Pas mauvais mais froid, lassant, sans âme.
Pas foncièrement mauvais en soit, Paprika s'avère non seulement assez superficiel voir paresseux dans sa narration surtout quand on connait les autres oeuvres de Kon, en particulier Perfect Blue dont il se rapproche beaucoup sans parvenir à nous balader comme celui-ci savait le faire, mais de surcroît, le traitement visuel plutôt disparate n'offre rien de foncièrement original et manque dangereusement d'une véritable portée onirique. L'utilisation d'ombrages pas toujours heureux (trop Illustrator-like à mon goût) et surtout de 3D texturée pour pas mal de décors renforcent encore un sentiment de travail méthodique qui manque d'une liberté à priori omniprésente avec un thème si porteur que le rêve et son exploration. Au contraire, les décors assez froids accompagnent des thématiques visuelles en forme de repiochage d'autres oeuvres (Otomo et Oshii inclus mais aussi Peter Pan, Pinocchio, bref, rien de bien nouveau) et un récit assez linéaire malgré les changements fréquents de dimension, une enquête policière très classique qui s'appuie sur des personnages peu impliquant eux aussi déjà vus maintes fois auparavant. Au final, d'idées créatives convaincantes, il n'en reste qu'une tout bien considéré, chaque moment où les corps se ramollissent lorsqu'il passe d'un état à l'autre ou intéragissent au delà des limites matérielles. Cet effet nous offre les passages les plus probants ou réalité et rêve fusionnent au travers de portes maléables et de corps dématérialisés, mais ne suffit pas à nous emporter. Paprika finit par décevoir autant thématiquement que visuellement ne sachant comment pénétrer l'âme de ses personnages et s'envoler vers la rêverie créative et ne s'avèrant réellement dépaysant que pour son rêve d'introduction et sa partie finale plus endiablée, moment où les clefs de l'histoire sont malheureusement déjà toutes connues.
ps : la bande son tendance electro pop option chorale fait malheureusement elle aussi déjà datée tout comme une bonne partie des phases d'animation, le défilé en première ligne qui même si il est techniquement irréprochable est lui aussi tout sauf original.
Bon trip visuel
Pas grand chose à ajouter par rapport à tout ce qui a déjà été dit en bien de ce film. Très bon spectacle fascinant dans le monde du rêve. La dualité du personnage principal est très bien exploitée et le défilé est impressionnant et grandiose. La musique colle parfaitement au film et on est vraiment porté dans ce délire visuel magnifique. A ne pas rater, vraiment.
28 février 2007
par
Elise
Réminiscence sucrée
En dépit de ses nombreuses qualités, évidentes, Paprika n’apporte pas grand chose de neuf à la filmographie de Satoshi Kon. Il avait déjà, en mieux, mélangé le rêve au réel et perdu le spectateur dans une narration magistrale, passant de l’un à l’autre avec une fluidité confondante de génie et de simplicité. Dans Paprika, les dessins des personnages sont parfois discutables – entendez par là : moches – et les enchaînements un peu trop foutraques, à peine sauvés par un scénario malin faisant se succéder à vitesse grand V éléments comiques, révélations et autres rêveries colorées. On s’amuse, on passe un bon moment dans ce grand huit hystérique, ludique, mais à l’émotion par trop absente. Les recyclages ternissent le tableau : Paprika sautille comme le clone de Mima dans Perfect Blue, une femme court comme la belle Chiyoko de Millenium Actress, trop brièvement d'ailleurs pour nous emporter avec elle ; quant aux tourments existentiels d’un inspecteur de police et à l’invasion d’une entité démoniaque dans la grande métropole, ils évoquent clairement la très riche série Paranoïa Agent. La dernière œuvre en date de Satoshi Kon n’est donc juste "qu’un" (très) bon divertissement, c’est déjà (très) bien, mais resterait presque de l’ordre de l’anecdotique au sein d’une telle filmographie.
Fascinant et inaccessible.
