Comédie chatoyante...
Le Chat Botté est le film qui vient tout de suite après Horus Prince du Soleil et comme tel se révèlera une vraie partie de plaisir pour les animateurs de la Toeï. Cette histoire qui fait directement référence au conte de Perrault en lui rendant un bel hommage (le chat de l’histoire se nomme d’ailleurs Pero) est aussi légère et pétillante que Horus est sérieux et épique. Du début à la fin on ne voit pas le temps passer, le rythme est enlevé, les personnages tous réussis (magnifique travail de création de Mori Yasuji), l’humour constant et les moments de bravoures en nombre. Une réussite totale dans son style et qui fût abordée par ses animateurs comme une bouffée d’oxygène après la difficile production de Horus.
D’une certaine façon Le Chat Botté est à l’exact opposé du premier long de Takahata dans l’exécution ; Le Chat est un film d’animateurs avant tout : pas de vision prépondérante du réalisateur qui se « contente » de rendre cohérent le travail de ses animateurs sur la base duquel (l’e-konte/storyboard) est construit le récit. Chacun de ces derniers ayant à s’occuper de scènes bien précises cela implique une plus grande souplesse de fonctionnement et une liberté accrue. Les différentes scènes du Chat Botté reflètent ainsi fortement la personnalité, le style, de l’animateur qui s’en est chargé : par exemple on doit la scène des transformations de Lucifer à Ôtsuka, celle –très drôle- du trône de Lucifer qui se transforme en toboggan à Kotabe, à Mori la scène ou Pero et le jeune Pierre partent à l’aventure en chantant, tout le final-la course poursuite endiablée dans le château de Lucifer- est quant à lui le fait de Miyazaki qui nous offre là le chaînon manquant entre sa vision du château du Roi et l’Oiseau de Grimault et son premier film d’animation comme réalisateur avec le Château de Cagliostro...
Qu’on ne s’y trompe pas, si Le Chat Botté en plus d’être un concentré de plaisir dans sa narration, est doté d’une qualité d’animation –d’un niveau formel- toujours aussi « compétitive » (expressive, équilibrée etc...) malgré les ans et une certaine disparité dans le chara-design (du fait de la liberté accordé aux animateurs), c’est avant tout le résultat du travail et des techniques accumulé pendant la réalisation de Horus. Un film qui n’a pas pris une ride...
18 février 2004
par
Astec
Chat me botte !
Comme le nez de Cyrano venant d'encaisser un bourre-pif dans une bagarre générale, je suis épaté ! Je m'attendais à une démonstration festive, une poilade de type « Les joyeux pirates de l'île au trésor » où, déjà, officia le sieur Miyazaki – et découvert lors des 10 ans de Cinemasie -, mais force m'est de constater que ce Chat botté lui est non seulement supérieur mais aussi sacrément bon ! Vu en français en compagnie de ma descendance, encore un peu trop jeune, qui a sans doute aimé la chose pour faire plaisir à pôpa (« bon, maintenant on met Tchoupi, hein dis?), j'ai pris un panard primaire total. La liberté de ton y est rafraîchissante, la joie de vivre de notre héros de chat communicative, l'esprit chevaleresque palpable, l'action trépidante, l'animation fluide et, surtout, pour moi qui avoue aimer lorsque ça chante comme il faut (bon dosage dans le film, qualité d'écriture et de composition s'entend), j'ai été formidablement servi par cette vf pertinente qui renvoie aux bonnes adaptations que vous connaissez (Mulan ou encore L'étrange Noël de Mr Jack pour ma pomme). L'introduction de rimes dans la réécriture des chansons (re-création) prolonge l'influence de la littérature épéiste française, Edmond Rostand en tête lorsqu'un jeune homme donne littéralement (donc) sa langue au chat via un emprunt remarqué à Cyrano. Le berger raque !
Même si le chat botté, icône de la Toei, s'accroche en haut de l'affiche avec ses griffes, le jeune garçon, Pierre, héros en devenir, n'est en rien un faire-valoir ; il existe, évolue, et m'a d'ailleurs rappelé un des héros de mon enfance : Rody le petit Cid, alors au fier générique chanté par Thierry Le Luron. Ce petit être permet d'équilibrer formidablement les enjeux, de faire s'accorder à la perfection les scènes entre elles. L'alchimie fonctionne du feu de Dieu, de telle sorte que tout le climax, véritablement haletant, se termine en apothéose avec ce merveilleux vol d'oiseaux en lieu et place du bouquet final ; feu d'artifice de plumes blanches d'un romantisme exacerbé. Dont a sûrement du se souvenir Mamoru Oshii pour illustrer sa conclusion dans Patlabor 2, soit dit en passant aux passants qui passent. Au spectacle de se refléter dans mes yeux rajeunis et émus.
Si j'ai peut-être besoin d'un peu de recul pour savoir si je préfère Le chat botté au Château de Cagliostro, qui paye en effet tout autant son tribu à notre Bergère et le ramoneur – en plus du château tarabiscornu, le petit Pierre ne ressemble-t-il pas au célèbre ramoneur ? -, j'ai un a priori positif sur ce chat explosif à l'univers plus enfantin que celui de Lupin III, « Edgar de la cambriole », d'ordinaire plus enclin à la gaudriole qu'à la farandole. Oublions un peu Miyazaki : le boulot d'équipe est ici en symbiose au service d'un projet commun réussi et au character design vieillot mais changeant de cette Miyazaki's touch à la longue fatigante. Cela fait un bien fou. Et les chats sont fous, c'est bien connu.