Singapourien
Money no enough ou le film totalement, purement singapourien.
Rien que le titre déjà, phrase 100% singlish et problèmatique typiquement singapourienne: monsieur dépense plus que ce qu'il gagne...
Bref, c'est du "can lah", "this one too expensive lah" et c'est mythique!
Et j'fous 4 por S'pore...
La rançon du succès
"Money No Enough" – malgré la qualité relative du film – est une date majeure dans le cinéma singapourien – ou plutôt dans son récent revival.
Si Eric Khoo avait réussi à replacer Singapore sur une carte de la cinématographie mondiale avec ses deux premiers films "Mee Pok Man" et – surtout – "12 Storeys", l'acteur Jack Neo (justement apparu dans un rôle aux antipodes de son rôle récurrent à la télévision), lui, a su donner le premier blockbuster local en assurant la co-scénarisation et le rôle principal. L'immense succès local et malaisien du film (meilleur succès historique au box-office local avec près de 6 millions dollars et second au box-office 1998 derrière…"Titanic") donnait confiance aux producteurs singapouriens à investir de l'argent dans des productions pour espérer récupérer leur mise.
Rares ont été les productions à réitérer un succès semblable et même si Neo a su asseoir son statut en reprenant une formule identique dans ses suivants "Liang Po Po", ""That one no enough" ou les "I not stupid", il n'a jamais pu battre son record personnel.
Succès local ne veut pas forcément dire chef-d'œuvre; il n'y a qu'à voir la qualité des principaux "champions en titre" français chaque année. "Money No Enough" ne déroge pas à la règle, malgré toutes ses bonnes intentions: mise en scène des plus primaires, blagues pas toujours réussies et un happy-end formaté pour plaire au plus grand nombre (et très loin du relatif réalisme social du début du film). L'histoire est également plus proche d'un enchaînement de gags de situation, similaire aux épisodes TV de sketches de l'ancienne célèbre émission de télé, où Neo s'est fait ses premières armes ("Comedy Night" ayant également révélé ses comparses).
Difficile également d'apprécier le film dans toute sa qualité, l'unique DVD existant étant de piètre qualité (on dirait le film issu des années '80s, alors qu'il ne date que de 1998) et la plupart des sous-titres (incrustés) bouffés par l'image.
Une des particularités du film devient également son principal défaut pour un public international: l'un des premiers films à "oser" le mélange des langues (hokkien, mandarin et du singlish), il faut se concentrer à lire les sous-titres anglais et à tendre l'oreille en même temps pour les parties non sous-titrées en anglais, quand les personanges se mettent à parler en singlish sur une bande sonore pas toujours très audible; sans parler du fait des subtilités des jeux de mots perdus lors des traductions approximatives. Le film est avant tout basé sur un comique des mots et perd donc beaucoup de sa saveur au sous-titrage.
Reste le charme d'un film singapourien, qui a – malgré tout – très bien su capter une bonne part de la mentalité de ses citadins, en grande partie avides d'une bonne réussite économique et dont un souci majeur constitue la rentrée de l'argent en chaque fin de mois pour s'assurer une rente profitable en fin de carrière. Tout en dénonçant cet état de fait (et la perte de l'individualité), le film se termine pourtant curieusement sur l'apologie de la réussite économique, un peu à contresens de ce qui précédait – comme quoi, cette mentalité semble vraiment très ancrée dans les mœurs, jusqu'à (in)consciemment influencer les scénaristes dans l'écriture de l'histoire…