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Le Salon de Musique
les avis de Cinemasie
3 critiques: 4.5/5
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4 critiques: 4.5/5
Un classique
Qu'importe si l'on n'y connaît rien en culture indienne, qu'importe si l'on découvre son industrie cinématographique par l'intermédiaire du Salon de Musique, il faut reconnaître que Satyajit Ray signe un film important. La beauté absolue des cadres, l'omniprésence des sons des instruments orientaux, la nonchalance de Roy provoquant ainsi sa perte, la confrontation de l'Inde dépassée et du modernisme apparent (criant sur un plan opposant un camion à un éléphant), les nombreuses symboliques du lustre, du miroir ou des tableaux sont autant d'éléments marquants qui participent grandement à l'attachement que l'on éprouve au film. Dire aussi que la chute de l'empire de Roy est due à une simple inondation des terres serait trop facile, le personnage en lui-même n'inspire aucune sympathie. Avachi dans son fauteuil à fumer le narguilé pendant qu'il voit sa richesse partir en fumée, orphelin de son fils et de son épouse qui l'a pourtant mis en gare avant de quitter le navire, Roy "laisse aller" jusqu'à cette dernière réception dans son salon de musique ouvert de nouveau pour l'occasion : au film alors de culminer dans un climax hallucinant divisé en deux parties. En premier lieu la danse de la jeune femme, psychédélique et merveilleusement accompagnée en musique, puis cette séquence où Roy, seul face aux portraits de ses arrières grands-parents, finit par enfourcher sa fidèle monture pour aller mourir, loin de tous. Un film culte qui n'a clairement pas volé sa réputation de chef-d'oeuvre du cinéma indien.
Eblouissant chef d'oeuvre d'une richesse inépuisable
J'ai découvert ce film alors que je n'étais encore qu'un adolescent. Je me souviens avoir été scotché sur place par sa beauté mystique et ses mélodies enivrantes. L'ayant retrouvé depuis en DVD, je l'ai visionné probablement à 5 ou 6 reprises, et c'est à chaque fois avec un plaisir absolu, et c'est à chaque fois un ravissement de l'esprit, des yeux et des oreilles.
Le noir et blanc sombre de l'image donne à ce palais de maharajah délabré et à ces paysages désertiques un aspect intemporel, celui d'une Inde éternelle fantasmée et irréelle. Il donne aussi à ses personnages une grande dimension fataliste, comme s'ils étaient progressivement entourés par la décadence et la mort sans rien pouvoir y faire, et qu'ils s'y laissaient délicieusement glisser au rythme des instruments et des voix des maîtres de musique qui se succèdent.
Satyajit Ray, le bengali de Calcutta, signe peut-être le film indien le plus magique de tous les temps. Rigoureusement indispensable.
Funeste mélopée
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Biswambhar Roy. De son corps dont l’âme s’est depuis longtemps déjà libérée, il erre entre sa vaste propriété de plus en plus délabrée et son salon de musique qui luit comme une dernière étincelle de bonheur en son regard éteint. On pense inévitablement au Roi Lear devant ce spectacle de l’agonie majestueusement orchestré par Satyajit Ray. Mais on oublie trop souvent que
Le Salon de Musique est avant tout basé sur la nouvelle éponyme de Tarasankar Bandyopadhyay. L’échec cuisant de son précédent film,
L’Invaincu, l’ayant placé dans une position financière inconfortable, Ray décide de mettre sa veine naturaliste entre parenthèses et de miser sur un projet vraisemblablement plus accessible au public local, puisant à la fois dans la littérature bengalie populaire et la musique hindoustanie traditionnelle. Le résultat est une œuvre fiévreuse et lancinante, portée par l’interprétation habitée de Chhabi Biswas que la caméra ne quitte pratiquement pas d’une semelle si ce n’est le temps de performances vocales et instrumentales aux vertus étrangement envoûtantes. Davantage encore qu’auparavant, Ray n’hésite pas à utiliser toutes les ressources d’un tempo extrêmement lent et d’un montage déhiérarchisé (dans la mesure où les temps morts sont filmés avec autant d'importance que les climax) pour raconter son histoire, démarche qui risquera de prime abord de décontenancer les profanes et même les autres. Mais plus le film avance, plus on perçoit ce « confortement » du personnage principal dans la décadence qui se parera de quelques saisissants symboles (l’insecte se noyant dans le thé de l’aristocrate, l’araignée se déplaçant sur la toile peinte qui le représente) avant l’inéluctable plongée dans la folie.
Le Salon de Musique n’a rien de l’insouciance et de l’allégresse occasionnelles des premiers opus de Ray. C’est une élégie de la claustration et de la décrépitude qu’on pourrait effectivement rapprocher des œuvres les plus mélancoliques de Visconti. Un des grands films indiens des années 50.
De grandeur et de cadence
"N'avoir jamais vu aucun film de Ray est comme avoir vécu le monde sans jamais avoir vu la lune ou le soleil". Akira KUROSAWA.
Satyajit Ray marque une pause dans sa fameuse trilogie d'"Apu" pour adapter la nouvelle de son congénère Tarashankar BANERJEE, "The Music Room".
Ray était le premier à vouloir faire de vrais films d'auteur - et de réussir de ses premiers pas en gagnant un grand prix au Festival de Cannes en 1955 avec son "Pather Panchali". Considéré comme l'un des 25 plus grands réalisateurs de tous les temps, sa filmographie demeure pourtant encore obscur parmi les plus grands des auto-proclamés "amoureux du cinéma".
"Le Salon de musique" est un immense chef-d'oeuvre incontournable. Un classique comme on n'arrive plus à en faire. Tel un roi Lear, Huzur est un noble déchu, vivant de ses derniers déniers d'une ancienne richesse d'une famille aristocratique. Le film est composé de flash-backs de ses dernières années, jusqu'à arriver à l'image hantante du début du film du noble déchu installé sur une terrasse vie et craquelée donnant sur son domaine désert. Une mauvaise gestion de ses affaires et un enchaînement de catastrophes naturelles ont eu raison de son statut : il aura tout perdu de sa richesse jusqu'aux membres de sa famille.
Il ne trouve le reconfort que dans la musique et partage sa passion avec proches et voisins en donnant d'onéreux concerts de chambre au sein de son domaine.
Il vivra sa passion jusqu'au bout, donnant ses dernières pièces d'or à une musicienne au cours d'un ultime récital.
Tout n'est qu'atmosphère dans le film, des difficiles moments tourmentés en tête à tête avec lui-même jusqu'à l'envolée des notes et rythmes lancinants au cours des concerts de chambre.
Dans le rôle titre, l'acteur fétiche (jusqu'à sa mort prématuré au début des années '60s) Chhabi Biswas donne une interprétation digne des plus grands en magnanime déchu, sorte de mélange entre le roi Léar et un Citizen Kane à la retraite.
L'atmosphère orageuse et nombre de plans métaphoriques (araignée sur le portrait du noble; insecte se noyant dans un verre;...) hantent le spectateur encore longtemps après la vision de cet unique chef-d'oeuvre. Une rare claque cinématpgraphique, une lecon d'humilité magistrale d'un jeune réalisateur au seuil de sa gloire.