Kon Satoshi revient en force après trois ans d'absence des grands écrans pour nous délivrer sa dernière trouvaille/recherche/expérience/folie qu'est Paprika, titre aussi simple dans la forme que terriblement complexe dans le fond. Un métrage démesuré, extraordinaire de fluidité mais qui trouve ses défauts dans une trame scénaristique tellement complexe qu'elle en devient difficilement accessible pour les newbies de la filmographie du cinéaste et pour les étourdis tout court. Car en effet, derrière une esthétique très simple mais raffinée se cache l'ombre d'un thriller tiré par les cheveux, complexe mais jusqu'au-boutiste, n'hésitant pas à tomber dans l'autocitation pure et simple où l'on retrouve les affiches de Millennium Actress et Tokyo Godfathers sur l'enceinte d'un cinéma, et qui se permet même de citer un grand nom du cinéma bizarre qu'est David Cronenberg avec des séquences hallucinantes où les corps s'entremêlent et où l'agent transperce un écran de cinéma à la manière de James Woods dans Videodrome.
C'est en cela que Paprika est un pur long-métrage organique (des corps qui fusionnent, se découpent, se désintègrent) au service de solutions visuelles étonnantes, teintées de séquences métaphysiques et métaphoriques que l'on décèle mais que l'on n'arrive pas forcément à comprendre ou expliquer. C'est là toute la force de l'oeuvre de Kon, car au delà d'un scénario profond (l'étude des rêves) subsistent des clins d'oeil légers et agréables rappelant sa filmographie. Perfect Blue en premier lieu lors des séquences où Atsuko Chiba discute avec son "double onirique" Paprika grâce au reflet renvoyé par la vitre d'un métro, Millennium Actress pour son chamboulement temporel inouïe et cohérent ; les amateurs de Kon arriveront aussi à déceler quelques morceaux musicaux quasiment repris ici à la note près (merci encore une fois à Hirasawa Susumu). En parlant de musique, le générique d'intro à base d'électro et de pop figure parmi l'une des plus grandes réussites du cinéaste de part son punch incroyable et son ivresse rythmique presque éprouvante. Merci au montage sec et à l'avalanche de moments indescriptibles (les meubles et autres objets qui défilent en fanfare, non sans rappeler la marche des zombies, démons et squelettes des Tanuki de Pompoko), nous rappelant que Kon Satoshi a plus d'un tour dans son sac pour épater son spectateur. On est peut être maintes fois perdu, mais comme les énigmes d'un donjon de Zelda, la solution est toujours évidente.
Esthétique : 4/5 - Si les mouvements sont moyennement décomposés, la richesse visuelle épate.
Musique : 4.25/5 - Dans la grande lignée déjantée de Millennium Actress, la bande-son étonne par sa singularité.
Scénario : 4/5 - Carrément pas facile à aborder, le scénario fait tout de même preuve d'une profondeur étonnante.
Manque de sel ?
Très attendu par tous les amateurs d’animation depuis l’annonce du projet, Paprika signe donc le retour de KON Satoshi sur grand écran après l’expérience TV réussie avec sa série Paranoïa Agent. En trois films (Perfect Blue, Millennium Actress, Tokyo Godfathers) et une série TV, KON aura réussi à se tailler une place importante dans le paysage de l’animation japonaise et mondiale.
Autant être clair tout de suite : si Paprika est visuellement réussi avec un histoire taillée sur mesure pour KON, la narration – point fort de ses précédents films – déçoit. C'est le plus gros budget dont il ait bénéficié jusque maintenant (c'est à dire 5 à 7 fois moins que les blockbusters animés des "maîtres"), celui où il y a le plus d'éléments animés par plans, le plus "flashy" visuellement et, de l’aveu même du réalisateur, le film qui l’a « le plus épuisé de sa carrière » (temps de production dépassé et budget fort probablement aussi), et c’est sans doutes la raison de ce déséquilibre. Malgré la frénésie d'imbrications des niveaux de réalités dont fait preuve Paprika, on n’a pas le sentiment de se faire balader comme dans ses autres films. Perfect Blue menait son spectateur - qui avait toujours un métro de retard sur l’intrigue - par le bout du nez et le sens du suspense y était parfaitement maîtrisé. Millennium Actress faisait de même dans un registre plus romanesque. Idem pour Paranoïa Agent qui fonctionnait, de plus, comme une « œuvre somme » où le réalisateur revisitait et approfondissait formellement et thématiquement ce qu’il avait ébauché auparavant sur grand écran (la question de notre rapport à la réalité et toutes les thématiques connexes). Sur ce terrain Paprika n’apporte rien de nouveau et forcément, un sentiment de répétition se fait sentir pour peu que l’on soit familier du travail de KON.
