Une recette qui date mais un plaisir renouvelé. Décidément...
Lorsque l’on se plonge dans les aventures improbables de Kwak Jae-Yong, il est prévu de laisser son âme d’affreux jojo au placard pour passer un moment où toute la naïveté du monde serait motrice d’un divertissement : le divertissement selon l’auteur de My Sassy Girl ou plus récemment de Cyborg Girl, deux films étroitement liés par la présence d’un être pas comme les autres et par un vent de naïveté qui, par sa brise légère, nous fait croire à ce qui n’est réalisable que dans les pires contes de fée. On rêverait tous d’avoir de pareilles histoires, de vivre des moments aussi forts où l’amour est au centre de tout. Vous reprendrez du clafoutis aux cerises ? My Mighty Princess, cinquième long-métrage en date du réalisateur, perpétue la lignée des films précédents avec un énième personnage barré au centre des débats, une fois de plus incarné par une adolescente avec le « truc » en plus, avec en toile de fond un passé redoutable qui revient au galop au fur et à mesure que le film avance et distribue ses précieuses clés au spectateur à présent capable de décrocheter les serrures du destin des deux personnages principaux : So-Hwi donc, héroïne pot-de-colle aux pouvoirs très spéciaux acquis auprès de son père (maître d’une technique bien particulière apprise grâce à sa défunte femme) et Il-Yeong, un ami d’enfance parachuté un beau jour dans son école après des années sans s’être vus. Alors que lui en pince pour elle, elle en pince pour un joueur de hockey de son école qui lui ne peut cacher son amour pour une femme policière d’âge mûr. On annonce très vite la couleur chez Kwak Jae-Yong, ce procédé de surlignage au stabylo rose fluo peut d’ailleurs énerver à force de rabâchage de personnages et de situations que l’on aurait très bien pu retrouver dans ses précédents films, tout changement ici est à mettre à l’actif du côté du scénario qui donne de plus en plus d’importance au fantastique ou à la mythologie. On avait précédemment une héroïne robotique, nous voilà à présent en compagnie d’une wonderwoman malgré elle, mais son personnage est intéressant dans la mesure où elle est blasée par de tels pouvoirs, surtout lorsqu’elle doit affronter le regard de la population sur ses faits et gestes.
Lentement mais sûrement, Kwak Jae-Yong pose les bases de son récit par une accumulation –tiens donc ?- de séquences plutôt drôles sur près d’une heure avant de basculer vers le mélodrame teinté de mythologie où il est question d’arts-martiaux, de techniques et de combat entre le bien et le mal. Il faut pour cela retourner à l’enfance de So-Hwi et d’Il-Yeong pour en comprendre davantage et s’apercevoir que tout n’est pas rose chez ce dernier. Tout ne pouvait pas être qu’une simple démonstration d’acrobaties spectaculaires où une jeune fille serait capable d’escalader tout et n’importe quoi et mettre en pièce une bande de gangsters sans en prendre une. Il y a quelque chose derrière tout cela, un passé, une histoire pas tout à fait terminée qui débuta une dizaine d’années plus tôt avec la présence d’un maître maléfique, détenteur d’une épée aux vertus bien particulières. A l’époque, des guerriers ont tenté de s’y opposer, mais en vain. Ces guerriers sont à présent devenus des adultes vieillissants mais toujours aussi forts : l’un maîtrise l’art-martial tout en dansant avec classe, l’autre imite l’élu de Matrix à coup de tatanes vertigineuses et le dernier a le pouvoir de rompre les os simplement par concentration. Deux d’entre eux sont d’ailleurs les parents d’Il-Yeong et So-Hwi malgré que le premier ne puisse plus blairer son fils qui préfère vouer sa passion aux motos plutôt qu’aux arts-martiaux. La mythologie du héros est d’ailleurs amusante dans My Mighty Princess, sachant que les personnages dotés de pouvoirs spectaculaires sont de vrais antihéros encore capables mais très loin de représenter l’image du super-héro que l’on se fait. L’un est par exemple muet tandis qu’un autre est vulgaire et colérique : des personnages transparents qui n’épatent plus personne, il suffit de voir la séquence où ils tentent de s’interposer face à deux bandes rivales, lesquelles les ignorent sans sourciller. Un super-héro est par définition extraordinaire, tout le contraire des personnages du film de Kwak Jae-Yong qui sont des gens tout à fait normaux, pas tout à fait marginaux mais sans aura particulière.
