Elise | 3.5 | Sujet très bien traité ; actrice craquante |
Ordell Robbie | 3.5 | Bel arbre |
Le Mûrier prend place pendant la Corée des années 20, sous l'occupation japonaise. C'est l'histoire, dans un village, d'une jeune femme dont le mari part sans cesse en mission dans la résistance et qui doit donc vivre seule au milieu des autres habitant. Elle finit par vendre son corps pour avoir de quoi se nourrir. Traité avec beaucoup d'humour, le sujet n'en est pas moins assez dur tant on voit jusqu'à quel point elle va pour manger, puis pour défendre son honneur face aux autres femmes en leur montrant que même leurs maris viennent la voir et qu'elle leurs demande ce qu'elle veut. Mais tout cela se retourne contre elle et elle ne fait qu'attiser la haine des autres habitants jusqu'au retour de son mari, accompagné d'un soldat japonais qui le surveille.
Très joliment filmé et accompagné d'une bonne musique, le film est bien fluide, ne laissant aucun vide dans le scénario et donc aucun ennui. Lee Mi-Suk est vraiment craquante pour son dernier rôle avant de revenir au cinéma 10 ans plus tard dans An Affair (elle s'est mariée entre temps et a quitté le cinéma pour cette raison). Bon film parlant d'une période marquante de l'histoire coréenne et vu par un petit village de campagne.
Le Murier se caractérise formellement par ses vélléités de rigueur classique dans sa mise en scène. Les zooms y sont très rarement brusques et les moments où la caméra se déplace de façon très calculée y contrastent avec le style souvent contemplatif de la mise en scène. La caméra y est parfois soucieuse du détail révélateur meme si elle s'attarde un peu trop longtemps sur ces derniers. Mais c'est surtout les belles idées de son scénario qui donnent au film tout son charme. On pourrait à ce stade évoquer les liens entre le script et le cinéma d'Im Kwon Taek dans son versant eighties. Avec sa grande gueule, son impertinence, An Hyop semble annonçer l'héroine de Mère Porteuse qui sortira l'année suivante. Mais son personnage offrant à travers le sexe de la vitalité à (presque) tout un village en fait une cousine plus énergique, moins crade du personnage d'Ahn Sung Ki dans le Village des Brumes. Elle incarne une figure symbole de la Corée paysanne, ancrée dans la terre et incarnation de la vitalité s'opposant à un mari toujours absent. Probablement tout aussi "consommateur" de partenaires du sexe opposé, ce dernier est lui une figure voyageuse, imprégnée de culture cosmopolite (le Japon occupant alors la Corée, les arts martiaux...).
Faut-il dès lors voir dans le film une métaphore de la lutte contre l'occupant japonais? Et dans la "résistance à un seul" d'An Hyop un dépacement subtil de l'idée de résistance? Cela se défend mais après tout peu importe... Car à vouloir ériger cela en intéret cinématographique on risque de tomber dans le type d'écueil critique qui ferait défendre le plus quelconque des blockbusters made in Korea sous couvert de "discours sur la Corée coupée en deux". Or les tribulations d'Ah Hyop qui s'offre à tous sauf à un seul n'ont pas besoin de message caché pour captiver. Pour se refuser à cet etre au physique ingrat, elle n'hésite pas à crier, à jouer les impertinentes voire meme à faire usage de la violence à son égard. Suscitant souvent le rire. Ses réactions seront d'ailleurs tout aussi surprenantes lorsque à force d'appétit pour les biens matériels elle va précipiter son destin et le récit dans le drame. SPOILERS Menacée par le vieux sage d'exclusion du village, elle exécute ainsi un soufflant strip tease sous prétexte de lui montrer en détail ses blessures suite à ce que lui ont fait subir les villageoises. Avant cela, on aura été tout aussi captivé, étonné par les conséquences de ses actes: séduit, un mari va ainsi dérober pour elle l'anneau de sa femme et se retrouver le doigt ensanglanté. Sans parler des pathétiques tentatives de l'éternel éconduit. Ou de ce combat entre le mari d'An Hyop et l'éconduit offrant une jouissive démonstration de l'efficacité des arts martiaux. FIN SPOILERS
Outre les défauts mentionnés plus haut, d'autres limites du film sont la tendance occasionnelle d'une partie des acteurs aux débordements cabotins et un manque de rythme occasionnel. Mais le film demeure néanmoins très estimable.