Le visuel ayant pris le pas, l’intrigue ne fait pas preuve de l’efficacité habituelle chez le réalisateur : bifurcations scénaristiques prévisibles et suspense très discutable alors que Paprika se range manifestement dans le registre du thriller (onirique) d’anticipation. De la même façon, l’implication émotionnelle suscitée est aussi en retrait par rapport à ses autres travaux, les personnages étant tous traités un peu au même niveau et d’une façon relativement superficielle (et ce malgré les allégories oniriques parfois faciles) ... pour du KON.
Une déception très relative donc pour une critique « à charge » qui ne doit pas masquer le plaisir ressenti à visionner Paprika. On attend forcément toujours mieux d’un tel réalisateur, et sûrement que les spectateurs découvrant son travail avec ce film n’auront pas exactement le même sentiment. Mais indéniablement KON se répète, se fait plaisir visuellement mais se répète. Ne plus avancer c’est un peu reculer.
18 octobre 2006
par
Astec
Avancer avec résilience en prenant ses responsabilités (le personnage de l'inspecteur), la science aux mains d'hommes mégalomane et égoïste. Laisser les gens rêver en paix (!) dans le sens où ils sont une certaine forme de laché prise à analyser ou non. Ne pas pas confondre rêve et réalité. Telles pourrait être les thèmes de "Paprika", suivant mon interprétation d'un premier visionnage. Le tout montré à travers un "beau livre d'images".
21 septembre 2020
par
A-b-a
ATTENTION PEPITE !
Le scénario de PAPRIKA illustre avant tout le don inimitable de Kon pour mettre en place des univers (cf MILLENIUM ACTRESS et PARANOIA AGENT)
lui permettant une narration visuelle inventive, truffée de sous textes plus ou moins éloignés des enjeux d'une intrigue centrale au demeurant tout à fait prenante. Satoshi Kon voulait transformer le style littéraire unique de Yasutaka Tsutsui en un média visuel en laissant libre cours à son imagination, le résultat est juste sublime.
Dédoublement de la personnalité, schizophrénie, confusion entre plusieurs niveaux de réalité, jeu sur la structure et les archétypes du polar, gout prononcé pour les marginaux et les sociopathes, parodies subtiles et tendres de genres cinématographiques populaires... Sauf que cette fois Kon l'explore à travers la sci-fi, un genre inédit pour le cinéaste. Du grand art !
bien bien
je sais pas ce qui m'a pris de regarder ce film. je suis tombé dessus et je l'ai regardé comme ça, et quelle surprise. ce film est génial. Le sujet sur les rêves est génial, la musique:rien à redire. Les dessins sont bons. En gros y a tout ce qu'il faut pour faire un bon film d'animation.
Je reviens sur la musique qui est géniale et qui s'intègre vraiment au reste du film.
donc c'est vraiment à voir.
Il est vrai que PAPRIKA présente une esthétique onirique prenante, mais la qualité de l'animation n'est pas extraordiaire non plus, et surtout je ne suis vraiment pas rentré dans le récit, assez répétitif, confus et finalement lassant. Résultat, je suis donc passé totalement à côté du film, ayant simplement apprécié quelques jolies séquences (on est très loin d'un GHOST IN THE SHELL innocence par exemple pour la scène de carnaval).
La science des rêves
Comme un rêve que l'on a fait sans se rappeler les détails mais étant persuadé que ce fut un beau rêve. Eh bien "Paprika" c'est un peu ça. Une veritable expérience dont il me serait incapable de donner une opinion subjective pour l'instant tant que je ne l'aurais pas vu et revu.
Par contre je une chose dont je suis sure, c'est que j'ai pris une grande claque.
Dans le monde des rêves...
Après un début où il est difficile de discerner le réel et l'immaginaire, l'histoire prend ses marques, et on passe un bon moment surtout devant les délires que permettent les rêves.
Ceci-dit je trouve Paprika, inférieur aux autres films KON Satoshi, il manque des ingrédiants dans la recette, de l'émotion, des personnages plus attachants, une peu plus d'humour et puis j'ai été deçu de l'histoire finalement assez basique dans son déroulement.
J'ai parfois pensé à un épisode de Ghost in the Shell SAC en voyant certaines séquences, au niveau du charra design notamment.
En tout cas les scènes d'action sont assez extraordinaire, Paprika passe dans les tableaux, les affiches, les télévisions, la scènes d'ouverture.
Un bon momment mais un film qui laisse un gout mitigé lorsque l'on connait le travail du réalisateur.
