Le mort en direct
Ne vous laissez surtout pas tromper par les vingt premières minutes: ce qui ne paraît qu'un vaste sujet de téléréalité particulièrement mièvre et nauséabond dans la surenchère des gros sentiments exacerbés ne sert finalement que de partie introductive à une délicieuse mise en abime du monde de la télévision en général. Et c'est ainsi, qu'après avoir assisté au sujet "collé / monté", le réalisateur Francis Xavier E. Pasion (avec UN "S" et non pas deux !!) montre l'envers du décor et combien il est finalement facile de berner le spectateur avec un montage très simple de scènes totalement sorties de leur contexte premier.
Francis Xavier Pasion est lui-même issu du monde de la télévision – mieux, il est l'un des collègues parmi les plus proches de Jim Libiran, autre talentueux nouveau réalisateur émergeant avec son "Tribu"…Tous deux partagent d'ailleurs la passion pour un "cinéma-vérité", bien que les styles de leurs films soit diamétralement opposés. "Jay" serait un petit peu l'équivalent des années 2000 de l'incroyable claque cinématographique "C'est arrivé près de chez vous" d'antan; un petit bout de péloche corrosif à l'humour profondément noir, où le rire reste plus d'une fois bloqué au fond de la gorge. Car s'il est aujourd'hui facile de se moquer de certains tabous, ceux que transgresse Pasion – notamment celui de la mort – est encore hautement sensible. C'est ainsi, que l'on va débarquer en tout début de métrage (après la fameuse "partie introductive) une équipe de télévision dans un petit foyer populaire. Ils s'installent dans le foyer familial, sans rien dévoiler de leur présence, si ce n'est qu'ils ne sont pas envoyés par les producteurs de la version du "Loft" local au grand chagrin de la fille aînée. Non, s'ils sont venus, c'est pour mieux capter le chagrin de toute la famille à l'annonce à la télévision de la mort du fils ainé. A partir de là, ils ne vont plus du tout lâcher les baskets d'aucun membre de la famille, au dégoût des uns (notamment pour le fait de ne pas être rémunéré) et au bonheur des autres (le passage à la télévision promet une certaine notoriété locale, si bien qu'une tante s'avère être la reine des crises de larmes improvisées). La petite équipe va même jusqu'à mener sa petite enquête personnelle pour tenter de débusquer le coupable et quand ils s'approchent de la vérité, ils décident de l'enjoliver pour assurer un meilleur spectacle.
On rit donc souvent jaune, honteux d'attendre fébrilement la nouvelle trouvaille et / ou chantage affectif de l'insupportable journaliste pour tenter "d'enjoliver" la réalité pour les besoins de l'audimat. Et la chute du film apprend une nouvelle fois de se méfier de ce qui semblait finalement acquis en ayant un regard dans les coulisses de la préparation de l'émission.
Enfin, un gros R.I.P. au malheureux poussin rose, victime d'un accident pas du tout prévu en cours de tournage, mais qui aura donné l'idée aux faiseurs de film de rajouter une scène tout simplement irrésistible en cours de leur (vrai) tournage de film – non pas sans rendre un tout dernier hommage sous forme d'écrit en toute fin de générique…A lire de toute urgence !!