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3.11/5
Rétribution
les avis de Cinemasie
6 critiques: 2.67/5
vos avis
18 critiques: 3.28/5
Inégal mais pourtant marquant. Une oeuvre de contraste
Après un
Loft plutôt poussif car se reposant trop sur ses lauriers, le spectateur français est en droit d'attendre des nouvelles plus favorables venant de Kurosawa Kiyoshi, lequel nous adresse pour cette année une étrange enveloppe cachetée "Inégal mais plaisant" avec un contenu bigrement intéressant. C'est simple, ça faisait bien longtemps qu'un cinéaste nippon n'avait pas instauré pareille ambiance tout en laissant le spectateur volontairement sur la touche. C'est d'ailleurs le vrai problème Kurosawa Kiyoshi, un problème posé par une volonté d'effacer le plus de preuves plausibles pour faire virer son audience dans le doute, ou créer une chute sans grosses explications, et
Rétribution fait parti de cette catégorie de films là et divisera une fois de plus par son approche vraiment sérieuse du thriller traditionnel rendu inégal par un épisode fantasmagorique pas très bien négocié ou tout du moins rageant. Il est rageant de voir à quel point un climax moite peut se contredire dans la seconde par une femme fantôme certes bien pensée mais carrément risible lorsqu'elle tend les bras comme dans un vieux film de zombies de la Hammer ou lorsqu'elle se déplace sur son tapis roulant. Kurosawa avait pourtant fait le plus dur avec son dernier né : un inspecteur de police enquête sur une série de crimes où les victimes se retrouvent molestées puis noyées dans de l'eau salée. La coïncidence n'est pas la plus grave, car les empruntes digitales, un vieux bouton d'imperméable et des fils en plastique jaunes appartenant à cet inspecteur sont retrouvés sur les lieux du crime. Et pourquoi tant de gens ordinnaires tuent leur proche sans raison apparente ?
Le ton est donné d'entrée avec une séquence de meurtre particulièrement crue et réaliste. On est bien loin du Kurosawa poseur et propre sur lui, Rétribution n'a ni la lenteur ni l'obscurité de Loft : l'image est jaune, sous contraste, le grain est omniprésent voir décuplé lors des flash-back. Il suffit d'un petit quart d'heure pour avoir ses premières frayeurs (bien loin de la suggestion Loftienne) lorsque l'inspecteur Noboru Yoshiaka (excellent Yakusho Koji) scrute d'un regard inquiet les analyses d'empreintes digitales récupérées sur le corps de la victime, lui appartenant, cette inquiétude est due à la non compréhension de la chose et des évènements qui peuvent en découler (suspect?). Ce malaise suscité d'entrée est renforcé par la musique très Kenji Kawaiesque de Haishima (à qui l'on doit la bande-son de Spriggan) et la caméra discrète mais présente tout au long captant le moindre regard, la moindre goutte de sueur. L’art de la surprise, aussi, Kurosawa Kiyoshi s’en sort admirablement bien. Ce qui devait être, aux yeux du spectateur blasé qu’une simple intrigue en parallèle avec comme acteurs un médecin et son fils, se révèle finalement l’une des deuxièmes bonnes surprises : une discussion somme toute banale entre un père et son fils vire au cauchemar d’une immense froideur, non sans rappeler le retournement de situation brutal de l'épilogue d'Election. Un cauchemar sans retour pour l'un, le tout filmé en un plan séquence très théâtral (là où Loft restait concentré sur le réalisme plutôt que sur la théâtralité) avec agonie et résistance de la victime.