Dream
Inhabituel de la part de Satoshi Kon, Paprika reproduit dans une certaine mesure les mêmes scories qu'Existenz de Cronenberg, toujours faire coller une image et son explication, et faire que cette explication vienne en annuler la portée même. Presque, car dans la seconde partie du film, il est enfin possible de laisser tournicoter ses yeux dans un carnaval d'images joyeuses et primesautières (voir comment Paprika bascule d'un plan à l'autre) traduisant une esthétique de surabondance et de générosité qui subsiste chez Kon. là où tout devient aride et sec chez Cronenberg. Un peu à la manière de ses personnages, parvenu aux limites d'un rêve si bien qu'il en considère ses dimensions théoriques au point de perdre l'harmonie que pouvait revétir ses oeuvres précédentes, notamment Millenium actress, beau à pleurer, Satoshi Kon se situe désormais au carrefour des possibles du cinéma. On suivra alors encore, les yeux grands ouverts, le tracé de ses rêves éveillés.
La science de la fiction
Incroyable mise en abîme de l'oeuvre de Satoshi Kon, voire même du genre cinématographique en lui-même et des limites de la perception entre réalité et fiction.
Il faut suivre les conseils de son auteur et tout bonnement arrêter de chercher à comprendre le film à sa première vision et plutôt se laisser emporter par le tourbillon d'images et d'émotions qui assaillit autant les personnages du présent anime, que le spectateur en lui-même. Toutes les pièces du puzzle finissent finalement par s'assembler en une conclusion peut-être un brin classique, mais parfaitement explicitée. Toute vision supplémentaire apporte le restant des clés de l'énigme.
Kon a d'ores et déjà annoncé cesser là son exploration entre els frontières entre réalité et imaginaire; pourtant, s'il pouvait accoucher d'une autre oeuvre d'une telle force, je ne dirai pas non!
Entrez dans le monde de Satoshi Kon
Paprika a tout du film concept et pourtant il est avant tout un divertissement expansif et généreux. On sent un enthousiasme fou dans cette œuvre à la limite d’une euphorie perpétuelle. Totalement communicative. Si bien que le film paraît accessible à tout public n’ayant pas peur d’un grand huit cinématographique.
Si l’on voulait vraiment chercher à redire, juste pour essayer d’échapper momentanément au torrent de superlatifs et aux onomatopées d’extase un peu primitives qui viennent immédiatement après sa vision, on pourrait asséner que le film est victime de son système qui prend souvent le pas sur l’émotion. On pourrait. Mais non. Il serait de trop mauvais esprit de juger le film sur ce qu’il n’est pas, sur cette facilité évitée d’aller directement aux classiques raccourcis sentimentaux. Car Paprika n’est pas dénué d’émotion, celle-ci est juste distillée habilement au milieu d’un incroyable tourbillon de sensations.
La séquence prégénérique très depalmienne dans sa proposition de « matrice originelle » (comme le plan-séquence de
Snake Eyes elle sera décortiquée par la suite, mais ce n’est ici qu’une partie du film !) laisse place à un magnifique générique où Paprika virevolte dans la ville telle le double de Mima sur la musique de Susumu Hirazawa, qui prend le risque de la techno-pop entraînante et acidulée.
Dès l’ouverture, le programme est annoncé : « it’s showtime ! »
On a souvent reproché à Satoshi Kon de réaliser des films réalistes qui pourraient tout aussi bien être faits en prises de vues réelles. Mais il profite au contraire pleinement de la spécificité de l’animation, pour rendre avec aisance ses idées visuelles qui dans un film
live seraient phagocytées par les effets spéciaux. Car dans l’animation, même avec un fond réaliste, chaque distorsion physique, chaque intervention imaginaire, est acceptée car le pacte du « tout est possible » est implicitement passé avec le spectateur.
Satoshi Kon est un véritable auteur et l’on n’a pas attendu ce dernier film pour le constater. Avec relativement peu de films à son actif, il a déjà constitué une véritable œuvre. Et dans le sommet jubilatoire qu’est
Paprika on reconnaît ici ou là des ingrédients tirés d’anciens opus sans que jamais cette récurrence se fasse répétition inutile.
