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Love For Life
les avis de Cinemasie
2 critiques: 3.25/5
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1 critiques: 2.5/5
Nouvelle confirmation du talent de Gu Changwei
Fort de son expérience de chef opérateur de grands réalisateurs de la cinquième génération, Gu Changwei s’est tourné naturellement vers la réalisation en signant deux films remarqués des festivals internationaux, à défaut d’autre chose. Pour son troisième film, le jeune cinéaste décide d’évoquer le scandale du sang contaminé qui toucha bien des provinces du pays, à travers la fiction. Comme une crainte que le film soit totalement interdit en Chine, l’avant-générique prévient qu’il s’agit bien ici d’une fiction, mais le parallèle avec l’affaire de dons du sang rémunérés est ici évident. En effet, la perspective d’un don rémunéré ne pouvait qu’attirer les paysans (essentiellement) des diverses provinces. Le personnage de Qin Qin (interprété par Zhang Zi Yi) confiera d’ailleurs à De Yi (Aaron Kwok) qu’elle souhaitait faire ce donc pour pouvoir s’acheter le dernier shampooing vu à la télévision. Un produit de consommation courante contre un virus incurable, voilà la monnaie de l’échange.
Etrangement vendu en Chine sous le titre de Zui Ai, symbolisant d’une certaine manière la puissance de l’amour, titré en anglais Love for Life et mettant en avant les deux stars, le film de Gu Changwei va évidemment –et heureusement- bien au-delà de l’histoire d’amour et d’espoir que peuvent laisser présager de tels arguments commerciaux. Son parti-pris n’est pas non plus de dénoncer le scandale. En premier lieu, le film n’est clairement pas destiné aux adolescents qui se sont déjà enfilés les dernières bluettes sentimentales navrantes de Johnnie To ou de Feng Xiaogang puisqu’on ne trouvera aucun tour de passe-passe de drague pouvant donner des idées aux jeunes mâles en rut. Malgré son titre comme on l’a dit plus haut, plein d’espoir, le film est constamment baigné dans un pessimisme dont il est difficile de se dépêtrer : tout le monde, sauf le responsable de la contamination, est condamné à mourir. Demain ou dans six mois, un an, sans doute plus. L’introduction est à ce stade un modèle d’ouverture sur le mal qui plane au-dessus du village (le jeune enfant tombant au sol après avoir ramassé une belle tomate de saison) et des provinces (le plan large au ciel voilé). S’en suit une fête de village où un vieil aveugle narre une histoire en jouant du violon traditionnel. Lui seul, en quelque sorte, représente l’espoir et le sourire dans un village souillé. Malheureusement, comme un symbole riche de sens, il tombera hors-champ après qu’une bagarre ait eu lieu entre le chef du village et son fils responsable de la contamination, ce dernier étant incapable de s'excuser après avoir affirmé qu’il n’existait aucun remède pour soigner le virus. Bienvenue dans le monde réel.
Précisons néanmoins que Love for Live n’est pas qu’affaire de misérabilisme. Le cinéaste ponctuant son film de petites touches humoristiques et de petites querelles de village donnant un peu de vie et de piment à l’ensemble : l’affaire du manteau volé de Qin Qin, du carnet de notes d’un des villageois un peu simplet ou encore de la ration de riz cachée par la cuisinière du village poussent la narration à se renouveler avec toujours comme issue, une certaine forme de douleur. Effectivement, comme un symbole riche de sens, la plupart des personnages sont accouplés à leur objet fétiche, et lorsque ce dernier n’est plus, ne marche plus ou disparaît, c’est leur propriétaire qui est foudroyé par la maladie. Une petite pirouette scénaristique parfaitement utilisée dans l’ascension du film, lente mais certaine, vers l’émotion pure. Parce que l’on s’intéresse aux personnages, bien écrits et tous superbement interprétés. Un regard, une parole, un sanglot toujours retenu, tout confine à l’émotion brute captée de main de maître par le trio de chefs opérateurs Gu Changwei-Yang Tao-Christopher Doyle, dont le dernier a très vraisemblablement filmé la plupart des séquences charnelles du film, notamment la dernière entre Aaron Kwok et Zhang Ziyi, sublime dans sa représentation de l’amour et la mort, donnant toute sa signification au terme « chaleur » et « charnel ».