C'est à partir de ce moment que Rétribution prend véritablement son envol et l'on s'aperçoit qu'il n'y a pas que l'inspecteur Yoshioka qui est en proie à de désagréables hallucinations. Lors de l'interrogatoire du père devenu en l'espace d'un instant, bourreau de son fils, ce dernier commence à délirer sans crier gare sous la méfiance des interrogateurs dans la mesure où cette scène peut paraître "stratégique" pour un internement possible en hôpital psychiatrique et ainsi éviter les barreaux. Les inspecteurs ne sont pas dupes pourtant au départ, Noburo pense qu'il est concerné par le meurtre de la jeune femme sans en être convaincu (du fait de l'accumulation des preuves l'impliquant), puis accusera le médecin infanticide d'avoir confectionné des preuves de toute pièce pour le rendre suspect, pour ensuite reconnaître que quelque chose ne tourne pas rond surtout lorsqu'il découvrira qu'une jeune femme souffre aussi d'hallucinations. Toujours ce même fantôme, une femme en robe rouge s'apitoyant sur son sort et qui ne souhaite que vivre éternellement aux cotés de Noburo. Si son utilisation laisse place à quelques jolis moments de frisson, elle s'avère souvent inégale puisqu'elle relève de l'épate horrifique plutôt qu'autre chose. Mais cette épate est réussie et l'apparition du spectre n'a rien à envier aux fantômes de Nakata ou de Shimizu en terme d'épouvante : apparition progressive sous d'infâmes hurlements stridents, visage blafard et chevelure noire typique. La mise en scène fait la différence (là où les frères Pang se sont vautrés comme jamais avec The Eye) et hisse Kurosawa Kiyoshi parmi ses meilleurs représentants puisque certaines idées visuelles fonctionnent à merveille, comme le spectre fissurant le mur d'un appartement pour y en sortir, belle figure imagée de la séparation entre le monde des morts et des vivants ou encore cette tentative de sucide du médecin bourreau se jettant par dessus un immeuble de trois étages, le tout filmé en plan-séquence. Marquant.
Mais malgré tout, Rétribution souffre de grossièretés et d'un comique involontaire. On a rien contre lui, mais Odagiri Joe en psychologue, on n'y croit pas une seconde (tout comme ses séances de thérapie). De même que le surjeu parfois trop appuyé d'une poignée de comédiens, dont la jeune femme en seconde partie de métrage en proie à des hallucinations semblables à celles de Noburo. Le cinéaste semble pourtant s'éloigner de son fil conducteur d'origine (l'enquête, les meurtres et leur rapprochement) pour s'éterniser plus longuement sur la partie "fantastique" de l'enquête : Noburo rejette son insigne d'inspecteur de police pour davantage s'attarder sur ses hallucinations, et surtout, les comprendre. Le film perd pourtant en crédibilité lorsque ce dernier commence à se rapprocher du spectre féminin, jusqu'à le toucher et discuter avec comme une victime. Que dire aussi de cette séquence où le spectre s'envole dans le ciel comme un super héros? Au niveau de l'intrigue, le choix de laisser le spectateur sur sa faim est aussi parfaitement louable de la part de Kurosawa (comme il l'a fait avec Loft), mais nous ne relèverons pas le pourquoi du comment. Il faut juste savoir que la surprise ne sera pas au rendez-vous puisque Rétribution est avant tout un exercice de style opéré par Kurosawa, qui trouve racine dans son ambiance suintante et ses révélations intéressantes qui vont crescendo (les derniers flash-back sur le Ferry avec la silhouette de la femme en robe rouge que l'on devine derrière une fenêtre dégueulasse, installe un véritable malaise), totalement à l'opposé de son dernier film. Un changement de ton, un je-m'en-foutisme intégrale sur ce qui est vrai (les meurtres) ou pas (la disparition du jeune flic dans le bac d'eau sale, hallucinante), un suspense parfaitement maîtrisé malgré les inégalités d'interprétation, ce cadre glauque et étouffant, poussant ses acteurs (dont l'inspecteur Yoshiaka) dans la dépression et un stress permanent. Kurosawa semble bien parti pour diviser. Mais n'est-ce pas là, la vraie force d'un cinéaste? Savoir surprendre avec des ficelles classiques, c'est ce qu'on appelle le talent.
Stagnation par le bas
Ce grotesque Sakebi du stagnant (par le bas) Kiyoshi Kurosawa est une bien jolie perle du genre comique involontaire. Avec ses effets cheaps, un Koji Yakusho dépressif, et ces femmes qui flottent, on a l’impression de se retrouver soudain dans une version japanisante de SOS Fantômes. Yakusho côtoie la prestation de Bill Murray à chaque fois que l’autre gros boulet de fantôme vient squatter chez lui, idem quand on le voit dans la foulée s’affaler sur le fauteuil de son psy pour lui déballer ses délires. A nous alors de nous poiler franchement devant des dialogues assez gratinés, puisque le docteur n’aura pour seule réponse qu’un mémorable: « Vous êtes juste un peu stressé… ». Ben voyons. Le film, au scénario inepte, se termine sur le cri silencieux d’un fantôme. On dirait qu’il bâille… imitant ainsi parfaitement la tronche du spectateur lambda, épuisé par tant de bêtise. Cure et Kairo sont très loin.
