Produit par un système de souscription populaire, voilà un jolie fresque sociale doublée d'un beau portrait de femme.
Avec sa mise en scène ample et appliquée, on ne sent jamais les restrictions budgétaire. Au contraire on est surprit par le soin accordé à la reconstitution et aux détails. Les plans de foule avec des dizaines de figurants s'affairant à leur commerces ou métier (qu'ils soient à pied, à cheval ou sur des barques) ne manquent pas de force et aident grandement à l'immersion du spectateur pour un réalisme saisissant.
On sent vraiment la dureté de l'époque, la difficulté de joindre les deux bouts ou les doutes face à la modernisation galopante du pays qui pousse le couple à devoir s'adapter coûte que coûte.
Les deux acteurs sont très convaincants, aidés par des maquillages très crédibles qui donnent vraiment l'impression par moment d'être devant des interprètes différents. Il faut dire que l'histoire couvre 40 à 50 ans.
Yamamoto est pleinement à l'aise dans ce registre et on le sent vraiment motivé par le scénario qu'il lui a été donné. De plus sa gestion du cinémascope est souvent admirable, renforcé par une très belle photographie.
Mais plus que l'aspect visuel, c'est vraiment pour ses personnages qu'on se passionne pour le film, surtout celui de l'épouse qui essaye tant bien que mal de fonder sa famille puis d'en préserver l'unité. D'où une succession de scène alternant le touchant, le léger et le plus poignant. C'est sans doute un peu idéalisé par moment (notamment via la dévotion de sa première fille pour sa maman, personnage délicieux au tempérament bien trempé) mais on adhère sans problème parce que l'écriture et interprétation sont toujours d'une humanité chaleureuse : l'épouse fondant en larme devant un couple qui peut emmener leur enfant durant leur travail, la fille qui cache des boulettes de riz pour que sa mère puisse manger durant sa tournée, la fugue de celle-ci, son abnégation à soigner avec sa belle-mère qui la déteste...
Malheureusement la dernière demi-heure en fait un peu trop dans les péripéties qui lorgnent dangereusement avec la pathos et les apitoiement comme le mari qui ramène sa maîtresse sous le toit conjugal.
La conclusion vient rattraper ces errements même si ça manque un poil de finesse (le fils à la guerre).
Mais les 2h25 passent le plus souvent très vite, portée par l'implication générale du casting et de l'équipe technique, à commencer par son réalisateur qui livre l'une de ses plus belles réalisations, loin des films didactiques et manichéen qu'il pouvait tourner à cette époque.
C'est sans doute suite à ce genre de production que le producteur de la Daiei pensa à lui confier de grosse production dont les scénarios étaient fortement politisés.