C’est pour ses fulgurances et ses belles idées scénaristiques émouvantes (les marches de la montagne franchies par le jeune couple ou encore leur remariage) que Love for Life se distingue de la chronique sociale chinoise en milieu rurale qui pourrait tendre à une certaine complaisance dans l’exposition du malheur des gens. Il suffit de voir les trois quart des séries télés locales pour se convaincre que la tendance est aux larmes et à l’exploitation jusqu’au-boutiste du malheur des gens, mais GU Changwei se distingue de cette mode et expose tout l’art de sa grande pudeur cinématographique. Le film est magnifique, certes rongé par le mal et le regard effaré des gens non contaminés vis-à-vis des malades, mais toujours porté par la volonté de ces mêmes malades d’outrepasser la difficulté de leur condition et de vivre comme n’importe qui, en établissant leur propre société.
Lust, Cautious
L'idée du nouveau film de Gu Changwei lui est venue, après que sa femme lui ai demandé de s'intéresser au délicat cas du SIDA en Chine après une conférence internationale sur la prévention en Thaïlande. Comme il est bien connu, que l'on ne refuse jamais rien à une femme, surtout en Chine, Gu va donc se plonger tête la première dans les recherches, qui vont à la fois aboutir à la réalisation d'un court-métrage de prévention, "Les paysans solidaires" et d'un documentaire coréalisé avec Zhao Liang, "Together", qui raconte la vraie historie de malades du SIDA, qui jouent également dans le long-métrage de fiction.
L'intention a été notable, surtout après les récentes révélations de contaminations par du sang à très grande échelle dans certaines petites Provences de la Chine, où les locaux se meurent sans aucune assistance de l'Etat responsable de l'acte et – pire – en transmettant le virus en l'absence de toute prévention…Malheureusement, ce long fait beaucoup moins office à pointer du doigt ce terrible méfait (censure oblige), ni à "éduquer" le grand public sur un sujet encore terriblement méconnu; au lieu de cela, Gu se focalise entièrement sur son duo de vedettes, très à l'aise dans leurs rôles d'amants maudits, Zhang Ziyi (sans aucun doute dans l'un de ses tous meilleurs rôles) et Aaron Kwok (étonnamment supportable et de plus en plus convaincant en tant qu'acteur avec les années).
C'est donc avant tout une histoire d'amour contrite, extrêmement pénible à vivre pour nos deux amants, qui vont finalement la vivre à fond sachant leur issue inexplorable. Rarement, on aura vu un tel étalage de bons sentiments, surtout pour une culture asiatique plutôt discrète en ce qui concerne les sentiments amoureux et surtout, surtout dans une histoire, qui est tout sauf correcte, les deux amants abandonnant leurs familles respectives pour vivre leur propre histoire. Cela donne lieu à quelques énormes temps morts, où les deux tourtereaux font ce qu'il leur plaît, comme à des moments plus gracieux, où ils prennent tout le malheur du monde sur eux face à l'abandon de leurs pairs – comme dans cette poignante scène de célébration de "mariage".
En revanche, le film rate totalement le coche point de vue SIDA. Non seulement, il passe très rapidement sur la contamination, n'examine absolument pas tous les tenants et aboutissants du pourquoi du comment, mais en plus se sert surtout de seul prétexte du pur mélodrame. Cela nous donne d'ailleurs lieu à des scènes d'une maturité incroyable, comme on a pu en connaître dans les films HK d'exploitation des années 1980s et 1990s, quand le SIDA fut "révélé" au grand public et servait de point de départ à tout un tas de blagues franchement douteuses. C'est ainsi que deux jeunes hommes bavent devant Zhang Ziyi en nuisette et que l'un dit à l'autre: "Combien j'aimerais avoir le SIDA pour pouvoir me le taper !" et que Deyi les prend en chasse et leur lance tout de gai: "Viens là, que je te le refile !"…Ouiche…Reste la plastique superbe de Zhang Ziyi, qui donne son tout dans la magnifique scène de fin (quoique totalement irréaliste), où elle va faire des allers-retours avec un bac d'eau glacée, où elle s'immerge totalement pour ensuite refroidir le corps brûlant de fièvre de son amoureux…C'est kitsch, mélo, mais ô combien romantique.
Bref, en tant que grand drame d'amour, "Love for life" (aka "Life is a miracle", aka "Til death do us part") tient toutes ses promesses…mais d'une manière extrêmement maladroite sur un sujet foncièrement grave, qui aurait mérité beaucoup mieux par un réalisateur, qui en aurait été capable, en plus…
A noter les caméos des camarades réalisateurs Jiang Wen, Feng Xiaogang et Lu Chuan.