Life est loin d'être un ratage, mais ne captive pas assez pour être incontournable, à mon sens, aux yeux de tous.
L'envers du décor...
Prenant pour cadre la Chine mainland, Still Life fait partie de ces classiques du cinéma d'auteur des années 2000 qui marquent par leurs images et par le sens qui leur sont donnés. En prenant le choix de raconter les destins croisés de personnes vivant dans un village destiné à être détruit pour la construction d'un barrage, Jia Zhang Ke réalise une oeuvre touchante, simple mais percutante. D'une esthétique saisissante de réalisme, pour ainsi dire quasi documentaire, le film, tourné à la caméra numérique, fera de cet aspect sa force. En plaçant dans ce contexte des personnages forts aux connotations diverses (qu'il s'agisse d'un mineur à la recherche de sa femme et de sa fille qu'il n'a plus vu depuis 16 ans, ou d'un jeune homme décrivant, par son attitude, le parfait effet de l'influence de Chow Yun Fat sur sa génération), le réalisateur livre une histoire où l'amour se fait et se défait dans une ville presque abandonnée.
Recherche de l'amour, recherche du bonheur, recherche de soi? Si ces trois éléments sont ici bien présents, il convient de les nuancer : point d'optimisme dans la Vallée des Trois Gorges, voué à voir ses habitants déplacés et ses habitations rasées. Les personnages se cherchent, mais jamais il n'est question d'espérer (et j'insiste sur ce mot, « espoir » ) , ne serait-ce qu'un lueur d'avenir heureux. Le peuple est résigné, les personnages principaux le sont plus encore, ils ne cherchent pas une vie meilleure, ils cherchent simplement une vie. Et c'est là probablement ce qui frappera dans ce film le plus : l'histoire d'un peuple qui à accepté son quotidien et se résout à mener une vie ici, sans rien attendre d'autres.
Tout est donc fait ici pour dépeindre une chine opposée à ce qu'elle tend à montrer au monde, loin du scintillement des villes, de la croissance du pays, et du modèle économique qu'elle tend à montrer. Jia Zhang Ke filmera ici l'envers du décor, l'image d'un peuple qui se désagrège au même rythme que celui auquel son gouvernement émerge. Une façon comme une autre de dénoncer, pourraient dire certain...Mais il faut y voir surtout une envie de montrer, de décrire, et de rappeler. En contrepartie, le film contient de magnifiques plans, principalement des paysages, fruit, là encore, d'une qualité photographique remarquable.
Qu'il s'agisse de Han San Ming, un mineur devenant démolisseur des maisons qui seront englouties par les eaux, ou de Shen Hong (interprêtée ici par Zhao Tao, une habituée des films de Zhang Ke), une infirmière cherchant un mari ne donnant depuis deux ans plus signe de vie, leur sincérité et la justesse des personnages se révèlera touchante. Tout ne sera néanmoins pas sombre et vain, puisque l'histoire finira de façon positive pour au moins l'un des deux protagonistes. Positive, mais plus optimiste, puisque là encore, le réalisateur s'évertue à raconter simplement l'histoire de la vie, ne laissant donc pas de place au mélodrame ou aux envolées de joies. Parallèlement à tout cela, la bande son sera quasi absente du film, ne se faisant entendre qu'avec justesse, en de rares moments significatifs et où elle s'avère pour ainsi dire utile au cadre, à l'image d'un enfant qui chante, ou du fond sonore d'une réception sur un toit. Notons également quelques scènes totalement décalées totalement opposées au style global de l'oeuvre, telle que certaines « chorégraphies » des démolisseurs, ou un bâtiment qui « décolle » du sol...Des touches qui s'apparentent plus à des coups de pinceaux jetés sur l'oeuvre qu'autre chose, ne nuisant en rien au film tant elles sont rares. Bien au contraire, les décrypter se révèlerait (ou révèlera, si le coeur vous en dit) lourd de sens, qu'elles s'inscrivent dans l'esprit du réalisateur, dans l'histoire, ou dans votre propre regard...Mais ceci peut s'appliquer à la plupart des scènes du films, tant les symboles y sont nombreux : Le barrage, les parallèles fait entre les parcours des deux protagonistes, les symboliques d'objets anodins...et même l'influence générationnelle de la culture cinématographique Hong-Kongaise sur le peuple continental!
Enfin, il conviendra de s'attarder un peu sur le titre et d'y réflechir. « Les Bonnes Gens des Trois Gorges » dans sa traduction originale, est devenue dans sa version internationale « Still Life ». Ce second terme, traduit en photo et en art par « nature morte », va à ce film comme un gant. Les décors sont délabrés, les cadres sont fixes et froids, il peut s'agir d'un plan sur la vallée dans les brumes, sur le barrage, véritable fléau du film, ou plus simplement sur un cendrier au contenu significatif. Chacun est, à sa façon, porteur de message, ou de sens que les amateurs se feront un plaisir de chercher à décrypter et à interprêter, faisant donc du même coup de Still Life un terme parfaitement approprié.
Finalement, qu'est Still Life ? Un très beau portrait social brossé avec lucidité, la face cachée et désespérée d'un peuple qui ne croit pas au « droit au bonheur », et un film d'auteur aux sens aussi importants que nombreux, comme Jia Zhang Ke sait nous les offrir.
