Assistant réalisateur de Suzuki Seijun sur Akutaro l'impénitent en 1963, film mineur mis en boîte au moment où le génial cinéaste allait devenir maître de son art, Endo Saburo réalise pour les comptes de la Nikkatsu et Studio Union Eiga le dernier épisode de la série des Treize nuits de terreur diffusé au Japon le 26 septembre 1971. Esai, un peintre d’estampes que l’on compare au grand Utamaro, perd du jour au lendemain ce qui faisait la marque de son œuvre, à savoir un talent inestimable pour capter l’âme de ses muses. Perdu et incapable de retrouver un équilibre, le peintre cède face à n’importe quelle demande, même venant d’inconnus lui proposant d’aller dîner dans un établissement non loin de là afin d’y vanter les mérites de la cuisine et des jeunes femmes présentes pour l’occasion. Ne sachant rien de ce lieu, Esai accepte le rendez-vous et se fait conduire à bord de son palanquin, dans une forêt à la noirceur impénétrable. Si impénétrable que le convoi semble disparaître dans le brouillard. Une fois arrivé sur les lieux, une unique salle rappelant avec modestie les couleurs de la Chine, Esai fait la rencontre d’Osen, une jeune femme à la beauté stupéfiante, avant de goûter aux plats d’un goût exquis. Puis soudain le vide, Esai se réveille chez lui, avec une seule idée en tête, peindre des estampes de cette jeune femme et retourner au plus vite dîner en la compagnie de ses charmants amis.
Si La Maison de la métamorphose est clairement l’un des meilleurs épisodes de la saga, c’est parce qu’il confond avec une insolente maîtrise le rêve et le réel, l’illusion et la normalité. Univers fantasmagorique imprégné d’hallucinations en guise d’inspiration artistique, le talent enfin retrouvé du peintre n’est pas sans dégâts puisqu’il lui fallait dévorer à pleines dents de la chair de femme pour retrouver l’inspiration qui faisait de lui le peintre de talent de la région. A son insu, évidemment, sinon ce ne serait pas drôle. L’originalité de cet opus est donc d’aborder le cannibalisme en guise de vertu, tout en offrant un spectacle orgiaque en fin de métrage des plus hallucinés. Travaillant la lumière et la couleur pour exploiter au maximum le délire, l’hallucination, la beauté et la mort, Endo Saburo rappelle le travail imprégné de démence du Ishii Teruo de la toute fin des années 60. Parfois brouillonne, la narration privilégie les poussées de folie du personnage d’Esai interprété par Kaneda Ryunosuke ici aux yeux souvent exorbités, sans tomber dans le cabotinage total comme ce sera le cas pour La Femme aux mains froides. L’épisode est également un beau portrait du Esai père, prêt à affronter le diable en personne pour sauver sa fille de ses griffes, dans un état de démence tel qu’il finira perdu dans sa solitude et ses estampes. Et si, finalement, tout n’était qu’illusion ?