Même si L’Obsédé en plein jour n’est pas le film d’Oshima Nagisa le plus accessible qui soit, il demeure l’un de ses plus radicaux sur le plan formel, si ce n’est le seul à proposer de telles audaces au niveau d’un montage passant outre les codes de toute logique possible, créant la confusion la plus totale chez le spectateur, perdu dans les limbes des esprits tourmentés d’un quatuor de personnages récitant les versets d’Eros et Thanatos dans une confrontation éprouvante à la manière d’un magnétisme et de ses forces répulsives. La répulsion, totale chez L’Obsédé en plein jour, est pourtant parfois paradoxale. L’histoire traite d’une passion, d’un amour terrible. Terrible car il est question d’un malade, Eisuke, violant pour se nourrir. Une des victimes, avec l’aide qu’elle peut trouver, tente de reconstruire les pistes pour mener à la dénonciation du criminel, mais pour cela elle a besoin de l’aide de la femme du violeur. Le film tourne alors autour des enquêtes de la jeune femme et de flashback incrustés au récit sans prévenir, la bonne lecture du métrage se faisant par le montage incisif et tranchant, saisissant et parfois même embarrassant.
Pour bâtir son œuvre à coups de pioches viscéraux, Oshima s’inspire librement du roman de Takeda Taijun, qui s’est déjà occupé en son temps de modifier quelques éléments de ce crapuleux fait divers qui fit les gros titres des journaux nippons à la fin des années 50. Les lignes directives de l’œuvre de Oshima, à savoir montrer la véritable nature de l’Homme en s’inspirant d’évènements, transpirent à chaque plan, exposant sans retenue les extrêmes les plus évidents comme ces plan-larges sur les nombreux paysages (une forêt aveuglante, une rivière torrentielle) et les cadrages au plus près des corps et des visages en âge. Sueurs froides et vertiges sont donc au programme de ce film singulier, pas nouveau chez Oshima, difficile d’accès également par ses longues plages de dialogue alourdissant encore plus la narration. Mais force est de constater que c’est en restant droit dans son approche du sujet qu’Oshima trouve avec L’Obsédé en plein jour un caractère unique dans l’industrie du cinéma japonais, entre la sublime provocation d’un Imamura et les audaces stylistiques et narratives d’un Yoshida.
Comme tous les Oshima de la décade prodigieuse qu'il inaugure (1966-1976), L'obsédé en plein jour (1966) est assez déconcertant, pas entièrement réussi mais constamment passionnant.
Deux hommes et deux femmes vivent dans une communauté rurale. La première femme est aimée des deux hommes ; elle tente un double suicide avec le premier d'entre eux mais en est sauvée par le deuxième homme qui la viole avant d'épouser la deuxième femme. Ce violeur devient criminel et les deux femmes vont devoir débattre de l'opportunité de le livrer à la justice.
Le traitement de l'histoire est en revanche complexe : les informations sont fournies avec parcimonie, dans le cadre de flash back particulièrement subtils ; la mise en scène est une pure merveille d'expérimentation : près de 2000 plans, nous dit la jacquette du DVD, montage brutal, cadrages en permanence innovants et jamais vus. Certes, les thématiques d'Oshima (la corruption de l'amour, eros/thanatos) ont souvent été présentées avec plus de concision et de force ; certes encore, la deuxième moitié du film donne lieu à des dialogues assez interminables entre les deux femmes. Mais le souffle du style emporte tout.