Noir, réaliste, culte et précurseur mais pas forcément facile d 'accès.
Polar d’infiltration précédé d’une réputation élogieuse en dépit de sa rareté, classé un temps dans les 10 plus grands films HK même, ce qui n’est pas rien, Man on the brink suit l’infiltration dans les triades Hong Kongaises de seconde zone d’un jeune flic fraichement promu qui va progressivement perdre pied malgré sa droiture et sa situation familiale presque stable.
Les triades ne sont pas dépeintes comme un monde parallèle magique fait de grands caïds charismatiques classieux. L’infiltration se fait difficilement et par le bas et notre flic intègre, jeune héros de la nation, est parachuté dans les bas fonds de la ville d’où il ne ressortira pas indemne, si il en ressort. Sa foi en sa mission, en son métier, et son inextinguible ferveur à obéir aux ordres de son chef confiant l’aveuglent bientôt et l’empêchent de réaliser qu’il s’enfonce lentement dans un mode de vie parallèle dont il semble bien difficile de se libérer.
Man on the brink choisit un traitement réaliste typiquement Nouvelle Vague HK : social, sec, râpeux et brut de décoffrage. La photo y est inexistante et la caméra, souvent à l’épaule, remuante comme il faut, ne cache pas le manque de moyens flagrants. Sa violence brutale et surtout sa noirceur pesante s'insinuent dans un quotidien plein d'espoir. Ainsi, même si la femme du héros et sa famille apportent un peu de douceur, le film s’en va tout droit vers le pessimisme total et le réalisme cru le plus perturbant. Man on the brink n’est donc pas un polar d’action hyper stylisé et démonstratif. La préparation et le déroulement des braquages sont rapidement troussés, débarquent comme sur un coup de tête, ce qui ajoute beaucoup au réalisme.
Pour son deuxième film après le presque similaire Cops and Robbers, Alex CHEUNG ne rigole toujours pas et installe avant tout une ambiance dramatique cuisinée maison. On suit la petite bande dans ce que leur vie a de plus simple, vivre dans des cages à lapins, faire la fête, lever des poulettes, s’énerver pour un rien, préparer des casses très impulsifs. De l’arrivée du flic aux brouilles internes de la bande en passant par la copine qui s’interroge, crise de ne plus être considérée par son mari métamorphosé, revient chez ses parents puis décide de changer totalement d’air alors que son mari semble perdre les pédales, le principal est le relationnel et le choc social entre les protagonistes qui sont tous très tourmentés ou le deviennent au fil de la mission.
La mise en scène sans aucun chichi mais efficace saisit bien l’urgence des vies à l’écran et sait être probante et dynamique dans l'action. Les acteurs sont impliqués jusqu’au cou, intenses et nuancés, surprenants même, surtout comparés à une avalanche de film HK de l’époque tellement caricaturaux. Eddie CHAN en particulier, l'interprète principal, maîtrise de belle manière le lent glissement de son personnage vers une certaine anarchie de l’esprit et sa transformation physique tout au long du film ajoute encore à la crédibilité du personnage.
Pour autant, le personnage n’oublie jamais ses vraies origines. Il sait qu’il n’est pas fait pour cette vie et c’est toute cette dualité qui rend son interprétation et le film crédibles. Et finalement l’histoire au relief dramatique indéniable tranche net avec la grande majorité des films d’action environnant, et se place dans la même lignée qu'un "enfer des armes", c'est à dire en avance sur son temps. Quoique tente le jeune policier, au lieu de gravir les échelons des triades et par extension gravir les grades de police et accéder à un statut social privilégié, tout l'ammène, le tire inconsciemment vers le bas alors qu'il semble très conscient de sa situation mais qu'elle lui échappe néanmoins irrémédiablement.
Plus subjectivement maintenant, j’avoue ne pas avoir totalement accroché, certainement avant tout parce que je suis très difficile en polar. Il manque encore une dose de scènes significatives, à l’image de son final et de quelques autres (une scène à la Reservoir Dogs bien puissante notamment), pour que Man on the brink explose son carcan de film noir à l'histoire bien connue. L'ensemble est aussi volontairement assez désorganisé et saute parfois d’une scène à l’autre pour des raisons chaotiques qui collent au parcours du héros mais véhicule une errance assez destabilisante.
Man on the brink n’est donc pas forcément facilement abordable mais de beaux moments tendus, notamment son excellent final, son drame étoffé et ses thématiques radicales raviront l’amateur de polar social noir et réaliste.
Identité infiltrée
Alfred Cheung poursuit avec Man on the Brink dans la veine du drame policier et social en illustrant, avec une volonté affirmée de réalisme bienvenu dépourvu de surenchère émotionnelle, la descente aux enfers d'un jeune flic.
Ici, les scènes action sont peu nombreuses mais clairement pas le centre d'intérêt du film.
L'introduction çà et là de furtifs moments comiques, ne dessert jamais le récit des plus tragique voire touchant, animé par un scénario solide et un casting investi à fond.
Le combo Spectrum Films profite d'un transfert hd efficace et de bonus prolifiques, en nombre et qualité.
La présentation d'Arnaud Lanuque est comme d'habitude un concentré d'informations passionnantes délivré avec une verve délectable.
Le réalisateur s'avère, lors de son interview, fort instructif sur son propre travail et intarissable sur la façon dont le cinéma était conçu à l'époque notamment.
"La Table Ronde" implique plusieurs personnes ayant contribué au film plus des questions-réponses avec le public. Ces échanges s'avèrent captivant ainsi que peu redondant avec l'interview d'Alex Cheung.
Le makinf-of d'époque renseigne (de façon brute - très peu d'explication - mais assez claire) sur la manière dont il filmait certaines scènes et l'ambiance générale lors du tournage en pleine rue.
L'essai vidéo, appuyé de façon pertinente par les extraits correspondants, analyse remarquablement le film.
Le podcast, lui, se montre assez décevant en étant trop redondant, dans sa première moitié, avec les contenus précédents.
09 juillet 2021
par
A-b-a
encore une perle de film 80's labellisé HK, à ranger aux cotés des meilleurs.(THe Club, Long Arm et consorts).
évidemment il ne faut pas s'attendre à des gunfights stylisés mais il règne une certaine violence plus réaliste, plus sociale et plus permanente.
ce n'est pas mon préféré mais une valeur sure du ciné hk, évidemment conseillé.
Grosse claque!
D'une exigeance rare, Man on the brink nous emmene dans les bas-fonds de HK en pointant les faiblesses de l'âme humaine capable du meilleur comme du pire lorsqu'elle cotoie la misere. Le film a finalement peu vieilli considérant ce qui se faisait à l'époque et mérite plus de publicité.
Une réference incontournable du ciné HK
suite du tour d'horizon de gros classiques méconnus qui semblent n'interresser personne...quel dommage! Man on the brink relate la descente aux enfers d'un jeune policer modèle s'infiltrant dans les triades. Drame poignant, acteurs excellents, ce film de la nouvelle vague deborde de rage et de desespoir Un film touchant, sec, violent, triste comme il en existe que très peu. Man on the brink fait parti des plus grands, un polar social tout aussi essentiel qu'un The Club!