Xavier Chanoine | 2.75 | Gaché par un style pointu mais impersonnel |
Ordell Robbie | 1.5 | Du vent... |
L'idée de confronter deux êtres d'eau et de feu logiquement opposés est un des éléments encourageants du film. Pourtant, si l'on y regarde de plus près, La Femme de l'eau dispose d'un paquet de défauts malgré un pitch de départ intéressant. Le vrai problème est l'incohérence de la mise en scène de Sugimori, étalant sur près de deux heures tous les tics possibles et inimaginables venant de la pub (la séquence où UA, de dos, recueille des perles de pluie dans sa main est un des nombreux exemples) et les autres à l'origine du cinéma d'auteur plasticien par excellence (les quelques interminables zooms) qui font que le film manque de sincérité et de personnalité sur le plan strictement formel. A vrai dire, même la narration peut jouer des tours par son côté roublard et facile notamment dans la relation qu'entretiennent Yusaku et Ryo malgré leur opposition : une incompatibilité vitale et amoureuse donne pourtant lieu à quelques moments gentiment intimistes et déjà vus comme lorsque les deux tourtereaux improvisent une partie de badminton dans le bain public ou font l'amour en pleine nature. Du cliché, certes, mais le langage des "sens" est perceptible grâce à l'interprétation intéressante de UA et Tadanobu Asano. Deux personnages orphelins de leurs parents (au cinéaste hélas d'instaurer la symbolique facile du collier appartenant à la mère d'un tel), deux êtres dans la douleur, qui seront paradoxalement amenés à être séparés par la "mère" de Ryo, clocharde recueillie par cette dernière.
Le film vaut en revanche pour quelques séquences joliment barrées qui ont le mérite de créer une rupture de ton dans cette entreprise incroyablement lente : la présence du vieux peintre venu redonner un coup de jeune au mont Fuji peint en façade, cet homme accompagné de son chien sur la plage et pris d'une violente querelle au téléphone, cet enfant à demi enfoncé dans le sable. Le souvenir est aussi grandement -mais parfois lourdement- évoqué au cours de l'oeuvre hélas entachée par une quantité hallucinante d'ellipses ou de séquences qui ne trouveront de sens que bien après (le bras enfoncé dans la terre, la vue subjective trouble et renversée), le cinéaste se la joue alors donneur de leçon dans sa démarche de narration ou simple opportuniste pompant un style que l'on a déjà vu chez un Kurosawa Kiyoshi ou un Iñarritu. Moyen, mais si l'on regarde cela d'un oeil un peu naïf on peut y voir de bien belles images et un bien beau conte. En fin de métrage, la fatalité est téléphonée, mais prouve que le feu et l'eau sont bien incompatibles malgré les efforts de chacun. Propos puérils ou vraie vision d'auteur de la chose, chacun se fera une opinion s'il désire tenter cette aventure bleue marine pas inintéressante mais loin d'être aussi prometteuse qu'on pensait au vu d'un tel script casse gueule.
Du potentiel, la Femme d'eau en avait sur le papier. La présence au casting d'une Ua ayant composé le score du beau Shara suscitait un minimum de curiosité. Et puis le minimum d'intérêt que suscite la présence à l'écran d'un Asano Tadanobu au CV doré. Aucun des deux n'a d'ailleurs de part de responsabilité dans le ratage du film. On ne saurait en dire autant d'un Sugimori Hidenori. Cet admirateur avoué de Renoir (le titre clin d'oeil à la Fille de l'eau) affirme avec beaucoup de modestie être loin d'avoir le talent de ce dernier. Au vu de ce film arrivant en France après avoir fait son petit tour des festivals internationaux (Venise, Sundance, Rotterdam...), on ne le contredira pas.
Histoire d'évacuer les question "culturelles", évoquons à ce stade la place du "sujet" dans la culture nipponne. Les hommes pluie et femmes pluie sont au Japon des êtres censés amener la pluie à chacune de leurs apparitions. Sujet qui devient prétexte à un film reflet d'un des travers récurrents d'un certain cinéma d'auteur "pubeux": n'être pensé qu'en terme de concept(s). Il s'agit ici de confronter cette femme pour qui il pleut à chaque étape importante de sa vie à un pyromane (un homme feu en somme). Quant au bain public dont l'héroïne est propriétaire, il a été choisi de l'aveu du cinéaste parce que c'est un lieu où se rencontrent eau, air, terre et feu. Tout le film n'est ainsi pensé qu'autour de la confrontation des grands éléments naturels. Confrontation où la déclinaison de concept prime sur une progression narrative déjà pas gâtée par l'abus d'ellipses du récit. La mise en scène de Suginori est quant à elle plombée par les travers d'un certain "cinéma fait par d'ex-réalisateurs de spots publicitaires". Soit un recours quasi-systématique à des cadrages, des angles de vue qui ne sont là que pour faire du plan "joliment" composé et des idées sentant l'affèterie (ces zooms démesurément lents...). De l'esthétisme publicitaire version contemplative qui finit par agaçer à la longue...
Et de notre côté on préférera toujours les vrais talents à l'ego démesuré à un Sugimori dont la lucidité sur ses limites actuelles en tant que cinéaste n'excuse pas la médiocrité.