Esprit de groupe
Le troisième film de James Lee est également celui qui va commencer à asseoir son style si caractéristique par la suite. Il va définitivement se détacher du spectaculaire de son premier "Snipers" et de l'expérimental de "Ah Beng" pour développer une vraie histoire à travers un rythme languissant. Très proche du style de Tsai Ming-liang, l'intrigue serait davantage à approcher d'un drame passolinien sous Valium avec sa ribambelle de personnages plus tordus les uns et les autres et renfermant tous des profondes blessures et secrets sus des airs revêches et détachés.
La première heure pose cadre et personnages et jette les esquisses d'une intéressante étude approfondie de l'artiste par rapport à son oeuvre (les personnages du scénariste – incapable de finir ses scriptes – et du peintre) et de l'artistique face au commercial (le peintre, obligé de se plier aux exigences terre à terre de son commanditaire, sans pouvoir prendre aucune liberté par rapport à la représentation d'une réalité).
Arrive un surprenant point de rupture, qui va totalement bousculer aussi bien l'intrigue, que les habituels codes du genre. Plus rien ne sera pareil et les personnages vont révéler des vrais visages pour le moins surprenant.
Malheureusement, cette liberté va nuire à l'ensemble. Ton et rythme sont définitivement rompus et la multitude d'intrigues parallèles va commencer sans forcément se terminer, ni avoir droit à des explications satisfaisantes. Et de renouer avec l'un des défauts majeurs de l'oeuvre de Lee: un trop-plein d'idées, qui pourraient avoir une certaine profondeur, si le réalisateur savait en donner un sens ou vouloir délivrer un vrai message. En l'état, il se contente de se faire entrechoquer maints thèmes sans aucune résolution satisfaisante.
Dommage, car il dispose d'un vrai univers et la toute fin est une jolie réflexion quant à l'éternel recommencement des choses.