De l’apprentissage de la vie
Adapté d’un roman thaï sulfureux, Jan Dara narre l’initiation d’un jeune garçon aux choses de la vie jusqu’à l’âge adulte, et sa confrontation avec son beau-père, être haïssable de prime abord, mais dont le destin va se calquer sur le sien au fil des années. Dans une ambiance « années 30 » parfaitement reconstituée par le réalisateur-producteur Nonzee Nimibutr, avec ses costumes d’époque et les tons sépia des images, le film transpire sa sensualité à travers l’écran au rythme des gouttes de sueur qui perlent sur les membres et le front de personnages écrasés par la chaleur tropicale et l’émoustillement de leur sens, très communicatifs par ailleurs.
La première moitié de l’oeuvre est sans conteste la plus belle. Orphelin battu et humilié par son beau-père – qui va jusqu’à forniquer devant ses yeux, Jan est recueilli en secret par sa tante qui lui offre la poitrine maternelle qu’il n’a jamais connu. Entouré, dans cette grande demeure, d’une demi-sœur lesbienne et de servants très portés sur la chose, déniaisé très jeune, il tombe amoureux d’une jolie lycéenne prénommée Hyacinth qui l’intimide grandement, et la délaisse physiquement pour Khun B., la troublante ex de son père adepte du glaçon dans le dos, interprétée par une Christy Chung des plus excitantes. On en transpire encore…
Contraint de quitter la maison « familiale » pour quelque temps, Jan (interprété cette fois par le moins convaincant Sarsukh Eakarat) revient quelques années plus tard pour se marier et devenir le maître des lieux, à la place de son beau-père vieillissant. Et petit à petit, il se rend compte qu’il n’est qu’un pauvre bougre incapable de dominer ses sens, à l’image de cet homme qu’il haïssait tant durant son enfance. Cruel apprentissage de la vie, où l’on s’aperçoit que les illusions de l’enfance sont balayées par la complexité des choses et par le destin.
Esthétiquement magnifique, Jan Dara est une leçon de vie qui, même si elle s’essouffle dans la dernière demi-heure, contient des scènes d’une rare sensibilité.
Moi baiser toi.
Film taïlandais qui vous apprend à vous servir d'un glaçon, Jan Dara est un film lent et mouate contant les déchirures et les parties de jambes en l'air d'une famille bourgeoise thaïlandaise, et plus particulièrement celles de Jan jeune ado de 17 ans haï et frappé par son père qui ne lui pardonne pas la mort de sa mère (cette dernière étant morte en le mettant au monde).
Le film suit donc la vie de Jan durant différentes périodes de sa vie (enfance, adolescence, adulte), son obnubilation pour le sexe (son premier souvenir est celui de son père baisant une femme), son manque d'amour maternelle et la haine de son père. Chassé de la maison familliale, il reviendra quelques années plus tard (j'avoue que j'ai pas bien compris comment) foutre le bordel et baiser tout le monde. Tout ceci se terminant dans le sang (la scène de la baignoire est bien sympathique) et sur une révélation bien glauque.
La réalisation et la photo sont soignées, ce qui fait que le film se laisse regarder sans trop de peine, d'autant plus que la quantité de forniquages brefs et inopinés sont là pour vous réveiller et vous irriguer le cerveau (et d'autres organes par la même occasion!). Les fesses des acteurs nous livrent une prestation correcte et les seins des actrices font de même bien qu'ils se fassent tout de même assez rare.
Bon gros film bien oedipien, Jan Dara séduira surement les adeptes de "Freund", de "Christy Cheung" et les fanatiques des "feux de l'amour" (un petit peu hétéroclite tout ça!). Moi c'est pas trop ma tasse de thé d'où cette petite note.
Mouais
Vraiment trop mou, c'est domage, et l'instruction sexuelle de l'ado revue dans ce film manque cruellement d'originalité. Le tout reste assez fait filmé tout de même...