Original et surprenant
Un film étrange et fascinant parfaitement maîtrisé par le réalisateur
Kiyoshi Kurosawa qui signe une fois de plus (après
Cure et
Kairo) un de ses meilleurs films. J'ai même pensé au
Fight Club de
Fincher à certains endroits (le passage où le flic tente de se suicider devant sa petite amie et qu'elle lui dise qu'il n'est obligé de faire ça....). Le film possède aussi de grands moments (le plan séquence de l'interrogatoire, la première apparition du fantôme habillé en rouge assez flippante...).
Même si certains choix scénaristiques peuvent pararaitre déstabilisant, on reste emballé par l'ambiance oppréssante du film qui ne cesse de surprendre. Peut être un long sur la fin.
Sinon bon film.
The Best of Kiyoshi K.
Après l’énorme déception que fût
Loft, son suivant
Rétribution était attendu au tournant, avec une très mauvaise réputation à l’arrivée (crises de rires généralisés à Gérardmer). Puis, à la sortie officielle, le nouvel opus du "petit" Kurosawa a eu un succès critique qui prouve qu’il est définitivement bien planté dans le paysage cinématographique international.
À l’arrivée, on a affaire à un excellent best-of de toute sa carrière : le polar pour
Cure, la fin du monde avec
Kaïro et
Charisma, le fantôme en rouge que l’on trouvait déjà dans
Door III et
Séance, la société en proie au chaos dans
Vaine Illusion,
Bright Future et
Doppelgänger et aussi le poids de la culpabilité avec ses excellents films de Vengeance. Autant de thèmes réunis dans un film-bilan de 30 années de carrière, dont 15 consacrées au fantastique. Puis n'oublions pas que le héros est joué par Kôji Yakusho, l’acteur fétiche, le double, l'alter-ego (
il est interessant de rappeler que le cinéaste et l'acteur sont nés la même année : 1955).
L’intrigue est plus qu’intéressante. Yoshioka, flic maniaco-dépressif, enquête sur une série de meurtres dont chaque indice le mène vers le suspect idéal, c'est-à-dire LUI-MÊME. Le flic sera hanté par une belle jeune fille en rouge, sorte de fantôme de la victime. Tout ça dans un quartier de Tokyo menacé de la destruction par un tremblement de terre qui inonderait tout sur son passage. Si le film contient ce fameux moment où le fantôme s'envole dans les airs (scène qui a donné lieue aux fameux fous rires dans les festivals, donc à cette réputation sinistre de nanar, ce qu'il n'est pas), le film contient aussi de grands moments de cinéma ; le premier plan sur le premier meurtre (grand moment proche d’un film de William Friedkin), l'interrogatoire d’un suspect, la tentative de suicide en un seul plan de ce même suspect, les flash-backs en Super-8 (format cher à son coeur depuis ses premiers films d'étudiant), le chaos ambiant que l’on retrouve dans les meilleurs films du maître, les scènes avec la fantôme, hypnotique à souhait et également l’avant-dernier, magnifique. Le twist qui, à défaut de ne pas être original, se révèle plus que sympathique (surtout comparé au désastreux
Loft) et très cohérent.
Mais le film n’est pas exempt de défauts. Le contexte scénaristique qui est que le quartier où vit Yoshioka est menacé d’inondation est plus que génial, mais n’est qu’exploité que dans la première partie du film. Mais le plus gros problème est ce tout dernier plan, que je ne dévoilerai pas, où l’on peut se demander ce que le maître a bien voulu nous dire. Surtout après un avant-dernier plan absolument grandiose qui aurait dû ÊTRE le plan final. Malgré tout, si le film n’est pas le chef-d’œuvre absolu (surtout comparé à
Kaïro, à
Cure et à
The Guard from the Underground),
Rétribution est non seulement une excellent synthése sur 20 années de fantastique, de SF et d’horreur, mais surtout un très beau film sur la culpabilité et le pardon. Et il n’y a pas de message plus fort, plus puissant, plus absolu que le fait que le pardon ne mènera pas forcement à la rédemption.