Pénétrant et peu ordinnaire.
Le dernier film de Pen-Ek Ratanaruang s'inscrit dans la veine de la logique du corps et dans sa représentation dans l'espace, un 40m² d'un hôtel plutôt chic, des corps qui se croisent, se provoquent jusqu'à exacerber la jalousie et ses conséquences, la femme de Wit, jalouse de Ploy, une gamine qui dit avoir 19ans, la tuera le temps d'un rêve. Les rêves font d'ailleurs partie intégrante du récit, Ratanaruang réussissant à nous surprendre en mêlant chimère et réalité le temps de deux plans trois mouvements. Le film se veut-il un hommage à la contemplation? Un hommage aux corps qui se fondent dans un décor froid, mystérieux, théâtre de toutes les rencontres possibles, comme ces aventures sexuelles d'un barman et d'une femme de ménage qui a soigneusement préparé la venue de son homme avant de passer aux choses sérieuses. Le film évoquera d'ailleurs de manière récurrente le plaisir du corps et de la chaire, en cachette, une première pour un cinéaste qui avait jusque là caché l'acte sexuel. Dans Ploy, cet acte est primaire, simple, mais filmé sans rentrer dans la complaisance ou le voyeurisme malsain. Certes le spectateur est en contact rapproché avec ce qu'il voit sous ses yeux, et encore plus lorsqu'il est acteur de ce qui se déroule à l'hôtel comme les prises de bec du couple, marié depuis 8 ans, qui remet en doute leur amour. "Tu ne me dis pas assez "je t'aime"" confie Dang, l'épouse, au cinéaste alors de faire preuve d'humour en cassant les codes d'une mise en scène déjà connue chez Weerasethakul, Tsai Ming-Liang ou encore Tarkovski, et en tombant avec joie dans l'humour le plus simple qui soit, le temps d'une réplique bien placée.
Au rayon personnages, Ploy aurait gagné à être davantage développée par le cinéaste. Lorsque cette dernière trouve un sachet de drogue dans un produit cosmétique quelconque, on la voit s'en emparer mais nous ne verrons pas ses effets. A t-elle utilisé de cette substance? Le cinéaste ne dit mot, tout juste la gamine tombera de sommeil quelques minutes plus tard, mais point d'état d'extase ou de transe, juste un somme. Wit, l'époux, représente l'image du salarié correctement placé dans la société, vivant aux Etats-Unis mais de retour dans son pays natal pour des funérailles. Quant aux deux asticots qui copulent gentiment dans une autre chambre, ils ne sont que le reflet du bonheur, un bonheur que ne trouvera pas Wit et sa femme, pourtant plus stables car forts de huit ans de mariage. Le film est aussi une parabole sur le vide aussi bien spatial que sentimental, ce vide se retrouvant imagé par des décors épurés à l'extrême, dont la caméra de Ratanaruang réussit à capter l'essentiel : les courbes, les textures, cette impression de doute et de vertige. Et si l'on peut regretter le goût de la pose trop souvent prononcé, elle n'en demeure pas moins motrice des prétentions du film. Le laisser-aller, en gros. Cette caméra lente et pénétrante, ce mixage sonore démentiel, au même titre que le superbe Syndromes and a century en moins contemplatif mais tout aussi mystique dans l'approche de la représentation du corps. Certes il n'est pas exempt de longueurs, mais Ploy demeure suffisamment accrocheur pour digérer ses influences avec succès et remporter les suffrages auprès des amateurs de cinéma bizarre.
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Après le relativement terne
Vagues Invisibles, Ratanaruang se la joue moins « auteur chiant » en signant ce huis-clos très mature sur l’usure du couple, à la fois drôle et profond, en s’appuyant sur des valeurs sûres : des dialogues très bien écrits qui sentent le vécu, des situations propices à des sentiments virulents comme la jalousie et la colère, et surtout un trio d’acteurs remarquable. En effet, Lalita PANYOPAS se surpasse en femme délaissée et fatiguée mise à l’épreuve par son mari, tandis que Pornwut SARASIN excelle avec son air désintéressé et manipulateur. Mais LA révélation du film, c’est bien cette stupéfiante Apinya SAKUJAROENSUK qui joue le rôle de Ploy, une adolescente toute mimi et très désirable qui va mettre la pagaille dans le couple avec une innocence et un sans-gêne illimités.
Même si la scène finale dans le hangar désaffecté un flingue à la main n’est pas franchement convaincante, il reste largement de quoi se délecter avec cette confrontation amoureuse perdue dans l’espace-temps du décalage horaire.
Rassurant pour Pen-Ek Ratanaruang
Invisible Waves n'avait pas convaincu les spectateurs comme les précédents films de Pen Ek Ratanuaruang avaient su le faire. On sentait comme une dérive "auteuriste" dans ce film nettement plus lent et pesant, malgré des qualités certaines. Si
Ploy confirme le virage pris vers un cinéma plus posé et porté sur les ambiances dépouillées, son scénario rassure sur la capacité du réalisateur thaïlandais à progresser dans sa courte carrière.
