Une étrange réussite
Il est inutile de dire que
Love & Pop est déconseillé aux estomacs fragiles et aux allergiques du film turbo. Anno Hideaki, animateur reconnu notamment chez Miyazaki ou en tant que réalisateur de la série populaire
Evangelion, distille en l'espace de près de deux heures un savoir-faire acquis dans le domaine de l'animation, produisant ici un effet à double tranchant. Si le film ne se distingue pas d'une quelconque "descente aux enfers" à l'humour noir très prononcé, il parvient néanmoins à marquer au fer rouge son empreinte déjantée dans l'univers de la comédie dramatique "stylisée" renvoyant un Tsukamoto aux oubliettes sans trop sourciller. Ici, robots et salarymen paranoïaques sont remplacés par de jeunes adolescentes entre 16 et 17 ans, plutôt dans l'air du temps, adeptes du speed dating par téléphone histoire de gagner quelques sous. L'une d'entre elles, Hiromi, rêve de pouvoir s'acheter une bague mais ne possède pas assez d'argent pour se l'offrir, elle décide donc de profiter de speed dating douteux pour se faire quelques sous, sans forcément savoir ce qui l'attend. Anno tourne alors en dérision cette mode pour se faire de l'argent facile puisqu'il met en scène avant tout des speed-daters particulièrement pervers ou alors obnubilés par une certaine forme de fétichisme. Cela va du simple salaryman désireux de déjeuner avec deux étudiantes, puis leur faire une morale pas bien cohérente, au type illuminé souhaitant "nourrir" ses deux invités avec une quantité de plats et de leur parler cuisine toute la soirée. Autre exemple de délire pervers, un homme de bonne condition amène ses hôtes dans une salle de karaoke pour ensuite les inviter à mâchouiller des grains de raisin puis de les recracher dans une petite capsule scientifique. Le personnage, pourtant "monsieur tout le monde" s'équipe de tout un attirail de chirurgien et récupère les restes mâchouillés avec pincettes et tout le grand jeu.
Love & Pop pousse aussi le concept des rencontres hasardeuses potentiellement dangereuses assez loin et multiplie les rencontres entre Hiromi et une poignée de personnes délurées, dont un pervers atteint du syndrome de Tourette et un Asano Tadanobu absolument méconnaissable dans la peau d'un personnage à deux facettes, à la fois moralisateur, dangereux et dérangé. L'occasion pour le cinéaste d'y mêler à la fois critique sociale inquiétante où de jeunes adolescentes semblent totalement perdues dans cette fourmilière qu'est Tokyo et pur projet artistique dans la mesure où Anno utilise sa caméra comme un fou furieux sous acides. Tous, absolument tous les angles sont passés au crible par le cinéaste, faisant de sa caméra un pur acteur à part entière, multipliant les vues subjectives, les cadrages surréalistes, les distorsions de format et autres grands angles par dizaines pour une immersion absolument totale, aussi rebutante que fascinante. Chez certains, un temps d'adaptation sera sûrement nécessaire, accouplé à une bonne dose de motivation sous peine d'appuyer sur la touche "stop" plus vite que prévu, le cinéaste se fichant de tout procédé visuel et narratif classiques comme on en a l'habitude de voir. Evoquons aussi le montage, quasi épileptique, faisant la part belle aux images subliminales et autres superpositions bien fouillis. Si l'idée est intéressante, le spectateur non japonais risque de laisser passer bon nombre d'informations à l'écran en lisant les sous-titres du fait de dialogues extrêmement nombreux. Il n'est pas rare en effet d'avoir une dizaine de plans différents lors d'une simple conversation. A la fois projet artistique audacieux, décalé, hermétique mais très souvent impressionnant et dénonciation du speed dating par téléphone pour le pognon, Love & Pop est une comédie dramatique nippone version anarchiste, option délurée.
Intéressant et bizarre
Dans la même veine que Bounce ko-gals, Love & Pop tente de dépeindre l'histoire de jeunes filles tentées par l'argent facile, encore une fois à Shibuya. Ce désir est symbolisé par une bague ornée d'un Topaze qu'une des quatre fille a pour but de pouvoir acheter avant la fin de la journée, ce qui implique qu'elle doit faire des rencontres éclairs avec un certains nombres d'hommes plus ou moins bizarres pour obtenir cet argent. L'histoire se veut évidemment moralisatrice, mais se démarque énormément de Bounce ko-gals ; en effet, dans ce film on sentait une certaines connaissance des profondeur du vice alors que Love & Pop reste braqué sur des filles plus jeunes qui ne sont jamais allées loin dans ce genre de pratique. Coté ambiance, c'est également bien différent ; les prises de vues donnent un air documentaire ; par contre le montage est très vif et prises de vues un peu spéciales, ce qui perturbe au début mais devient quasi naturel par la suite. L'interprétation n'a rien a se reprocher et le tout apparaît au final très crédible. Finalement encore une leçon comme il en existe sans doute des tas sur ce sujet, mais le message passe très bien, même si la fin en philo bizarre sert un peu à rien.
22 janvier 2006
par
Elise
La petite histoire de 4 jeunes adolescentes, filmée par un fou.
Une histoire commune, comme il en existe des tas au Japon, où 4 amies de lycée se débrouillent pour obtenir ce qu'elles veulent. Les RDV rémunérés avec des inconnus se révèlent être le moyen le plus simple et rapide pour gagner de l'argent, elles en profitent et se retrouvent donc parfois dans des situations plus que délicates. Chacune continue ensuite sa vie de son côté... endurcies par tous ces moments glauques de leur période frivole.
