visiteur | note |
Sauzer | 2.5 |
Manolo | 3.5 |
LIVEFROMHK | 3.25 |
le singe | 3.5 |
chronofixer | 3.5 |
Bastian Meiresonne | 2.75 |
L'inquiétude préalable
Une énième comédie de Wong Jing, un gambling-movie qui plus est, réutilisant une bonne partie du supporting cast de "Kung Fu Hustle" et parodiant le tarantinesque "Kill Bill"... Voila de quoi laisser perplexe ceux qui souhaiteraient d'avantage que rigoler légèrement du coin de l'oeuil et/ou en avance rapide sur une production pré-formatée et sans surprise. Mais ce petit "Kung Fu Mahjong" ne mériterait-il pas mieux qu'un a-priori fondé par l'habitude et ne recèlerait-il pas malgré tout quelques bonnes surprises... Il faut là savoir compter avec le génie épisodique de ce grand du cinéma HK qu'est Wong Jing, quoi qu'on en dise.
Les bonnes surprises
Première bonne surprise : un scénario de construction des plus honnêtes, léger mais complet et dont les éléments sont amenés avec un soin respectueux (la cohérence à défaut de la vraisemblance, directement hors jeu dans ce genre de productions). Bien que rempli de déja-vus conformément à ses promesses, ne se montre pas systématiquement prévisible pour autant, réussissant notamment à se distinguer de ses prédécesseurs par petites touches d'émotions bien venues. Ca ne fait pas pipi loin mais ça fait toujours plaisir de ne pas se sentir pris en otage d'une énième de pochade bas de gamme (moi, quand j'entame un film, je suis du genre "j'y suis, j'y reste"... et j'en gueule souvent d'avantage à la fin).
Deuxième bonne surprise : l'orientation générale de l'histoire et son traitement. Entre autre, on y trouve quelques scènes dramatiques ou tragiques traitées sur un mode en grande partie suggestif qui donne alors au film un coté sérieux aussi soudain qu'intense, tranchant résolument avec le ton extrêmement léger de l'ensemble mais étant malgré cela tout à fait intégré dans le coté humain général du film. Car si Wong Jing reprend ici une bonne part de la recette de ses propres productions en matière de gambling movie, selon un schéma d'ensemble pré-établi et nous refaisant par exemple le coup de la perte de mémoire du premier "God of Gamblers", l'orientation générale en est toute différente. Ici, le héros se trouve à mille lieux de celui du GOG classieux incarné par CYF en ce qu'il est un personnage ordinaire à la base, ne bénéficiant principalement que d'une capacité de mémorisation hors norme. De même, la scène finale rompra définitivement avec le principe du jeu permanent et de ses dieux torturés.
L'ambiance est donc beaucoup plus proche du tout aussi inattendu "Legend of the Dragon" (1991) de Danny Lee qui reprenait lui-même le schéma wongjing-ien avec un Stephen Chow en génie naïf du billard. C'est dire que d'une certaine manière Wong Jing boucle ici un cycle, partant d'un retour aux sources avec le mahjong, très présent dans le "Challenge of the Gamesters" de ses débuts, et reprennant autant de ses propres productions ou des reprises de ces dernières que des reprises hongkongaises de reprises US d'influence HK ("Kung Fu Hustle", "Kill Bill") mais cette fois-ci à destination presque exclusive du publique local (ce que n'est pas le film de Stephen Chow). Un principe rien moins que réjouissant dans l'idée mais malheureusement très modérément suivi par le publique visé au delà de son démarrage en trombe (1er au box-office HK à sa sortie mais rapidement distancé puis éliminé par l'arrivée de grosses prods US).
Maintenant, pour parler des éléments du contenu proprement dit, s'agissant en premier lieu d'un film opportuniste devant donc répondre aux attentes qu'il suggère, on ne se situe plus vraiment là dans le domaine des surprises mais plutôt dans celui de l'attente. Je ne pense donc pas briser de secret en vous en révélant pêle-mêle quelques-uns parmi les plus marquants du métrage, au fil du casting. Au contraire : su et déjà vu, ça se repasse sans problème et, même, ça se bonifie avec le temps (moi, j'en souris encore en y repensant...).
Au centre, on trouve donc le très très gravement atteint Roger Kwok dans le rôle du nouveau génie du jeu, usant de son aptitude toute personnelle à jouer les attardés et nous gratifiant de deux hilarantes scènes de discussion lyrico-extatique avec ses tuiles de mahjong, la finale étant particulièrement réjouissante. Après une telle prestation, nul doute que cet acteur jusque là principalement actif dans les séries TV accède enfin au rang de "grand de la comédie HK déjantée", si tant est qu'on le supporte et que le genre perdure...
