Rayon académisme, Im Kwon-Taek a fait fort avec La Pègre, oeuvre gangsterienne qui aurait pu aboutir à un résultat plus flatteur que celui de classique peinture du monde de la mafia (petites gouapes et grands mafieux) durant la fin des années 50 avec l'opposition coréenne Nord (URSS) Sud (USA) et le régime politique au pouvoir utilisé par les milices pour leurs agissements. Le film est aussi relativement sombre, sec et brutal notamment dans sa représentation de la violence dont certains affrontements au corps à corps n'ont rien à envier au cinéma d'action Hongkongais. Le mélange de critique sociale et de pure spectacle d'action assure un certain intérêt pour le spectateur lambda, d'autant plus que le cinéaste évoque les premiers moments du cinéma à cette époque en Corée où l'on parle déjà de censure dans une séquence où il est impossible de rendre plus crue le shoot d'une scène d'amour. Le film est en revanche intéressant d'un point de vue thématique puisque l'on se croirait dans un véritable studio de cinéma, avec les projecteurs rangés sur les côtés ou autres fils de contact, mais ces petits détails ne sont là que pour marquer la visibilité de l'industrie cinématographique coréenne : la déclaration d'amour au cinéma n'atteint pas la grandeur d'un film comme Le Mépris de Godard, toujours est-il que l'on se demande même si Im Kwon-Taek a voulu marquer le coup en appuyant son récit par de nombreuses séquences de tournage. Outre le fait que La Pègre semble être l'un des projets les plus personnels d'Im Kwon-Taek, en partie pour les raisons citées, il reste techniquement d'une banalité assez étonnante. La mise en scène n'est jamais surprenante et ne se repose que sur un montage sec pour dynamiser les scènes d'action filmées caméra sur épaule. Rayon interprétation, on reste dans la bonne moyenne et les personnages sont suffisamment creusés pour intéresser, mention à la belle Kim Min-Sun. Tout compte fait, si La Pègre n'est pas des plus captivants, c'est peut-être parce qu'il ne développe pas assez ses thèmes aussi bien sociaux que politiques. Au rayon des fresques gangsteriennes étalées sur plusieurs années on ne conseillera jamais assez le chef d'oeuvre absolu du genre, Il était une fois en Amérique de Sergio Leone.
On pourrait évoquer longuement les raisons qui font de la Pègre un projet très personnel d’Im Kwon Taek. Dire par exemple que le cinéaste souhaitait recréer le temps de quelques scènes les débuts de l’industrie cinématographique coréenne qui connut un âge d’or durant les années 60. Que le film suggère la fascination de la jeunesse de l’époque pour le cinéma hollywoodien et le mode de vie occidental et son désir d’oublier l’instabilité de son temps dans l’insouciance fêtarde. Rajouter que le regard d’Im Kwon Taek sur les années 1957-1972 est d’une noirceur totale. Le film dépeint une pègre présente à tous les échelons de la société grâce à ses liens avec le monde politique et économique, la police et l’occupant américain. Et le pessimisme du cinéaste n’épargne pas non plus la contestation des pouvoirs en place en laquelle il ne semble pas croire. Mais tout ceci ne saurait faire oublier que, s'il demeure très au-dessus du tout-venant coréen actuel, le film est un Im Kwon Taek décevant. La Pègre est en effet une tentative inégale de Ivre de femmes et de peinture mafieux. Im Kwon Taek reprend à l’identique le dispositif narratif et formel de ce film-là : le peintre est remplacé par un jeune gangster utilisant l’instabilité politique de son temps pour s’élever au sommet et la peinture par la baston. Et le cinéaste parvient d'ailleurs à insuffler une vraie dynamique aux scènes d'action du film. D'une extrême précision, la maîtrise formelle du film franchit quant à elle par moments la frontière entre refus de l’emphase porteur de noirceur et maîtrise trop froide. Reste que le film contient assez de très beaux moments de cinéma (les scènes de boite, les scènes de tournage...) pour être maintenu à flots. Le scénario prend aussi comme personnage principal une figure d’antihéros plutôt que les bâtisseurs d’empire mégalomanes qui ont peuplé les plus grandes sagas mafieuses. Mais cela n’excuse pas la psychologie sommaire de ce personnage qui n’est du coup jamais un minimum attachant. Sans offrir de prestation aussi mémorable que celle de Choi Min Sik dans Ivre de Femmes et de Peinture, Joi Seung Woo compense un peu ce défaut par son talent d'acteur et son énergie dans les scènes d'action. Qui plus est, tous les thèmes mentionnés plus haut auraient mérité un développement plus conséquent, développement que ne permet pas la durée trop courte du film. Et à force de multiplier les évènements et les personnages sur cette durée le film semble parfois embrouillé et difficile à suivre. Une fois le générique terminé, c'est du coup la déception qui prédomine...
Avec la pègre, Im Kwon Taek, le maître, qu’on voudrait transformer en une espèce d’ambassadeur culturel (le pansori, la peinture) se penche sur un sujet moins ‘exotique’, moins lisible que pour ces derniers films, avec ce même souci d’embrasser toute une époque au travers d’un personnage.