Ce pourrait être un petit drame tranquille à priori, mais c'était sans compter ANNO Hideaki à la réalisation ! Ce fou du mouvement et du plan tordu nous confectionne durant presque 2h un film expérimental. Le film vaut vraiment le coup d'oeil ne serait-ce que pour cet aspect particulier, caméra à bout de bras et effets bizarres dont il a le secret.
A noter la présence de ASANO Tasanobu, toujours égal à lui même, collant aux rôles de dérangés encore mieux que quiconque :)
Malgré tout, le film ne m'a pas donné véritablement un bon résultat dans sa globalité. Le côté amateur et surtout la dose de philosophie pour ado y sont sûrement pour quelque chose...
Love and Freedom
On dira ce qu'on veut de l'histoire, qui en effet tourne autour d'un thème souvent emprunté par le cinéma nippon. Mais si un film valait le coup par son histoire, ça se saurait.
Parce que voilà, c'est Hideaki Anno aux manettes, et Love & Pop est un film qui ne ressemble à rien de connu.
D'accord le caméscope DV c'est suprêmement moche, impossible ou presque d'avoir une bonne photographie avec ce genre d'engin. Mais ça permet tout plein d'autres choses, et Anno ne s'en prive pas. Au menu des réjouissances donc, des hallucinantes alternances de points de vue encore plus hallucinants - vue subjective, ou vue d'endroits aussi incongrus qu'un micro-onde, une petite culotte ou le fond d'un verre,... -, grands travellings dans tous les sens, plongées et contre-plongées vertigineuses, caméra rasant le bitume ou au contraire frolant le plafond,... Anno tente tout, même le plus insolite, le plus extrême. Définitivement casse-gueule, il agrémente ses cadres iconoclastes d'un montage pas moins expérimental. Entre raccord parfois très serrés et plan séquence, profusion de hors-champs d'un coté et gros plans sur les acteurs de l'autre, incrustation de textes écrits et pixellisation de certains éléments, l'heure est définitivement à la variété la plus totale, voir même au complet portnawak. Variété/pornawak/LIBERTE que l'ont retrouve au niveau du mixage audio qui ne flatte pourtant pas vraiment les tympans - Love & Pop n'est de toute façon pas un film qui prend le spectateur dans le sens du poil - mais à la manière de la vidéo opère dans la rupture, et se permet parfois des superpositions hasardeuses.
Ultime audace dans un film qui n'en demandait pas tant, Hideaki Anno se permet de se libérer de son format d'image en le changeant allégrement tout le long du film, alternant 1.33 et 1.85, sans oublier ces formats bizarroïdes comme ce cadre hyper serré plus haut que large, ces plans étirés et déformés, ou encore cette idée extraordinaire d'inscrire le texte en dehors de l'espace occupé par l'image. Sans compter qu'en plus de totalement faire exploser la notion de format d'image et de cadre, ce réalisateur fou furieux et décidément génial en crée de nouveaux par l'intermédiaire de split-screen.
Libre à vous de voir de l'esbroufe dans ce magistral pied de nez à tous les codes de bienséance cinématographique.
Et malgré tout cela, au delà de l'objet audacieux et formel, Love & Pop est un des plus beau teen-movie réalisé ces dernières années. Juste, incarné, pas moral ni moralisateur, perdu, poignant, désespéré juste comme il faut.
Sans m'étendre sur le sujet et multiplier les exemples, mais quelle illustration magnifique de confusion mêlée d'insouciance, de moite saleté et d'oppression, d'incertitude, que ce fascinant générique de fin sur fond de j-pop nian-nian, ces quatre écolières avançant en aveugle, salopant leurs chaussures vernies et leurs loose-socks dans la vase d'un canal asséché, surplombées par des vieux immeubles qui leur cachent l'horizon et semblent les engloutir !
Love & Pop est ainsi ; abrupt, beau, étonnant et paradoxal. Et un gros "F*ck off" à tous ceux qui pensent que le cinéma, comme les jeunes filles, devrait rentrer dans un moule.
03 janvier 2007
par
Epikt
un film qui sent tout d'abord le réchauffé de ALL ABOUT LILLY CHOU CHOU, (le réalisateur a bossé sur le film de IWAI shunji): des jeunes lycéennes, du grand angle à tout va, erik SATIE en fond, bref des points communs mais LOVE & POP se rapproche tout autant de BOUNCE KO GALS de par le contenu, à savoir ces jeunes lycéennes qui vendent leur services pour des repas, des soirées, avec des mecs bien chelous la plupart du temps.
niveau réalisation, c'est tourné au camescope dv appremment, du grand angle donc pas²très inspiré, et le rendu semble être le style documentaire. on est très loin de la maitrise d'IWAI, notamment pour la photo et le cadrage,²cen'est pas²du grand art mais c'est dynamique. beaucoup trop de tics et d'effets dont on peut douter du sens s'il y en a un.
les acteurs/actrices sont pas mal, ça sonne naturel, les filles sont mignonnes et l'ensemble ne nuit pas au film.
ce petit film en restera un, mais ce n'est pas déplaisant à voir, meme si visuellement beaucoup trouveront certainement que ce n'est que de l'esbrouffe, ce qui est un peu mon avis. ce qui m' intéressé c'est l'aspect documentaire.