Contradictions d'un pays en mutation accélérée
Voiture de Luxe, troisième film de Wang Chao, clôt la trilogie que le réalisateur a choisi de consacrer à la Chine contemporaine et à ses bouleversements.
Faisant évoluer ses personnages dans la ville de Wuhan, Wang Chao place son récit dans un contexte actuel et représentatif de ce qu'est la Chine d'aujourd'hui, une Chine en pleine mutation et dont les villes sont des chantiers permanents. Dans cet environnement chaotique où les couleurs et les sons se confondent, il nous fait épier ses personnages et leurs agissements, mettant en avant contrastes et oppositions entre deux générations séparées par un fossé chaque jour plus important.
Optant pour le numérique, il suit ses personnages au plus près, se glissant dans les endroits les plus étroits, captant frustrations et désillusions comme il capturait les subtiles variations de lumière dans Jour et Nuit. Ici, les larmes coulent trop tard, il ausculte ces individus devenus prisonniers, otages d'une société matérialiste qui brise les rêves.
Si la voiture est tant mise en avant, c'est qu'elle constitue un lien invisible entre les différents protagonistes. Elle est en quelque sorte le centre de symétrie des oppositions et des dualités sur lesquelles le réalisateur fait reposer son récit.
Par un procédé de démolition des liens, Wang Chao met en exergue la montée de l’individualisme. Les quelques liens humains encore existants seront brisés les uns après les autres dans une entreprise de dévastation et de restructuration des rapports. D’abord artificiellement atténué, le lien père-fille est, somme toute, le seul qui résistera à l’écrasement des êtres dans cette société en mutation accélérée. La mère et le fils n’étant plus, le père et la fille forment finalement un couple dont la dualité résume à elle seule toutes les contradictions d’un pays.
Beau portrait de femme et d'une société en renouvellement
Wang Chao ne fait pas l'erreur de tomber dans les mailles du film d'auteur intello branchouille et pseudo contestataire d'une société bouleversée par le changement des individus, des modes et influences puisque son Voiture de luxe est aussi un brillant voyage sentimental doublé d'un polar intimiste. Le réalisateur ne voit pas large dans le déroulement de sa propre enquête puisque le cercle de personnages ne se résume qu'à un père, sa fille et son patron, un policier. Wong Chao ne bâcle pas pour autant son oeuvre, qui même si pas toujours adroite dans sa mise en scène (le flashback sur l'accident du frère de Yanhong), débouche finalement à quelque chose de concret, rassurant dans son entreprise de faire un cinéma de constat et cohérent jusqu'au bout. Voiture de luxe se paie même le luxe (sic!) de proposer une véritable intrigue façon polar HK où les hommes s'observent (le dernier repas) pour mieux s'entre-tuer par la suite (la poursuite en voiture). Wang Chao étonne alors par son travail intéressant sur l'être humain, touché par un optimisme bienveillant (le père, persuadé qu'il retrouvera son fils) et par une certaine sagesse même si elle fait mal (la mère de Yanhong, condamnée à partir).
Cette confrontation des sentiments rend donc l'oeuvre particulièrement attachante et agréable à suivre sans pour autant faire montre d'un quelconque punch ou d'une dynamique à en donner le tournis, non, Voiture de luxe joue dans la catégorie des films auteurisants réussis et humbles. Humble dans ses intentions de proposer un cinéma sincère, social et profondément ancré dans une époque de renouveau, portrait d'une jeunesse féminine sans grand avenir bossant en tant qu'hôtesse d'accueil pour le compte d'un gérant de karaoké, dans les bas-fonds de Wuhan en Chine continentale. Tout le monde n'appréciera pas forcément la texture de l'image, très -trop- lisse pour marquer les esprits, l'utilisation d'une DV numérique n'étant à mon avis pas réellement justifiée, Voitures de luxe n'en a d'ailleurs pas besoin pour briller et faire dans l'épate, puisqu'elle dispose de suffisamment d'équipements pour séduire, et Wang Chao de confirmer son talent de metteur en scène.
Sans bornes
Fin de sa trilogie sur la Chine actuelle, WANG Chao s'inspire du fait très personnel de la longue période sans voir ses parents. En cela, le film réussit pleinement à peindre le difficile portrait de la désormais difficile communication intergénérationnelle entre membres d'une même famille en Chine.
Le tort de WANG est d'aborder un problème, qui semble être le sujet principal de la plupart des films ("d'auteur) chinois actuellement et de ne rien apporter de bien neuf au genre. Forcément, il dispose de beaucoup de talent, maîtrise parfaitement sa mise en scène, sait diriger ses acteurs (auxquels il laisse - pour la première fois - une entière liberté artistique, se retrouvant largement payante par l'excellence de la jeune actrice/chanteuse/romancière TIAN Yuan) et insuffle beaucoup d'humanisme dans son sujet; mais on aurait pu attendre un meilleur résultat venant de lui, peut-être dans la peinture des différents caractères et un meilleur traitement appuyé de al relation triangulaire entre le couple et le policier...
Au moins, WANG aura-t-il su convaincre le jury du "Certain regard 2006" à Cannes - ce qui est au moins une belle récompense pour cet artiste profondément humain.
bon film tout simplement 
si vous aimez la Chine et son cinéma indépendant en général, cette voiture de luxe vous séduira sans peine.
on retrouve les ingrédients habituels, à savoir un décor authentique mettant bien en relief cette Chine contemporaine en perpétuelle mutation, une approche quasi documentaire, des acteurs très bons et très naturels (à chaque fois que je vois un film mainland je me dis la même chose), et une certaine simplicité, c'est à dire pas d'artifice inutiles.
sans être réellement percutant, j'ai vraiment apprécié ce film de WANG Chao, un peu mésestimé je trouve par rapport à d'autres (JIA Zhang ke par exemple).
conseillé pour les amateurs de films genre MISSING GUN, UN PERE A PEKIN, A BEAUTIFUL NEW WORLD, BLIND SHAFT, CALA MY DOG ou encore LIFE SHOW pour n'en citer que quelques uns.
film pas trop luxe
Le gros point fort de
Voiture de luxe est son habileté dans le développement des personnages et des relations qu'ils entretiennent les uns les autres. C'est subtil et bien mené, la quête à première vue toute simple du père s'enrichit peu à peu d'enjeux supplémentaires et parfaitement cohérents et complémentaires avec la trame principale. Dans le genre drame famillial on a vu franchement pire.
Après, faut dire que
Voiture de luxe pâtit d'une réalisation et surtout d'une photographie de téléfilm. C'est très plan-plan et parfois assez moche (ça pue la DV mal maitrisée), notemment les scènes à l'intérieur du karaoke (qui avaient pourtant du potentiel esthétique) qui sont d'une platitude et d'une transparence pas très flatteuses.
Ce n'est pas le grand changement annoncé. Après un Jour et Nuit plutôt insipide, Voiture de luxe ne rattrape pas fortement le coup. On s'ennuie sévèrement car le scénario met trois plombes à évoluer, vers quelque chose de pas forcément très intéressant. Le moins agréable c'est la direction des acteurs, qui sont sûrement sous-exploité et même si plastiquement ça colle, ça reste moue au niveau du jeu. Bref ça ne prend pas.