De chaque coté, le scénario leur attribuant en fait la vedette, on a ensuite le plaisir de retrouver le couple Yuen Wah / Yuen Qiu, tout auréolés de leur succès mérité dans "Kung Fu Hustle" et assurant dans une lignée déviante des personnages qu'ils y interprétaient. Ces deux anciens élèves de la "Chinese Drama Academy" du sévère maître Yu Jim Yuen feront à l'occasion preuve de leur multiples capacités de jeu, passant de la comédie au romantisme et à l'action. Et à ce titre, Yuen Qiu assure d'ailleurs à elle seule la plus grosse part des quelques combats parsemant le film, tout à fait honnêtes pour le genre comédie familiale. Parmi ceux-ci, signalons la reprise du combat Turman Vs. Kuriyama de "Kill Bill" (et en costume jaune de Bruce Lee, s'il vous plait, mais avec mimiques évoquant d'avantage Samo dans "Enter the Fat Dragon") mais aussi un affrontement domestique "old school" avec Yuen Wah et un autre évoquant la scène du plateau de tofu de "Wing Chun". En fait, c'est elle la véritable star du film et ça fait rudement plaisir. Elle retrouve enfin ici un rôle à sa hauteur après 20 ans d'interruption (hors son retour grâce à Stephen Chow) et assurément son tout meilleur personnage avec celui qu'elle tenait dans le "Dragon's Claws" de Joseph Kuo en 1979. De quoi confirmer la pertinence de sa présence dans de futures productions.
Face à ce trio de tête, Wong Jing s'est attribué à lui-même le rôle de l'indispensable et puissant adversaire, magnat cynique du jeu de Macau, expert de la dissimulation des tuiles de mahjong et adepte d'une redoutable technique de kung-fu oubliée, la "Fat Mantis" (je ne traduis pas, ça perdrait de son pouvoir évocateur). Puis dans le rôle du non moins indispensable éléments de classe féminine, on retrouve la délicieuse Jade Leung prennant ici la suite des Sharla Cheung et Chingmy Yau. Et pour le reste du supporting cast, on aura droit à la courte mais efficace présence de Teresa Fu et de deux autres transfuges de "Kung Fu Hustle", Lam Chi Chung et Tin Kai Man en plein délire, ainsi qu'aux débordements d'une Iris Wong (nièce d'Eric Tsang et ancienne prétendante au titre de miss HK en 1999) parfaitement méconnaissable dans son rôle de fofolle amoureuse éconduite à la denture proéminente.
Coté technique, rien à redire. A l'image de l'ensemble, c'est basique mais bien foutu, jusqu'au SFX cartoonesques sympas et à la bande sonore respectueuse du genre mais sortant enfin de l'indigence pour ce type de productions. Ensuite, l'intérêt de ce genre de petites comédies résidant principalement dans les situations et l'abattage des comédiens employés que dans de veines prouesses de réalisation, force est de reconnaître que "Kung Fu Mahjong" répond une fois de plus à son cahier des charges. La réalisation bicéphale de Wong Jing et Billy Chung se montre ainsi honnête mais relativement discrète, adoptant un style à mi-chemin entre la bonne comédie cantonaise des années 90 et les comédies nouvelle génération quelque peu plus nerveuses des Wilson Yip, Edmond Pang et autres Dante Lam.
Verdict
Une gambling comedie à la Wong-Jing, tout à fait typée culturellement et profitant de l'opportunité offerte par le succès de "Kung Fu Hustle" pour reprendre ses propres classiques dans une petite production techniquement très propre dont la seule prétention semble être d'offrir au spectateur un petit moment de cinéma sympa et sans abrutissement. Au final, ce "Kung Fu Mahjong" est donc un petit film simple et sans véritable surprise mais fleurant bon le ciné HK des années 90, comportant son lot de scènes de bravoure et réussissant de plus à se montrer émouvant par moment. Personnellement il m'a donné le sourire quasiment de bout en bout et j'en garde un très bon souvenir, en attendant d'y revenir d'ici quelques mois. Plus que recommandable.
Seule petite réserve sur cette production destinée au publique local : il est préférable de s'y connaitre un minimum en mahjong pour apprécier et suivre les multiples scéances de jeu qui parsèment le film, un peu plus techniques qu'à l'accoutumée. Mais bon, on en apprend aussi en regardant le film...