La femme inceste
Premier véritable chef-d'oeuvre d'Imamura, où il déploie toute l'étendue de son talent et réussit à traiter de tous ses thèmes favoris.
Les progrès du réalisateur entre ses précédents films, voire même par rapport à son précédent, "Filles et gangsters" (aka "Cochons et Cuirassées") sont proprement hallucinantes et après avoir fortement inspiré le film de yakuzas, il sera à l'origine de la vague des pinku eiga à venir - bien malgré lui, car le cinéaste n'avait certainement pas pensé son oeuvre prompte à affoler une foule masculine. Au contraire, les scènes de sexe se limitent à de l'inceste, des viols, de la prostitution ou de "l'amour par intérêt" et ne mettent franchement pas les protagonistes sous une lumière la plus reluisante.
L'épopée s'étendant sur plus de quatre décennies dans la vie d'une femme est tout simplement somptueuse et rien, ni personne n'est épargné. Une nouvelle fois, le cinéaste puise dans des souvenirs très personnels de ses folles années sous l'occupation américaine en détaillant la vie des prostituées. Outre la parfaite organisation, ces évocations donnent lieu à des coquettes anecdotes, comme celle du racolage de jeunes femmes innocentes par le biais de l'église ou la mise en scène d'une première défleuraison (prix plus cher), en préparant une seringue de sang d'une prostituée et d'un pauvre chat passant par là...
Imamura ne cherche pas du tout à choquer; mais il ne se prive pas de décrire crûment un quotidien généralement tacite d'un milieu peu connu. Avant son "Profond désir des Dieux", il accorde déjà une large importance aux croyances religieuses et dépeint une vie à la campagne menée par l'inceste, le sexe et la crasse. Et pourtant ce sera cette vie pour laquelle optera la fille de l'héroïne, incarnant l'amour des racines même du Japon profond du réalisateur.
Et la vie - déjà toute tracée par quelque divinité supérieure, et, dans le présent film, par le "Dieu" scénariste Imamura - de ressembler davantage à une compétition, où les champions se retrouvent déchus du jour au lendemain, que de la faune insouciante des insectes...