On retrouve beaucoup de
Paranoïa Agent; néanmoins, et c’est une des surprises, délesté au maximum de l’observation sociale avisée qu’on lui a connu depuis ses débuts. Bien sûr, les personnages sont ancrés dans un Japon contemporain - notamment un génie de l’informatique presque otaku - mais jamais l’observation de ses contemporains ne prime sur l’intrigue et ce besoin constant d’aller de l’avant, de raconter. Le récit pour le récit, la mise en abyme sans cesse renouvelée, multipliée, le plaisir des pièges, de la manipulation, de l’illusion, tout concourt ici à donner pour sujet le cinéma en lui-même, la manière de raconter des histoires avec des images en mouvement et des sons, à la sauce Satoshi Kon. Sa série télé nous donnait à voir un panel de personnages « réveillés » par un mystérieux protagoniste armé d’une batte. Ici, on a au coeur de l’histoire la facétieuse Paprika, qui parcourt les rêves en apportant son aide, non pas pour littéralement réveiller les gens, mais pour éveiller le lien avec la réalité, sans jamais donner une solution clé en main comme dans un banal film policier. On a ici une thématique très importante du film qui est celle du jeu, de pistes, d’enquêtes, de faux-semblants, de miroir, etc...
Quand le DC Mini, procédé qui permet de rentrer dans les rêves, est dérobé, les choses sérieuses commencent. Mais le cinéaste lui, continue à jouer, avec les motifs, les altérations du réel, les visuels décomplexés des rêves. La détective onirique aura fort à faire pour démêler les fils de l’intrigue, complexe, mais le déroulement est d’une limpidité confondante à l’image. Kon nous balade mais ne nous perd jamais. Et c’est quasiment un exploit tant le récit semble partir dans tous les sens alors qu’il n’en est rien. On retrouve ainsi la structure d’univers mental de la dernière partie de
Perfect Blue, où Kon sondait littéralement l’esprit torturé d’une jeune chanteuse harcelée, ainsi que des incursions dans le cinéma comme dans
Millenium Actress, l’humour joyeuse de
Tokyo Godfathers, bref un kaléidoscope de son cinéma. Sauf qu’ici tout est multiplié, et nous sommes vite face à des situations folles, ne relevant plus du simple passage rêve/réalité, mais de l’agrégat onirique des songes de plusieurs personnages, de réalité virtuelle, de fictions à l’intérieur de la fiction, de récits parallèles, d’autres qui fusionnent pour aller jusqu’à l’inévitable contamination.
Prenant pour thème principal la belle mécanique de son cinéma, le film n’en demeure pas moins touchant, mais à retardement, et d’une façon extrêmement subtile et efficace. Il n’oublie jamais ses personnages car même s’il met en avant pendant une bonne partie le dispositif, l’étalage des mondes et l’entrechoquement des rêves, l’humain est toujours là en filigrane pour amener une conclusion douce et apaisante. Au-delà du grand
ride de l’imaginaire, on trouve tout de même des messages discrètement amenés et d’autant plus éloquents qu’ils sont en contraste et en reflet avec le déluge esthétique.
On est ici au bout du système Satoshi Kon. Si bien qu’après telle fête, on se demande avec une pointe d’appréhension quelle pourra être la suite de sa carrière. Comment va-t-il gérer ce film somme, cette apothéose de son style ? La maîtrise de cet artiste exceptionnel, jamais démentie pendant 90 minutes, rassure sur sa probable clairvoyance à ce sujet. Car contrairement à de nombreux grands auteurs contemporains, qui se sont eux aussi récemment penchés sur leur œuvre à travers leur dernier opus (de Gilliam à Kitano en passant par Shyamalan), cette quasi-introspection n’est pas autiste et douloureusement répétitive, elle est au contraire diablement consciente d’elle-même et d’une joyeuse aisance, comme un point d’orgue à une carrière décidément très impressionnante.
Paprika est un spectacle vertigineux, d’un foisonnement visuel insensé, doté d’un humour touchant et, il va sans dire, d’une classe folle dans la réalisation. Techniquement irréprochable, et d’une créativité sans limites, le film surprend constamment.
On en ressort enchantés, secoués, émerveillés, de ces sentiments devenus si rares à la sortie d’une salle de cinéma.
Difficile d’exprimer à quel point la narration touche ici au sublime. Elle devient ainsi sujet du film, sans jamais tourner à la théorie intellectualisée. Opposant, mélangeant, triturant, fusionnant réalité et rêve, Satoshi Kon trouve avec
Paprika le sujet idéal pour exprimer le génie de son cinéma et la virtuosité de sa mise en scène. Comme souvent avec les grands films cela tient d’une apparente simplicité. Mais derrière ce qui pourrait être en d’autres mains un infernal et incompréhensible capharnaüm se trouve un démiurge qui s’amuse, invente et diverti au plus haut point avec une insolente inspiration. Chapeau bas.