Maintenant il est vrai que les allergiques de la première heure au cinéma de Kaw Jae-Yong peuvent fuir ce film comme la peste, My Mighty Princess recensant tous les clichés possibles et imaginables de son propre cinéma dans deux heures pleines à raz-bord : des personnages colorés, beaux gosses à outrance, des mouvements de caméra oscillant entre le virtuose et le tape-à-l’œil, une musique R’n Be tendance accouplée à des mélodies traditionnelles du plus bel effet, et un savoureux mélange de fantastique et de guimauve mettant en scène les acteurs sous leurs plus beaux profils. Il faut dire que question esthétisation discrète, le film réussit le pari d’être aussi efficace qu’un cousin spécialisé dans l’action grâce à des séquences chorégraphiées avec soin et filmées avec une petite virtuosité pour se la raconter. Une chose est certaine, Kwak Jae-Yong sait aussi bien filmer la romance que l’action pure, sans en faire des tonnes malgré le tic de toujours bouger la caméra même lorsqu’elle pourrait être plus discrète : on n’est pas dans l’esthétique publicitaire pour téléphone portable mais le fait que le film soit lustré et monté comme pour épater la clientèle démontre une certaine suffisance de la part du cinéaste qui maîtrise pourtant son sujet à la perfection. Même débordant de passages déjà vus et revus (So-Hwi jouant les victimes pour se faire remarquer, So-Hwi déplaçant des plots de béton pour montrer combien elle est forte…), le réalisateur arrive à surprendre et à intéresser. My Mighty Princess c’est un monde à part, un univers à la naïveté destructrice où les personnages rongés par un amour impossible se battent corps et âme pour passer outre cette difficulté. Et le film est d’ailleurs bien mieux réussi que Cyborg Girl car il s’étire moins en longueur dans son dernier tiers et parvient à illuminer une simple comédie romantique de quelques éclairs fugaces ravageurs en guise d’épilogue guerrier, avec un twist appréciable car guère parachuté en l’espace d’un plan trois mouvements. En revanche si cette belle comédie romantique est globalement réussie tout en se payant le luxe de s’ouvrir à de nouvelles perspectives plus ancrées dans le domaine du fantastique, force est de constater les limites du cinéaste dans un genre qu’il maîtrise à la perfection mais dont il semble incapable de s’en défaire : My Mighty Princess aurait put être un My Sassy Girl en scope avec deux trois nouvelles idées et une héroïne aux pouvoirs surnaturels, le résultat aurait été à peu de choses près le même ; pourtant la recette fonctionne encore à merveille, aussi frustrant que cela puisse paraître. Du talent à échelle réduite, mais guère de tromperie sur la marchandise sans toutefois atteindre la grâce de son coup d'essai/coup de maître. Le cinéma de Kwak Jae-Yong est décidément à part.
Il a tout d'un Kwak Jae-Yong
Si on ne m'avait pas dit que Kwak Jae-Yong avait réalisé ce film, je crois bien que je l'aurais deviné dès le premier ou deuxième plan. Tout dans ce film transpire sa mise en scène. Le scénario mélangeant conte de fée, action, humour, ainsi que la musique et la photo collant avec les genre pré-cités. Finalement, il est un peu décevant que sa marque soit si présente dans tous ses films, car au final, ses films très moyens tirent les autres vers le bas. Et c'est exactement le cas ici. Même si ce n'est pas une grosse daube, et que Kwak Jae-Yong s'en sort en tirant toujours les mêmes ficelles, le film est un peu décevant, et d'un autre coté, on a tellement l'impression de revoir My Sassy Girl et Windstruck dans celui-ci, que ces deux films se voient perdrent du crédit alors qu'ils ont su convaincre leur public à leur sortie (enfin le premier plus que le deuxième).
Pour revenir plus précisément sur My Mighty Princess, on peut dire que son scénario, sans être farouchement original, arrive à créer une atmosphère mélo qui marche bien mieux que les mélo coréens qu'on a l'habitude de voir, même si on n'aura pas à être très malin pour comprendre que cette atmosphère est principalement due à une musique assez mignone, bien que qu'un peu gonflante au bout du douzième service. On notera également les incessants clins d'oeils à ses films précédents, comme si cela ne suffisait pas de nous servir le même plat à chaque fois(1). Niveau interprètes, Shin Mina était encore dans sa période un peu insupportable, et elle nous sert des mimiques franchement dispensables et une attitude d'ado prémature à qui on voudrait mettre des baffes pour lui rappeler qu'elle n'est plus au collège. En outre, au niveau de la chorégraphie martiale, n'étant certes pas expert en kung-fu, je dirais qu'elle est assez convaincante pour moi. À sa décharge, ce n'est pas la première fois qu'elle joue un rôle un peu physique, puisque, rappelez-vous, elle avait l'un des rôles principaux dans Volcano High, le film qui l'a d'ailleurs fait connaître. À ses cotés, on retrouve Ohn Ju-Wan, qui a déjà su montrer son talent avant, et qui n'est pas en reste ici, surtout dans la première partie où son personnage est en opposition totale avec l'image qu'en donne son père. Les autres rôles sont franchement dérisoires, et on se retrouve à nouveau dans une histoire complètement centré sur le couple central et son destin tragique.
Bref, même si ce film n'est pas franchement mauvais, et qu'il s'intéresse à un genre un peu surprenant en Corée (le wu xia), il n'en reste pas moins une copie de ses précédents films, tant au niveaux des thèmes abordés que de la mise-en-scène. Au final, on passe tout de même un bon moment, mais ça aurait pu être franchement meilleur.
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(1) Liste non exhaustives des clins d'oeil :
- La caméo de Cha Tae-Hyun
- Le personnage récurrent (ici chauffeur de bus, mais peut-être d'autres rôles aussi)
- La musique de MC Sniper
- Le flashback final où ils se battent en duo en costumes de lycéens, qui ressemble étrangement à la scène de boîte de nuit dans My Sassy Girl
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22 février 2009
par
Elise