On ne vit pour personne !
Voilà un petit bijou du genre bien ancré dans les années 80. Première réalisation de Yoichi Sai qui est également le co-scénariste avec l’acteur principal Yûya Uchida, Le Moustique du dixième étage / Jukkai no mosquito (1983) est une œuvre jubilatoire qui met en scène un policier qui vit d’échec en échec. Le tableau est sombre : il est divorcé de sa femme qui a peu de considération à son égard, méprisé par sa fille. Il échoue lamentablement à ses examens pour évoluer de grade lorsqu’il ne perd pas tout ce qu’il gagne dans les courses de bateaux. Il s’endette auprès des banques du prêt et crédit à la consommation dont certaines sont tenus par des yakuzas. Pourtant, le bonhomme vit les choses avec un détachement surprenant… j’oubliai, il vit seul dans son petit appartement au dernier étage de son immeuble tokyoïte. Vive la déchéance !
Tiré d’un fait divers, Le Moustique du dixième étage s’attaque d’emblée à la société consumériste japonaise. L’argent y est à la base de tout. La cause et les conséquences. Payer la pension alimentaire, le karaoké, les faveurs d’une accompagnatrice, les paris… l’argent contamine notre anti-héro par excellence. Un bougre pas bien méchant. Il se perd juste dans une spirale dont il ne voit pas la fin, celle du surendettement. Le besoin d’argent s’en fait ressentir à mesure que le film avance comme notre officier de police enfermé dans une routine dont il ne contrôle rien. Boulot, karaoké, stade aquatique, le désespoir et la poise s’acharnent à lui coller au dos. Alors les jours se suivent et se ressemblent, rejeté par sa famille qui ne voit qu’en lui une manne financière, il s’intéresse à l’informatique et acquière un ordinateur. Il s’amuse comme un gamin qui s’enfonce dans un jeu dangereux sans réellement prendre conscience du chemin qui s’ouvre devant lui.
Le Moustique du dixième étage c’est donc cet homme, un policier de base qui se perd dans l’alcool et la violence qui en découle. Mais c’est aussi cet homme qui passe de relation sexuelle consentie aux viols. Un homme qui perd pied dans un monde qui devient la cause d’une folie qui le gangrène jusqu’au drame qui fera le fait divers. Le Moustique du dixième étage transpire non sans un certain sarcasme ces années 80 jusque dans la bande originale caractéristique de cette époque. Un regard acerbe sur une société capitaliste louant les biens faits de la consommation. Cette œuvre réussie de Yoichi Sai s’intéresse aussi au conflit générationnelle, à la place de la police dans la société, au délitement de la famille et à la perdition d’un homme que tous abandonnent dans son désarroi tant que les apparences sont sauves. Une chose est sûre, la défaite n’est pas la panache de notre société.
Le Moustique du dixième étage de Yoichi Sai est une première œuvre louant le mérite d’un cinéaste qui porte un regard critique authentique. Une œuvre juste merveilleusement interprété par Yûya Uchida qui donne corps à ce monsieur tout le monde que la société a dépouillée de tout, alors que résonne ces quelques mots taper sur le clavier de son ordinateur : I AM A POLICEMAN = ?