La nuit, les chasseurs
En 2003, le monde de la littérature indonésienne est ébranlée par la publication d'un livre assez singulier, "Jakarta Undercover" par Moamar Emka, qui a passé des mois à écumer boîtes de nuit et autres maisons closes pour faire un compte(rendu détaillé de la "ville de débauchés" dans la capitale indonésienne. 200.000 copies en ont officiellement vendus dans les premiers mois suivant la sortie de ce recueil sulfureux et le succès a entraîné la publication d'une séquelle depuis.
En fait, le livre ne vaut pas sa réputation sulfureuse. Assez chaste dans ses descriptions, il garde un œil singulièrement détaché et distant, voire même dédaigneux, comme pour se protéger et se trouver des fausses excuses pour ne serait-ce qu'imaginé écrire un tel livre et faire "des recherches" pour les besoins de l'écriture. A aucun moment, Emka n'a tenté de se rapprocher des femmes exploitées – ou du moins pas officiellement et ne leur a-t-il pas donné la parole pour recueillir leurs témoignages et sentiments par rapport à leur travail exercé.
De ce livre, le réalisateur et parfois acteur Joko Anwar a tiré une histoire, très librement adaptée d'une stripteaseuse, qui va devenir la proie du fils d'un politicien, qui a assassiné (accidentellement) une prostitue dans le club de nuit où travaille la femme. Une folle course-poursuite va s'ensuivre dans les rues de Jakarta.
Ce qui promet une course-poursuite haletante dans l'oppressante capitale indonésienne s'avère finalement un sacré pétard mouillé, même pas au niveau des nombreux téléfilms américains à avoir pu exploiter un postulat similaire. La description du milieu des stripteaseuses est incroyablement superficielle (des go go danseuses se trémoussant lascivement sur de la techno en début de métrage), les personnages stéréotypés (la belle Luna Maya n'est absolument pas crédible en stripteaseuse / prostituée effrontée et ses amis travestis sont des pures caricatures) et toute la mise en place est finalement très éloignée du roman d'origine.
S'ensuit rapidement la course-poursuite à proprement parler. Qui dit course-poursuite, dit rythme soutenu, découpage travaillé et ciselé et suspense quant à en connaître l'issue…Que des qualités, dont ne dispose absolument pas l'ancien clippeur-devenu-réalisateur Lance. Il confond vitesse avec précipitation, découpage avec un montage cut. En fait, nourri par les récentes séries américaines du style de "24 heures" ou "The Shield", il décide de filmer caméra à l'épaule, dans la précipitation, poru donner un sentiment de précipitation; mais jamais sa mise en scène ne colle avec la notion d'urgence effectivement éprouvée par l'intrigue. La belle héroïne court, filmée par des plans STATIQUES (pas de notion de vitesse, ni de précipitation), souvent de loin (aucun sentiment d'oppression par le cadre, du sentiment, que le piège pourrait se refermer sur elle) et de manière singulièrement détachée. Les lieux sont horriblement communs et ne témoignent pas non plus de al terrible descente aux enfers, que l'on aurait aimé voir à l'écran ou même de la notion de "Undercover", de vouloir se "cacher" dans els ruelles sombres et étroites de al capitale…Et ce n'est pourtant pas les lieux originaux, qui manquent dans Jakarta.
Bref, le réalisateur rate totalement le genre même de son film sur une histoire certes un peu paresseuse et tirée par els cheveux, mais dont on imagine, que Joko Anwar aurait su tirer une histoire autrement plus haletante. Un ratage en puissance pour un sujet en or.