Car si le rythme reste très lent et l'esthétique très léché, le propos du film fait preuve d'un humour permanent assez réjouissant, même s'il est assez critique sur les relations amoureuses modernes. Mais c'est justement cette approche loin des clichés qui donne sa force au film et évite de tomber dans cet auteurisme de festival qui a touché bien d'autres réalisateurs. Le choix d'un hôtel permet tout comme le bateau d'
Invisible Waves de faire se croiser plus facilement les personnages et de le mettre dans des situations intéressantes.
Au final, s'il ne faut pas chercher dans ce
Ploy un retour au ton très léger et vivant de
Monrak Transistor, on se satisfera du ton moins prétentieux trouvé par Pen Ek Ratanaruang. Rassurant donc.
Une réussite
Que demande t-on à un film, sinon de nous captiver et de nous faire voyager ?
Ploy (2007) le sixième long-métrage de
RATANARUANG Pen-ek , atteint largement ces deux objectifs, et est à ce titre un très bon film.
Dans ce huis clos situé dans un hôtel de luxe de Bangkok, le réalisateur joue durant près de deux heures avec le rêve et la réalité, les fantasmes et l'usure d'un couple à bout de souffle, la jeunesse et le temps qui passe…
Et c'est avec un talent reconnu que Ratanaruang ne dévoile la trame de son histoire qu'au fur et à mesure, à travers une succession de tableaux magnifiques, et ce dès les premières minutes.
Les acteurs sont excellents, et il y à fort à parier qu'
Apinya SAKUJAROENSUK , qui incarne Ploy, fera à nouveau parler d'elle.
En revanche, Pen-Ek Ratanaruang a raté la fin de son récit. Et justement, c'est lorsque Ploy disparaît et que l'histoire se déplace en dehors de l'hôtel qu'on n'y croit plus vraiment.
Mais
Ploy reste un film très envoutant, à déconseiller toutefois aux amateurs d'action débridée.
moué
Un film tout plein de "mais".
Une ambiance douce très bien exploitée dans la trame principale, mais parasitée par des narrations parallèles guère convincantes et surtout très inutiles.
Un flash (de ma part) qui aurait pu expliquer la présence des suscitées scènes parallèles - juxtaposition de deux shémas totalement inversés (personnages définis dans une situation ouverte et flou d'un coté, personnages énigmatiques dans une situation stéréotypée et clairement définie de l'autre), reste à savoir comment relier les deux -, mais qui rapidement ne tient plus la route (on me reprochera pas de ne pas faire d'efforts).
Des belles images et un film dans l'ensemble soigné, mais sans réelle personalité.
Une situation intéressante et des personnages intrigants, mais une conclusion qui tient du je m'en-foutisme total.
Pour finir, un film pas forcément déplaisant ni rien, mais qui jamais ne fait mine de décoller un tout petit peu.
Ploygirl
Pen-Ek est fatigué. Il en joue et en souffre en même temps. "Invisible Waves" était un pur film de commande pour tenter de réitérer le succès de son précédent (coup de maître) "Last Life in the universe". Le film était raté, mais Pen-Ek s'y intéressait à un état très particulier, celui de l'état somnambule de son personnage principal. Las de ses incessantes tournées promotionnelles autour du globe (et je puis en témoigner), il a tenté de retranscrire cette notion d'état secondaire dû au décalage horaire, linguistique et culturel; assurément la partie la plus réussie du film.
Pour les besoins de "Ploy", il reprend personnellement les rênes de l'écriture de scénario…et creuse encore davantage cette fatigue personnelle en la transposant dans les recoins feutrés d'un grand hôtel. Pas difficile de s'imaginer à quel moment il a dû avoir l'inspiration pour cette histoire ultra-simpliste – et des curieux inserts fantasmés. S'en dégage une atmosphère unique ouatée, qu'on souhaiterait presque enveloppé dans des doux filtres par un David Hamilton au sommet de son art dans les années 1970. Viennent d'ailleurs se surajouter – à point nommé – des très curieuses scènes de sexe uniquement pour assurer une réputation sulfureuse, tant elles tombent comme un cheveu sur la soupe. Dans le rôle du couple batifolant, Ananda Everingham (le photographe de "Shutter" et pas moins de trois fois représenté au Festival de Cannes avec ses "Me…Myself" et "Pleasure Factory") et Porntip Papanai (le méchant fantôme dans "Ghost of Mae Nak", mais aussi une croquante "hawaïenne" dans une des nombreuses pubs avec Antoine) s'en donnent à cœur joie dans quelques positions plus ou moins offusquantes pour un public…avant tout thaï. Aucun intérêt. Tout comme l'espèce d'intrigue policière à se surajouter en fin de métrage, comme si Pen-Ek doutait de pouvoir tenir sur la durée avec son seul rêve fantasmé. Pas assez crédibles, ces scènes s'intègrent également mal dans la première partie et se font s'écrouler l'entier film.
Restent quelques belles images et moments sulfureux dans une œuvre très inégale, qui sent la fatigue de son réalisateur à plein nez. Va vraiment falloir se reposer et prendre du recul de tout l'engouement pour sa petite personne pour avoir un jour la chance de se renouveler…