Another touch of zen
J'ADORE le talent de Tony Jaa et je suis un fan inconditionnel des deux premiers "Ong Bak" malgré leurs défauts évidents…Le premier constituait une démonstration magistrale de tout le talent martial de Jaa et a été un tour de force d'autant plus étonnant dans la cinématographie thaïlandaise…Le second est une très, très belle déclaration de Jaa à son pays et à la philosophie de l'art martial – dommage seulement, qu'il manquait tout simplement de bouteille pour donner corps et vie à ses visions que l'on devine formidables…
S'il avait su mener à terme son projet et fondre le deux et le trois en un seul film, il aurait accouché d'un authentique chef-d'œuvre…en l'état le "2" reste un excellent film martial incompris (largement à cause de l'abus de son titre, qui est allé à l'encontre de l'attente des spectateurs), tandis que le 3 sent l'exploitation pure et dure de la franchise par les producteurs, pour faire rentrer plus d'argent pour amortir les importants investissements…Car le 3 n'est finalement qu'un montage de scènes coupées ou non exploitées du deux, qui auraient dû constituer pas plus qu'un quart d'heure dans le "2", plutôt que de les avoir étirées inutilement sur plus de 90 minutes…et qui se paye même le luxe de ne comporter que très peu d'action.
"Ong Bak 3" raconte tout simplement la "résurrection" du héros. Démuni de ses forces extraordinaires après la terrible révélation de la fin du second, on retrouve Jaa dans une très mauvaise posture. Condamné à mort, la séquence d'intro le montre battu et torturé de toutes les manières possibles pour lui broyer le moindre os dans son corps. C'est long, c'est graphique, mais c'est finalement très peu utile. Par un coup de chance (et je ne révèle évidemment pas grand-chose, sinon il n'y aurait pas eu de suite au film…), il va pouvoir s'échapper et se "re-construire". Un chemin long, très long, surtout pour le spectateur, car il ne se passe pas grand-chose, sauf des long panos sur le corps meurtri de notre héros, qui va adapter la philosophie du Bouddha (avec lequel il se confondra en fin du film…et ce qui confirme déjà la profonde représentation religieuse du second) et reprendre confiance par le biais de la fameuse danse traditionnelle déjà présente dans le précédent (au détour d'une scène longuette qui peut provoquer l'hilarité chez des fans d'actions hard-core et peu habituées à la culture thaïe).
La véritable vedette du film est finalement Dan Chupong, l'acteur principal de "Born to fight", "Tabunfire" (aka "Dynamite Warrior", qui dort dans les tiroirs d'un éditeur français depuis des années) ou encore "Pirates de Lang-Gasuka", qui prouve une nouvelle fois son beau talent pour les arts martiaux dans quelques scènes spectaculaires…mais très mal mises en scène. La première se passe de nuit, un choix redoutable, alors qu'il interprète le mystérieux homme-corbeau vêtu tout de noir, se battant contre les méchants également habillés de couleurs sombres, qui peinent à les détacher de l'obscurité ambiante (film pourtant vu sur grand écran et en pellicule 35 en parfait état). Une autre – de jour – est superbe avant qu'il va se retrouver face à un Tony Jaa et sera FORCEMENT dominé…sauf qu'il n'y aura même pas combat, Jaa balayant tout sur son passage et au pauvre Dan de se retrouver soudainement incapables d'enchaîner les superbes coups dont il faisait preuve et de ne servir guère plus que de punching-ball…
La fin est également une grosse blague, déjà par un curieux procédé scénaristique, qui a provoqué une nouveau accès d'hilarité auprès des spectateurs présents, mais qui constitue un point de vue assez génial – finalement Jaa donne ce que ses fans veulent voir, alors que pour lui, ce n'est absolument pas l'esprit de l'art martial. SUPERBE !! En même temps le dénouement final est expédié en deux temps, trois mouvements, n'arrive même pas à la cheville du mythique finale du second et clôt la trilogie de manière bien médiocre.
Le film reste une œuvre attachante, notamment grâce à la fascinante naïveté de Tony Jaa, mais qui représente également toute la force de la belle mentalité thaïe quoi que l'on puisse en dire. Une culture très ouverte, souriante, respectueuse, qui s'attache aux choses simples, voit la beauté dans les gens, dans les petites choses de la vie et puise très largement dans les sources de sa propre culture…Des messages, qui passent très mal auprès d'un public principalement motivé par voir de l'action non-stop sur grand écran.
Après, toute cette bonne volonté est extrêmement mal mise en scène et exploitée et constitue un véritable foutage de gueule en exploitant des images, qui auraient dû se retrouver dans le second et non pas dans cette suite à rallonge.
Dommage
La volonté bienvenue de mettre en avant la résilience par la spiritualité est saboté par des effets sonores ostentatoires (la voix déformée de l'antagoniste nommé "Corbeau" est mal faite / conçu, la bande originale trop souvent utilisée sans finesse).
Le scénario use les grosses ficelles du genre en recyclant avec lourdeur tous ce qui a été réalisé auparavant ("La 36e Chambre de Shaolin" de Liu Chia-liang est, à minima, de ce point de vue supérieur bien que "Ong Bak 3" n'en soit pas un strict sosie notamment concernant la fin il est vrai plus cohérente de O.B.3).
Une petite poignée de séquences surnage cependant comme la danse entre Tien et son amie ayant une portée spirituelle/plastique très pure et touchante.
Côté chorégraphie, mon constat sera similaire à celui d'Ong-Bak 2" point de vue qualitatif, à savoir un final nettement supérieur au reste du film.
24 octobre 2020
par
A-b-a