Reste que le dispositif est le même, Tae-won est le pendant de Kim doo Hwan ‘le fils du général’. Tous deux orphelins, livrés à la pauvreté sous l’occupation japonaise mais de noble extraction…le premier est le fils du célèbre résistant mandchou, le second adopté par un véritable 'Sone-bi' confucéen.
Sans doute c'est cette noblesse qui les guide tous les deux pour surnager et à se forger à coup de poing dans la Corée moderne.
Il y aussi toujours ce ‘presque’ frère qui choisit une autre voie, plus politique pour s’exprimer. (des critiques éclairés y verront un parallèle avec la situation de la péninsule)
Mais si Kim doo hwan est le dernier héros contemporain coréen, que son histoire traverse le siècle depuis la colonisation jusqu’à la dictature militaire (héros bien réel …gangster puis homme politique), Im en a fait un personnage presque mineur.
Et il faudrait que ça fonctionne presque à rebours pour la Pègre, le héros ‘low‘ -c’est la leçon des ‘Affranchis’- doit incarner l’époque, en mode majeur.
On voit pourtant mal comment rendre cela possible sans justement ‘incarner’ un peu plus son héros à l’écran.
Tae-won est apolitique, brutal à l’image du monde qui l’entoure. C’est une espèce de ‘coquille vide’ dont les autres viennent constamment compléter ou contredire la définition.
La déclinaison est presque navrante …c’est un fils, un frère, un mari, un ami, un chef, un ennemi....états auquels correspondent autant de personnages secondaires et de scènes.
Et si son itinéraire chaotique, furieux ressemble à celui de la Corée dans le miracle économique, c’est partiquement impossible de le suivre dans la production, l’immobilier véreux, les embrouilles d’anciens combattants. On en vient presque à chercher comme dans les tv-dramas historiques coréens les sous-titres sous les personnages. Ici " ‘Oh Sang-pil’ chef du gang sato 1970-1980..", là "Mr Park directeur de la KCIA..".
De même, si pour le héros ' low', l’espace privé doit se confondre avec le public et que la métaphore est belle (le plan aussi), je ne crois pas qu’on traverse une manifestation politique au bras de sa femme enceinte comme on traverserait le siècle.
Reste donc à chercher ‘ce souffle’ dont on parle chez IM et nul doute que le maître est à l’œuvre. Le film est de bonne facture, économie de mouvement et un montage cut frénétique, poursuite de toute beauté, des combats frustes, bestiaux
.... accélération du destin et chute…
ou son corollaire, comme pour cet ami handicapé, la perte de virilité.
Le gros problème de ce film, c'est qu'il passe vraiment trop rapidement sur les événements ; pas d'approfondissement sur les révoltes ; on entrevoit à peine les raisons des manifestations de l'opposition et des étudiants, car finalement, les événements se succèdent beaucoup trop rapidement ; au début du film, les scènes passent de l'une à l'autre sans qu'on ait eu le temps de saisir le lien entre les elles. Tout cela car le film ne dure qu'1h40 et que le réalisateur a tenu à parler de près de 30 ans d'histoire coréene, ce qui semble un peu ambitieux et téméraire.
Ce qu'on peut féliciter sur ce film, ce sont les moyens employés pour tenter de coller à l'atmosphère de cette époque, avec des décors ayant nécessité un an de travaux et la volonté d'assimiler intimement l'histoire du personnage principal avec les grands événements qui ont bouleversés la Corée. L'histoire reste cohérente et le personnage principal, bien qu'étant une crapule, reste attachant quand on voit comment il essaye de se racheter. Côté action, c'est bien coordonné, rien à redire là dessus ; c'est même un des trucs les mieux faits du film (avec les décors), le réalisateur ayant choisi le style réaliste plutôt que l'esthétique, ce qui correspond donc mieux à un film se voulant parler honnètement d'une époque houleuse ; enfin heureusement quand même que le film ne repose pas dessus.
Au dela de la mise en scène assez désagreable au début, le film commence à ralentir sur le tard pour chercher à mieux raconter la nouvelle vie du héros, ce qui fait finir le film sur une note plutôt agréable quand même. Egalement le film a le mérite de vouloir parler de nombreux sujets taboos auparavant, comme la corruption et la censure, bien montrée dans la scène ou l'on voit le personnage se faire refuser la sortie de son film à cause de scène trop érotiques, et de critiques du gouvernement et de l'armée américaine.
C'est bien dommage que ce film soit trop court ; dans le même genre, il n'atteint vraiment pas le niveau d'exception de Friend et aurait plutôt du être sorti en une trilogie ou une série TV, ce qui aurait mieux permis de développer tous les thèmes. De plus on a franchement du mal à voir les personnage vieillir sur 20 ans (aucun morphing, Kim Min-Sun garde son visage de 25 ans jusqu'au bout). Intéressant pour son sujet mais bien trop rapide.