Surfait
Le film est interessant mais plutot moins que les 3 precedents films de Jia Zhang Ke que j'ai vus (d'ailleurs aucun ne m'a vraiment convaincu). Des lors, l'engouement de nos critiques occidentaux (en France et aux US en tout cas) s'explique plus par leur besoin d'exotisme que par les qualites intraseques du film lui-meme. Ces films d'auteur asiatiques, en particulier chinois sont a la mode depuis quelques annees! Si cette histoire contemporaine (la destruction de la ville de Fengjie par le barrage des Trois-Gorges) constitue une trame interessante, on est decu de rester "exterieur" a la vie des personnages, ce film ne suscitant finalement que peu d'emotions (juste quelques sourires). Bref, c'est pas mal mais loin d'etre transcendant.
Drame social chinois... encore et toujours... ennuyant.
J'avoue n'avoir pas pu tenir plus de 20~30 minutes, je suis devenu complètement hermétique à ce genre de films, c'est lamentable je sais bien, mais je ne peux plus en voir un de plus à l'écran. Je suis las de la noirceur de ces drames sociaux chinois, souvent vides de scénario, qui ne font recette qu'aux festivals occidentaux... pourquoi les réalisateurs chinois ne versent que dans ce petit registre, contestataire occasionnel du régime pour un sou ?
Une réussite
C'est peu dire que j'étais sceptique au départ, les précédents Jia m'ayant, à l'instar de plusieurs HHH ou Kiarostami (de très grands qui alternent - avouons le - des réussites et des films plus laborieux), profondément ennuyé. Enfin, il signe un grand film. Peut-être même un très grand film. Dès l'admirable premier plan séquence sur le bateau, on est pris et l'intérêt ne faiblit jamais. C'est tout simplement très beau. Ajoutons que le film est même parsemé de traits d'humour (l'émule de Chow Yun Fat !).
Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel
Œuvre indissociable avec le documentaire "Dong".
Fortement inspiré par l'endroit des "Trois Gorges" (l'une des principales attractions touristiques chinoises sur les bords de la rivière Yangze; mais également le lieu de construction du futur plus grand barrage du monde, dont la construction a débuté en 1993, devrait s'achever en 2008 et aura nécessité la délocalisation de plus de 1,4 millions d'habitants…) et de la simplicité de ses habitants, Jia fait une nouvelle fois honneur à sa réputation de "terreur des producteurs", en les éveillant en pleine nuit avec la ferme décision de tourner tout de suite un long-métrage dans ce lieu.
En résulte une série de portraits, entièrement fictive, mais basée sur des histoires personnelles largement répandues et communes.
Le résultat ressemble comme deux gouttes d'eau aux précédents métrages du réalisateur: des destins de gens simples, pris dans leur quotidien en marge d'une société évoluant (trop) rapidement. Constituant une véritable trilogie sur les "changements contemporains" (avant une prochaine nouvelle trilogie sur des changements historiques) amorcée par "The World" et complétée par "Dong", il est indissociable de ce dernier. Notamment par des reprises de plans à l'identique de l'un à l'autre et des intervenants du documentaire devenant des pesonnages à part entière dans ce long-métrage.
Du coup, Jia réussit une nouvelle fois la prouesse bluffante, de se faire entremêler réalité et fiction en un mélange habile et de brosser des portraits criants de vérité. Il ne faiblit pas à sa réputation de "poseur", en étirant ses plans à l'extrême et privilégiant les silences à l'action et à la parole.
Après la reprise de la musique de "The Killer" dans "Wiao Xu", il reprend cette fois carrément un extrait du "Syndicat du crime" du cinéma de John Woo, pour les besoins d'une fort belle métaphore sur la perversion de l'argent/ la capitalisation dans un monde autrement plus "pur".
Une bien belle œuvre, mais un début de répétition forcée d'un auteur au seuil d'un point de rupture avec sa propre œuvre et dans son rôle dans le cinéma chinois…
j'ai toujours eu du mal avec JIA zhang ke, cinéaste surestimé à mon avis, et ce n'est pas STILL LIFE qui me fera chagner d'avis.
ses films ne sont pas totalement ratés, on cerne assez vite l'idée de base et il reste souvent un trace longtemps après, mais le propos est beaucoup trop délayé, peu incisif, et cela rend les films ennuyants pour rester poli.
ce STILL LIFE est visuellement plus réussi que les autres, grâce à une photo plus léchée et des décors photogéniques que sont les ruines de villages et bourgades à l'immondice attrayante bordant le Yangzi, par exemple la petite ville de Fengjie (ou bien était ce Fengdu, la ville fantôme).
le problème est que bien que le thème du film m'intéresse, au bout de 3 quarts d'heure on s'ennuie ferme, la faute à un scénario et un script vraiment peu percutants, l'intensité étant une notion inconnue à JIA zhang ke.
la critique sociale et politique y est bien timorée, l'acte le plus téméraire étant de faire un film dans ce cadre là, mais d'autres ont réussi des films bien plus marquants tels que BLIND SHAFT ou même LUXURY CAR.
JIA zhang ke poursuit dans son style peu passionant pour moi, ici sur un thème plus intéressant que par le passé, mais il passe une fois de plus à côté de son sujet et on aurait préféré un simple documentaire au lieu de ce métrage qui se cherche sans réussite.