L'empereur des sens
"Jan Dara" fait partie de cette véritable période passionnante du récent "renouveau" du cinéma thaï, où tout semblait possible; car "Jan Dara" est avant tout une véritable prouesse artistique dans une société extrêmement pudibonde et soumise à une censure draconienne, ans laquelle des nombreuses actrices se refusent de montrer la moindre chair dénudée ou d'échanger le moindre baiser sous peine de représailles familiales ou – dans une moindre mesure – gouvernementale. L'échange d'un langoureux baiser dans le pourtant très respectable "Syndromes and a century" d'Apichatmong a donc été coupé du montage final (local) par les censeurs et nombreux sont les films récents, qui contournent avec plus ou moins d'élégance cette véritable restriction de la liberté d'expression. Une mesure à double tranchant, tant le discours semble pour la plupart du temps hypocrite (des scènes beaucoup plus douteuses présentes dans des films "commerciaux" de l'omniprésent Sahamongkol passe sans aucun problème la commission de censure, alors que des projets plus artistiques sont bien plus restreints), mais qui préserve également – quelque part – un mode de penser traditionnel…L'effleurement de mains ou un regard amoureux vaut parfois tous les plans fesses du monde.
Un carton d'introduction prévient d'ailleurs le spectateur dès le départ du film: il ne s'agit que d'une œuvre de fiction, qui pourrait choquer des gens de bons mœurs ou avec des profondes croyances religieuses. Et le ton sera donné par l'introduction du personnage principal, dont le tout premier souvenir étant enfant est d'avoir assisté à une scène de coït entre son père haï et sa maîtresse de l'époque. L'histoire du film sera, quant à elle, une belle leçon d'amour – dans tous les sens du terme. Enfin – et pour en finir avec la problématique de la censure, le rôle le plus "chaud" sera tenue par l'incroyablement sensuelle hongkongaise Christy Chung, qui est de loin l'actrice la plus convaincante et est même jusqu'à aller apprendre le thaï pour pouvoir interpréter son rôle sans devoir être doublée. Un fait, qui apporte beaucoup à l'authenticité de l'entreprise.
Car Nonzee Nimibutr, tout comme dans ses précédents "Nang Nak" et "Dang Bireley" a une nouvelle fois poussé le vice très loin en étudiant au détail prêt tous les us et coutumes d'une époque passée – en l'occurrence celle de la Thaïlande des années 1930. Costumes et décors sont totalement somptueux et magnifiés par une mise en scène parfaitement maîtrisée (il n'y a qu'à voir la parfaite introduction aux somptueux mouvements de camera qui emportent le spectateur à l'époque contée et au sein de l'histoire contée).
Dommage seulement, que l'on ne peut effectivement pas en dire autant pour la trame narrative et le jeu des acteurs, très inégal.
Alors que la première histoire (la jeunesse du conteur) est parfaitement maîtrisée, la seconde souffre d'un manque d'implication émotionnel évident. C'est comme si Nonzee avait su parfaitement illustrer quelques étapes marquantes assez évidentes (l'abus tyrannique du père envers le fiston maltraité), en revanche ne sait pas du tout rendre des ressentiments plus adultes et matures. La seconde partie est moins "illustrative", mais beaucoup plus porté sur le ressentiment du jeune héros, qui arrive non seulement à analyser toute sa rancœur passée, mais se rend également compte, qu'il a repris plus d'une caractéristique de son père…L'histoire d'une vie, en somme, lorsque l'on acquiert finalement les armes pour combattre l'image de son père / de son parent, on se rend compte, que l'on a bien plus de traits en commun, que l'on avait bien pensé. Une vérité d'autant plus troublante pour le jeune héros, qu'il n'est pas du même sang / code génétique que l'homme qu'il avait pensé être son père. Et à Nonzee de divaguer d'ailleurs sur cette terrible révélation, qu'il est beaucoup plus facile à mettre en scène pour créer un impact émotionnel sur l'audience, qu'à tenter de retranscrire des tourments intérieurs de son jeune héros.
C'est sans aucun doute en cela, que Nonzee passe un peu à côté de son véritable sujet – une caractéristique, qui lui fera également défaut dans son futur ambitieux "Queens of Lung-Gasuka" où toute implication émotionnelle est encore davantage étouffée par la magnificence des décors et costumes. Ici, l'impressionnante reconstiution historique ne prend jamais le dessus sur l'émotion; c'est juste qu'il sait moins retranscrire, qu'illustrer la psychologie profonde de ses personnages.
Néanmoins, "Jan Dara" reste un très grand film et une véritable prouesse artistique dans une économie cinématographique thaïlandaise cloisonnée et avant tout commerciale.