| Xavier Chanoine | 2 | Potentiel ruiné par un manque de matière |
Malgré sa bonne petite visibilité dans certains festivals (Vancouver, Tokyo, Rotterdam, Kinotayo...), on se demande encore ce qui plaît chez Yamashita Nobuhiro, auteur ici d'un film pas franchement emballant ni même audacieux sur le plan formel. Deux types (M. Tsuboi et M. Kinoshita) parcourent à pieds une partie du Japon, parlent d'eux et des autres. Ce qui peut être amusant c'est de s'imaginer que Yamashita ait voulu montrer la facette particulièrement ennuyante de deux japonais pas plus formidables qu'un autre, qui peuvent faire rire parce qu'ils sont "cool" et qu'ils prennent la vie comme elle vient, sans apporter une touche d'artifice à leur ballade faite de rencontres assez improbables. Il y a d'abord cette nuit passée chez l'habitant, un gaijin et une japonaise tout ce qu'il y a de plus classique. Il y a aussi cette rencontre avec une jeune femme, Atsuko, avec qui ils vont passer une partie de leur périple dans une salle d'arcade et au restaurant, puis la quitter sans même dire au revoir. Evidemment Yamashita ponctue son récit de quelques notes de suspense assez insoutenables comme lorsque Tsuboi pense que Kinoshita est gay, ce dernier faisant tourner uniquement des hommes dans ses films. On note aussi cette petite fantaisie (volontaire ou pas?) dans le nom "Tsuboi" qui veut dire "génial" ou "excitant", c'est à dire tout le contraire de ce que dégagent les deux protagonistes. Forme d'ironie ou coïncidence parfaite, on ne saurait trop dire. Road movie à pieds un peu faiblard, The Ramblers est en partie gâche par son approche trop auteurisante d'un sujet qui laissait prétendre à plus d'ironie et d'autodérision comme le très terne, sombre et désopilant Driving with My Wife's Lover du coréen Kim Tae-Shik qui assume à fond sa roublardise.
The Ramblers n'est qu'une tranche du parcours de deux mecs un peu paumés à qui il n'arrive rien de très passionnant. Un peu fâcheux vu la maigreur du pitch, le principal intérêt du film étant de pointer du doigt la solitude et l'ennuie émanant de ces deux êtres perdus dans une société vide et hermétique, mais le film tourne en rond et n'atteint jamais le plafond "émotion" malgré des qualités solides : une mise en scène certes très auteurisante mais bien cadrée et cohérente avec les propos du film (lenteur, dispersion, lassitude), faite de longs plan-séquences, un score à la gratte ironique (surtout en début de métrage) mais qui s'efface pour tomber dans des nappes au synthé pas géniales. L'interprétation n'est pas non plus fantastique, les deux interprètes faisant leur boulot proprement mais n'évitant pas une certaine caricature du comportement blasé des personnages du cinéma japonais des années 90. Le mot d'ordre ici est le tirage de tronche, voix posée et monotone, mobilité des corps et interdiction de courir, le personnage d'Atsuko interprété par Ono Machiko, l'égérie de la précieuse Kawase Naomi, n'apporte quant à elle pas non plus la fraîcheur et la dérision que l'on était en droit d'attendre. Son personnage n'est pas décalé, et le vieillard malade dans le hall de la chambre d'hôte semble être la seule touche d'humour noir du film face au regard médusé des deux compères toujours pas prêts à passer une bonne nuit chez l'habitant. Finalement il ne reste pas grand chose à retenir de The Ramblers, oeuvre au potentiel certain mais plombé par un manque évident de matière et de volonté d'outrepasser les codes d'un cinéma volontairement poseur.
