Un documentaire traitant plutôt bien son sujet
Avant la projection, nous avons eu la chance d'assister à une présentation relativement longue de ce documentaire par Yoshida Kiju et sa femme. Presque émouvant, c'est un cinéaste extrêmement sage et respectueux qui nous adresse des mots qui lui viennent du fond du coeur, non sans rappeler une certaine nostalgie qui parcoure alors la salle, Yoshida nous racontant quelques anecdotes de l'une de ses rencontres avec Ozu : Yoshida avait publié un papier dans un magazine critiquant l'une des oeuvres d'Ozu, puis vint un jour où les deux hommes se sont rencontrés par hasard. On apprend alors qu'Ozu était installé à côté de lui, silencieux pendant deux heures. Ozu tenant bien l'alcool, Yoshida fut invité à y prendre part lui aussi. Pas un bruit pendant deux heures. Même si nous l'apprenons au cours du documentaire, Yoshida a pris rendez-vous avec Ozu lorsqu'il était extrêmement malade, en phase très avancée de son cancer : Ozu lui dit alors que le cinéma n'est autre qu'une comédie dramatique. Mais attention, si Yoshida reconnaît un véritable respect pour ce dernier, il n'en a pas pour autant été influencé au cours de sa carrière puisque trente ans de différence les séparent : Yoshida n'allait pas faire du Ozu, il devait vivre et tourner avec son temps.
Lorsque Okada Mariko pris la parole, sa grâce et sa tenue générales ont pris le dessus. Elle nous raconta qu'elle ne connu pas son père (décédé de la tuberculose lorsqu'elle avait un an), qui fut l'un des acteurs d'Ozu à l'époque du muet. Okada Mariko ayant elle aussi tourné avec Ozu, notamment dans son film testament Le Goût du saké, nous disait qu'Ozu était comme un père pour elle puisqu'il lui racontait tout de lui. Les deux grandes figures de la Nouvelle Vague japonaise doivent donc beaucoup à Ozu et c'est pourquoi en 1993 Yoshida Kiju décida de parler de son "mentor" spirituel au travers d'un documentaire retraçant les images les plus symboliques de son cinéma, sur la vie, la relation père-fils, les regards, et le Tokyo qu'il n'a jamais dépeint malgré tout son amour. On découvre (ou redécouvre) des extraits de Il était un père, Voyage à Tokyo, Choeur de Tokyo, Gosses de Tokyo, Une Poule dans le Vent, Le Fils Unique et Le Goût du Saké parfois commentés par un Yoshida qui ne paraphrase pas pour autant ce qu'il voit. Si certains commentaires se veulent très théoriques, ils n'en demeurent pas moins enrichissants, donnant ainsi une autre approche du cinéma d'Ozu où chaque geste semble être riche de sens et de symbolique. Le cinéaste souligne aussi qu'Ozu est un des rares réalisateurs japonais qui n'a pas été obligé de mettre en avant l'armée japonaise dans ses films lors de la guerre, et il se demande encore aujourd'hui comment il a pu faire pour que ses films aient l'aval des autorités pour être diffusés.